LE XLIX Congrès International de l’AICA à La Havane:
Le rapport de Matilde dos Santos,
représentante de l’Aica Caraïbe du Sud à La Havane
Visuel du XLIX congrès international de l’AICA à Cuba
Nouvelles utopies : art, mémoire et contexte
Le 49è congrès de l’Association Internationale de Critiques d’Art s’est tenu à la Havane du 11 au 15 octobre 2016 sous le thème Nouvelles utopies, art, mémoire et contexte.
L’Association Internationale de Critiques d’Art (AICA), créée en 1950, compte plus de 4500 membres regroupés en 62 sections nationales, 1 section régionale (Aica Caraïbes du Sud – actuellement présidence martiniquaise) et 1 section ouverte regroupant des critiques d’art du monde entier, généralement de pays n’ayant pas de section nationale.
Le Prado
vue aérienne
Le congrès, co-organisé par AICA internationale et par la section de Cuba, a réuni une petite centaine de participants du monde entier pour une semaine à la Havane. L’AICA Caraïbe du Sud a été invitée à participer à la table ronde Aica dans la Caraïbe le 15 octobre. Malheureusement la Cubana de aviación dans une démonstration des difficultés de transport dans la région a annulé le vol du lundi 10 octobre sans offrir aucune autre option avant jeudi 13 octobre, avec une arrivée à la Havane tard dans la soirée. De ce fait nous n’avons pas pu participer aux trois premières journées des travaux.
Centre Wifredo Lam
Table ronde sur la Biennale de La Havane
Nelson Herrera Ysla, fondateur du centre Wifredo Lam et curateur de la biennale de la Havane depuis le départ, Dannys Montes de Oca, également curateur de la biennale (Amérique latine) et toute nouvelle Directrice du centre Wifredo Lam et Margarita Sanchez Prieto, critique d’art, curateur de la biennale de la Havane et directeur adjoint du centre Wifredo Lam, ont expliqué le processus d’organisation de la biennale depuis 1984.
table-ronde-la-biennale-de-la-havane
L’équipe curatoriale est quasiment la même depuis le départ. Une quarantaine de pays participe à chaque édition, concentrés sur la Caraïbe et l’Amérique latine (1ère édition), l’Afrique et l’Asie, (présentes dès la 2ème édition) mais étendu progressivement au monde entier. En 2012 les USA ont participé pour la première fois. La biennale a eu du mal à se produire tous les deux ans. Aujourd’hui elle est mise en place tous les trois ans. Une de ses caractéristiques marquantes, ce qui la différencie par exemple de biennale de São Paulo , est que la biennale de la Havane ne se réduit pas aux espaces culturels traditionnels, musées, galeries, mais occupe toute la ville, avec un programme de performances et interventions in situ très important. Le coût de production de la biennale est d’environ 150 mille euros, avec une dotation gouvernementale de 100 mille euros, le restant en financements divers. Ce qui permet la mise en place d’un tel évènement pour un coût si bas est la solidarité, de sa population, de ses artistes, des instances gouvernementales nationales, mais aussi des artistes invités, des autres pays, des ambassades…. A la différence de la BIAC et de la Triennale internationale de Santo Domingo, la biennale cubaine ne prend quasiment pas en charge les frais de transport des artistes et des œuvres. L’hébergement est proposé chez l’habitant. L’implication personnelle de la population et des invités est de ce fait très grande. Depuis le départ et de plus en plus, notamment depuis 2012, la biennale cherche à toucher les segments de la population qui n’étaient pas impliqués dans l’art.
