Notre-Dame-des-Landes est une charmante petite commune de l’Ouest de la France, située dans le département de la Loire-Atlantique, en région Pays de la Loire, et dans laquelle une partie de ses habitants, appelés les Landais, se bat pour avoir un aéroport à proximité, pendant qu’une autre partie de ses « habitants », appelés les Zadistes, se bat pour ne pas avoir cet aéroport. Et au milieu ne coule aucune rivière.
L’affaire dure depuis un moment, depuis plus de 50 ans si l’on s’en tient au projet initial de grand aéroport apte à desservir la région bretonne et nantaise. Depuis 2000 et suite à l’initiative du sémillant Lionel Jospin, le projet, un peu en sommeil depuis les années 70, se trouve relancé et dérape rapidement avec l’occupation des lieux par des militants écologistes, de plus en plus nerveux, farouchement opposés au bétonnage du bocage nantais, et ravis de trouver là une occasion de squatter des hectares de campagne pour y faire pousser des légumes et des herbes bio.
La suite est relativement chaotique, mais on pourra en lire avec profit un petit résumé ici, permettant de récapituler les différentes phases d’avancement ou de renoncement du projet, véritable montagne russe émotionnelle pour qui aime les avions ou, a contrario, les petits batraciens protégés.
Le gouvernement, peut-être excédé de ces tergiversations ridicules, cherchant peut-être à légitimer le projet ou, au contraire à l’enterrer décida en juin dernier de lancer une consultation démocratique. Nul ne saura ce que le gouvernement cherchait vraiment (soyons sûrs que des générations d’historiens et de cryptologues se pencheront sur cet épisode sans rien y comprendre), mais le résultat fut parfaitement limpide : la Loire-Atlantique, consultée, répondit un « Oui » franc à la construction du bidule déjà quinquagénaire.
On continue en arrêtant les frais, donc. Vous n’y comprenez rien ? C’est parfait, c’est apparemment le but recherché de toute la clique politique locale et nationale. Et ça se complique encore un tantinet puisqu’on vient d’apprendre que le rapporteur public sur ce projet demande l’annulation des arrêtés préfectoraux permettant de démarrer le chantier devant la Cour Administrative d’Appel de Nantes.
Le projet sera enterré ? Que nenni : la Cour Administrative d’Appel de Nantes pourrait ne pas suivre les conclusions du rapporteur public et laisser le projet suivre son cours. Ou, histoire de remettre une piécette dans le bastringue, la Cour pourrait choisir de suivre le rapporteur. Grandiose, non ?
Quelle que soit l’issue, elle laissera pas mal de gens coincés.
Inévitablement, il y aura concurrence de ces plateformes et si la concurrence est excellente lorsqu’il s’agit du privé puisqu’elle permet d’amoindrir les coûts et de rechercher la performance, elle est rapidement synonyme de gabegies et de dérapages budgétaires incontrôlées lorsqu’il s’agit du domaine public.
En effet, à un moment ou l’autre, il va falloir faire faire des économies et des repositionnement stratégiques des aéroports existants en fonction de leur succès, tant au niveau des lignes qu’au niveau des commerces qui s’y installeront. Imposer des baisses de salaires, des réductions d’effectifs ou d’autres mesures d’économies dans ces entités massivement publiques promet d’ores et déjà d’épiques batailles et des grèves croustillantes à n’en plus finir. J’évite de parler d’une fermeture des deux aéroports devenus surnuméraires (Nantes et Rennes), ou même du seul nantais, tant cette option provoquera un évident prurit médiatique bien irritant, les pertes d’emplois afférentes jouant rôle de catalyseur fulgurant.
Et avant même que le nouvel aéroport ait vu le jour, on sait que sa construction sera l’objet d’une foire d’empoigne pour éparpiller les militants « écolos » et autres faunes colorées des champs dont ils pris possession, foire d’empoigne qui sera suivie de juteux contrats entre les bétonneurs d’un côté et la puissance publique de l’autre, contrats qui n’ont jamais eu pour réputation de s’achever dans les temps et dans les budgets déterminés. On peut garantir qu’il y aura des dépassements, probablement d’autant plus forts que l’État est faible et corrompu.
Tout indique en définitive que ce nouvel aéroport signifiera une explosion des taxes et impôts locaux pour les contribuables du bassin considéré, et rien ne permet d’affirmer que les créations d’opportunités économiques et d’emplois viendront contrebalancer cette bastonnade fiscale.
A contrario, si l’aéroport ne voit pas le jour, le gouvernement (ou son successeur, plus probablement) devra s’expliquer sur ce renoncement anti-démocratique (après tout, les gens ont voté pour, n’est-ce pas). Difficile d’expliquer, parfum Brexit, que le référendum organisé n’avait qu’une valeur consultative et ce d’autant plus qu’il a donné un résultat contraire à celui qu’on espérait peut-être.
Toujours dans cette hypothèse, les entreprises privées — qui ont déjà engagé des frais pour la réalisation de cet aéroport — devront être indemnisées pour l’abandon du projet. Nul doute que les sommes feront des heureux du côté de ceux qui les reçoivent, mais qu’elles ne pourront sortir du sabot d’un cheval. Youpi, le contribuable français en général et local en particulier seront donc mis à contribution pour cajoler ces entreprises.
Je résume.
Le gouvernement, s’il lance la construction, assure à l’État (et aux médias) une série de crises locales évidentes, avec une espérance de gains extrêmement modeste pour ne pas dire inexistante. S’il ne la lance pas, il s’engage dans un bras de fer avec les équipementiers et les entreprises du BTP déjà sur le coup. Idéologiquement, il se retrouve aussi à désavouer une consultation démocratique, ce qui, à l’approche d’une élection, est particulièrement dangereux.
Le contribuable, que la construction soit lancée ou non, sera de sa poche. L’espoir de recouper ses pertes fiscales par un boom économique induit par ce nouvel équipement est particulièrement lointain, voire inexistant si les experts, qui ont régulièrement trouvé le projet surdimensionné, ont raison.
En fait, à l’analyse, les seuls gagnants certains d’un abandon sont les militants écolos, et les seuls gagnants certains d’une mise en chantier sont les équipementiers. Entre les deux, l’État, le gouvernement et les contribuables seront toujours perdants, montrant de façon lumineuse pourquoi, encore et toujours, la force publique ne devrait jamais se mêler de faire ce dont le privé peut très bien se charger seul.