Goliath est une nouvelle série de 8 épisodes entièrement mise en ligne le 14 octobre par le service vidéo d’Amazon. L’action prend place dans une banlieue des laissés pour compte de Los Angeles, à l’image de son personnage principal, Billy McBride (Billy Bob Thornton), un avocat vivant dans une chambre miteuse et dont la vie semble aller à vau-l’eau. Pour le moment, la seule chose qui lui donne envie de se lever le matin est le procès qu’il a intenté à la Borns Tech, une multinationale qui semble avoir beaucoup de choses à cacher. Malgré un casting intéressant, la nouveauté d’Amazon peine à nous engager sur le long terme. D’une réalisation quelconque aux nombreuses longueurs, on recommande à ceux qui ont détesté Bosch et son univers amorphe de s’abstenir.
Suicide ou meurtre?
Tout repose en effet sur cette question. C’est qu’un client de Billy est mort depuis peu dans d’étranges circonstances. La thèse officielle est qu’il s’est suicidé, mais l’avocat et les proches du défunt en doutent fortement. L’homme travaillait pour la Borns Tech qui d’ailleurs a été le principal client du protagoniste par le passé. Billy devant désormais faire ses frais en défendant des petits revendeurs de drogue, il pourrait bien toucher le gros lot avec cette poursuite, mais à condition d’avoir le cœur solide. En effet, la compagnie ne semble reculer devant rien pour annuler la poursuite. À la fin du second épisode, l’épouse du défunt que Billy représentait en cour est intentionnellement happée par un chauffard qui la tue sur le coup. Qu’à cela ne tienne : dans le troisième, il parvient à convaincre son jeune fils Jason (Britain Dalton) de continuer avec la poursuite et grâce à sa collègue Patty (Nina Arianda), ils obtiennent la copie vidéo de l’explosion d’un bateau de la Borns dans lequel son client se serait suicidé, ce qui ne fait aucun sens. Cette découverte prend de court les deux avocats dans le camp adverse : Leonard Letts (Damon Gupton) et Callie Senate (Molly Parker) dont le maître Donald Cooperman (William Hurt) ne semble pas commode. À moitié défiguré du côté droit du visage, il passe ses journées enfermé dans un bureau sombre à regarder ce qui se passe à l’extérieur via de multiples écrans.
Divorcé, père peu présent, alcoolique : le personnage désabusé qu’incarne Billy Bob Thornton n’a rien de bien novateur dans l’univers sériel du moment. L’image du héros tourmenté dans sa vie qui cependant met toutes ses énergies pour défendre la veuve et l’orphelin est surutilisée de nos jours et rendu presque à la mi-saison, on ne peut pas affirmer qu’il nous est plus sympathique à nos yeux au fil des épisodes. On tente par moment de nous le rendre plus tendre notamment lorsque sa fille Denise (Diana Hooper) vient lui rendre visite, mais ses apparitions sont si brèves et éparses qu’on a tôt fait de les oublier. Cette froideur s’applique au personnage principal, mais aussi à l’ensemble du casting si bien qu’à certains moments, on se demande si c’est le ton de la série qui veut ça ou si ce sont tout simplement les acteurs qui se meurent d’ennui entre des dialogues comprenant un juron toutes les 10 secondes. Il n’y a que Donald qui se démarque de tout le lot, mais on ne sait trop si on doit le craindre ou tout simplement le prendre au sérieux. C’est qu’avec son visage défiguré et son rire quelque peu démoniaque alors qu’il passe ses journées à espionner tout le monde (comment est-ce possible d’ailleurs?), il aurait davantage sa place dans un épisode de Gotham !
Du côté du scénario, ça manque un peu d’ambition. C’est qu’au départ, la cause nous est tout sauf sympathique puisqu’on ne connaissait pas la victime et on accorde peu de place aux membres de sa famille. Dès lors, connaissant le caractère sombre de Billy, la vendetta qu’il mène à l’encontre de la Borns Tech est probablement d’un autre ressort, d’autant plus que son ex-épouse Michelle (Maria Bello) y travaille, mais là encore, on omet de miser sur ce filon qui aurait du potentiel. Leurs contacts sont limités au strict minimum. Sinon, durant les premiers épisodes, les rencontres dans une salle du palais de justice sont nombreuses. Pourtant, mis à part le juge et les avocats des deux partis, personne du public n’est dans la salle, ne serait-ce que par pure curiosité… un peu à l’image de notre intérêt pour la série…
Pour non voyants aussi
En 2015, Amazon a lancé la série Bosch, une adaptation de trois romans de Michael Connelly. Lente, s’adressant surtout aux fans de ses écrits, le fait que l’action se déroule dans les années 90 ajoutait un petit air suranné à la série qui n’avait rien pour attirer un public plus jeune. Pourtant, elle n’a cessé d’être renouvelée si bien qu’une quatrième saison est attendue en 2018. Forte de ce succès, la similarité dans la mise en scène avec Goliath n’est sûrement pas un hasard. Billy a beau compter sur une équipe nombreuse pour l’épauler, aucun de ses membres ne se sert des technologies pour arriver à ses fins, qu’il s’agisse d’un portable, d’un cellulaire ou même de courriels. En fait, la série pourrait se dérouler 10 ans, voire 20 ans plus tôt qu’on ne verrait pas de différences majeures. On retrouve cette même caractéristique vieillotte du côté technique. La succession de plans de caméra champ-contrechamp bien cadrés s’enchaîne avec un manque d’originalité déconcertant au point où l’on peut carrément regarder ailleurs ou faire autre chose sans avoir l’impression de manquer quoi que ce soit. Cette morosité au niveau du montage n’arrange en rien un intérêt par rapport à la série qui fond comme neige au soleil.
L’apathie ne semble pas se limiter qu’aux téléspectateurs. En entrevue au Hollywood Reporter, le créateur de Goliath, David E. Kelley a affirmé qu’à l’origine, lui et son équipe projetaient leur héros sur une durée de trois saisons, bien que la poursuite qui occupe la première trouve son terme au bout du huitième épisode. Une autre affaire judiciaire serait donc à l’ordre du jour advenant qu’Amazon renouvelle la série, mais le créateur a aussi ajouté : « But if we were told, “OK, you can only have one year, here’s the deal, one year and one year only,” that would have been fine with us. »… Cependant, le créateur aurait de quoi être optimiste puisqu’Amazon a déclaré au début novembre que la série a battu tous les records d’audience durant les dix premiers jours de sa mise en ligne… sans pour autant se commettre en nous donnant un chiffre.