Les blouses blanches ont crié leur colère noire et, avec elles, grâce à elles plutôt, ce fut une certaine idée du service public de santé que nous défendions solidairement, puisque leur combat est également le nôtre.
Et pendant ce temps-là, comme des ombres projetées dans le miroir du temps qui incite au désarroi et/ou à l’action, les personnels hospitaliers craquent et le font savoir bruyamment. Hier, un peu partout en France, les blouses blanches ont ainsi crié leur colère noire et, avec elles, grâce à elles plutôt, ce fut une certaine idée du service public de santé que nous défendions solidairement, puisque leur combat est également le nôtre. Qui n’a ou n’aura besoin de l’excellence de ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, jadis jalousés dans le monde entier et qui restent toujours une référence, notamment pour l’universalité des soins donnés. Qu’ont donc exprimé les milliers d’infirmiers et d’aides-soignants réunis à l’appel de dix-sept syndicats (FO, CGT, SUD, CFTC, etc.) ou associations, mais aussi, fait rare, d’une vingtaine d’organisations infirmières, salariées, libérales ou étudiantes, ce qui constitue un mouvement unitaire absolument inédit depuis 1988. Juste la réalité, rien que la réalité de leur quotidien. Ils dénoncent les cadences infernales, le manque de personnels et de temps passé auprès des malades, l’accroissement de l’activité, la course à la rentabilité… et accessoirement, ces femmes et ces hommes qui sauvent nos vies réclament une meilleure reconnaissance. «Il nous faudrait quatre jambes et quatre bras», raconte l’une. «Dans mon service, c’est le travail à la chaîne, pourquoi croyez-vous que nous assistons à une vague de suicides?», assure une autre. Ces mots d’exaspération témoignent tous du refus de briser l’esprit de corps, de trahir les règles de l’art médical et l’éthique personnelle. Au fond, ces mots ne disent qu’une chose: l’exigence du service public, notre bien commun.
Dès ce mercredi, nous irons voir ''la Sociale'', le film de Gilles Perret qui retrace la grande aventure de la Sécurité sociale, née après la Libération par la volonté du ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat, et attaquée désormais de toutes parts, y compris par une «gauche» au gouvernement, oublieuse des valeurs constitutives de cette histoire monumentale. Depuis soixante-dix ans nous le savons : la santé ne constitue ni un coût ni une dépense, mais un investissement nécessaire pour une société juste et solidaire. Un investissement sur la vie.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 novembre 2016.]