Après la Table ronde, les prix de critique et de curateur nationaux cubains, Prix Guy Cisneros 2016 ont été décernés et remis par le conseil d’administration de l’Aica.
biennale-de-la-havanne-2015-artistes-afrique-du-sud-belgique-colombie-et-guatemala
remise-de-prix-nationaux-cubains-de-critique-et-de-curateurie-par-le-board-de-laica
Table ronde L’AICA dans la Caraïbe
Les sections caribéennes de l’AICA (République Dominicaine, Puerto Rico, Cuba et Aica Caraïbe du sud, avec un seul absent : Haïti) ont évoqué ensemble l’état de la critique d’art dans la région, l’histoire des sections, les accomplissements et difficultés rencontrées.
table-ronde-aica-en-el-caribe
Table ronde Aica dans la Caraïbe Préside par Carlos Acero (República Dominicana), vice-président AICA. Participation de Luz Merino (Cuba), Marimar Benítez (Puerto Rico), Marianne de Tolentino (República Dominicana) et Matilde Dos Santos (AICA Caraïbe du sud). – photo aica international
La section de Cuba qui est à sa troisième phase (1952-1956, 1986-90 et 2014…) est à la fois la plus ancienne dans la Caraïbe (créée la 1ère fois en 1952) et la plus récente dans le monde (réouverture 2014). Aujourd’hui la section compte 29 membres. Une revue des publications spécialisées montre une scène artistique florissante dans les années 50, avec une quinzaine de lieux de monstration (Galeries, centre culturels, salons nationaux, cercles et institutions culturels… ) et une vingtaine de professionnels (philosophes, sociologues, historiens, hommes et femmes de lettres) faisant office de critiques d’art.
Le chapitre AICA de République Dominicaine (ACDA) a été créé en 1981, et a obtenu son statut juridique définitif en 1996. Depuis 2001 l’association décerne des prix de critique, curateurie, … Son existence a contribué à structurer et professionnaliser la critique d’art et la pratique des curateurs. Aujourd’hui une des activités récurrentes de l’association est l’organisation des mardis de la critique, réunion hebdomadaire sous forme de causeries, séminaires, ……
L’Aica de Puerto Rico a été créée en 1988 avec l’appui de l’Aica de République dominicaine, ainsi comme l’aica caraïbe du sud. Cette section qui compte une douzaine de membres est une ONG ouvrant pour la critique et la diffusion de l’art de Puerto Rico. La section décerne 10 prix annuels (critique, curateurie) , et contribue à la structuration de la filière sur le territoire.
L’Aica Caraïbe du Sud (AICA-SC) a la particularité d’être la seule section régionale de l’AICA, réunissant aujourd’hui 24 membres sur 7 îles de la Caraïbe. Il s’agit donc d’un véritable laboratoire du travail en coopération qui est la visée de l’association dans sa globalité. L’AICA SC affronte des difficultés particulières, à commencer par les difficultés de transport, le liaisons entre anciennes colonies et anciennes métropoles étant aujourd’hui encore priorisées par rapport aux liaisons entre îles voisines. Ces difficultés sont également des richesses (différences de langues, de culture, de moyens de travail). Le travail tend, mais ce n’était toujours pas évident, vers la mutualisation des moyens (la plupart des îles ont une école d’art, la plupart ont également un musée national, la Martinique a un nouvel espace privé avec vocation caribéenne… ). Parmi les actions remarquables on peut compter la tenue sur deux sites (Barbade et Martinique) du congrès international de l’AICA en 2003, le séminaire Parcours Martinique , organisé en Martinique avec le partenariat de la Fondation Clément en 2008 et le séminaire Black jacobins en Martinique et à la Barbade en 2011. Plus récemment, le site web crée en 2009 a fait peau neuve en 2012. Sur ce site, des articles sont proposés par des membres et non-membres autour de la critique d’art et de l’évènementiel artistique dans la région ou ailleurs. Depuis 2012 le projet Théorie et critique d’art en Caraïbe a été mise en place en partenariat avec la Fondation Clément. Les textes sont traduits en trois langues, français sur le site de la Fondation clément, anglais et espagnol sur le site de l’Aica sc. La toute dernière action consiste en la production de très courts vidéos (moins de 4 minutes) de présentation d’artistes caribéens, en trois versions (anglais, espagnol, français) afin de soutenir la diffusion des artistes . Pour le moment 5 vidéos ont été réalisées sur des artistes martiniquais et sont mise en ligne sur le site de l’association. Le but étant que d’autres îles proposent d’autres artistes et participent à la production d’autres vidéos.
