Le jour du démon

Publié le 20 juin 2008 par Didier54 @Partages

Pour reprendre l’observation si poignante de Benjamin R. Barber : « Aucun enfant américain ne peut se sentir en sécurité dansson lit si à Karachi ou Bagdad les enfants ne partagent pas ce même sentiment dans le leur. Les Européens ne pourront se vanter bien longtemps de leurs libertés si les habitants d’autres parties du monde restent démunis et humiliés ». La démocratie et la liberté ne peuvent plus être assurées dans un pays ou même dans un groupe de pays , parce que leur défense dans un monde rempli d’injustice et peuplé de millions d’êtres humains privés de dignité humaine corromprait inévitablement les valeurs mêmes qu’elles sont censées défendre. L’avenir de la démocratie et de la liberté sera assuré à l’échelle de la planète – ou ne le sera pas du tout. La peur est le plus sinistre des démons qui se niche dans les sociétés ouvertes de notre époque. Ce sont l’insécurité du présent et l’incertitude vis-à-vis de l’avenir qui font éclore et se propager nos peurs les plus angoissantes et les plus insupportables. Cette insécurité et cette incertitude, à leur tour, naissent du sentiment d’impuissance : nous semblons avoir perdu le contrôle, que ce soit individuellement,à plusieurs, ou collectivement – et pis encore nous n’avons pas les outils qui
permettraient à la politique de retrouver et de reprendre la maîtrise des forces qui façonnent notre condition et définissent nos possibilités et les limites de notre liberté de choix : une maîtrise qui aujourd’hui nous échappe ou nous a été soutirée. Le démon de la peur ne pourra être exorcisé tant que nous n’aurons pas trouvé (ou plus précisément construit) de tels outils.

Conclusion d'une conférence du sociologue Zygmunt Bauman. L'intégrale de son propos est en ligne. Cliquer ici.