L’activité menée par les membres à titre individuel nourrit l’association également : commissariat, visites guidées d’exposition, séminaires, …
A la fin de la table ronde et avant la clôture du séminaire, le prix jeune critique a été remis aux lauréats par le jury.
remise-de-prix-jeune-critique-par-le-jury-aica
ceremonie-de-clôture-musiciens-centre-wifredo-lam
Visites dans le cadre du programme
entrée-universite-des-arts-isa
Visite de l’université des arts – ISA.
Beau bâtiment. Visite commentée de l’exposition et des ateliers des étudiants de 5éme année. Superbe espace, lumineux et confortable, avec un seul défaut : manque d’aération, donc risque d’intoxication par les peintures, etc. Parmi les travaux d’étudiants je retiens ceux de Lislay Hernanez, Bajo la misma piel, photographie, Daniel Diaz, El lobo y la luna, dessin, Hector Remedios, Assentamiento, installation, vertèbres humaines, Daralys Galego, Memoria, peau, cheveux humains, Mariannys Montes de Oca, Patron, dessin, Tatouages rhizomiques
hector-remedios-asentamiento
daralys-galego-memoria
mariannys-montes-de-oca-patron
Visite de la galerie Villa Manuela,
Union des écrivains et artistes de Cuba (UNEAC), rencontre avec quelques-uns des artistes présents.
visite-expositon-galerie-vila-manuela
Visite du Museo Organico de Romerillo (MOR) l’atelier Kcho.
Très intéressante malgré l’absence des artistes. L’atelier- Musée-bibliothèque est un espace global qui fournit internet gratuit, au cœur d’expositions d’art contemporain. Le code d’accès internet est indiqué sur les murs extérieurs, rappel des difficultés particulières de l’île sur ce point. C’est un projet communautaire avec support de google, suite à la visite de Barack Obama à Cuba. Le lien de l’artiste avec la révolution est clair et mis en avant aussi bien dans les expositions que sur les murs extérieurs, avec interventions qui rappellent des dates importantes de la révolution.
Kcho
musee-de-romerillo
Visite de la Fondation Ludwig.
Le directeur Helmo Hernandez nous expliqué le fonctionnement de la fondation installée a la Havane depuis 1997 : travaillant très proche du gouvernement (sous la tutelle du ministère de la culture) , ils soutiennent la production des jeunes artistes, font une exposition par semaine de jeunes talents (durée une journée)une exposition par semaine également d’art numérique et une production vidéo également. Ils produisent et diffusent des forfaits internet « contaminés », véhiculant du contenu culturel gratuit, pour utilisation en streaming. Soutiennent la participation des jeunes artistes à des rencontres internationales, avec des bourses d’études. Organisent des happenings autour des expositions et des actions en faveur de l’utilisation libre de l’internet. Un espace très contemporain et fréquenté par des jeunes branchés.
fondation-ludwig-cuba-helmo-hernandez
Visite de l’atelier-galerie de Los Carpinteiros
(collectif d’artistes créé en 1992).
L’espace expose des travaux des artistes du collectif mais également d’artistes d’ailleurs.
visite-de-latelier-de-los-carpinteiros
Visite de la Maison, atelier de José Pepe Menendez et Laura Llopiz,
Ils sont designers , conservateurs musée du designer Enrique Garcia Cabrera, grand père de José Pepe. La maison est conservée en l’état où elle a été laissée en 1949 à la mort d’Enrique Garcia Cabrera.
visite-atelier-design-et-musee-enrique-garcia-cabrera
En post-congrès nous avons visité également le château San Severino à Matanzas, fort du XVIII siècle, qui a servi de prison jusqu’en 1981. Depuis 2009 c’est le musée de la route de l’esclavage impulsé par l’UNESCO ; Le site est grandiose, les collections peu importantes. Une salle est consacrée aux religions animistes afro-cubaines.
vue-aerienne-du-chateau-de-san-severino-musee-de-la-route-de-lesclavage-photo-web-2009-phtographe-julio-larramendi