Dire que l’on en avait soupé de Tim Burton, qu’on ne voyait plus en lui que l’ombre fugace de ce qu’il fut, c’est peu dire. Les souvenirs empreints de nostalgie en repensant à la folie furieuse de Beetlejuice, à la virtuosité de Batman, à l’univers onirique et poétique d’Edward aux mains d’argent et de Big Fish s’étaient peu à peu éteint avec le grandiloquent Charlie et la Chocolaterie (auquel on préféra la bien plus fidèle et touchante version de Mel Stuart, sortie en 1971), de la relecture mitonnée d’heroic-fantasy d’Alice au pays des merveilles, perdant son charme d’antan pour se métamorphosé en Jeanne d’Arc moderne et le désastreux et fort ennuyant Dark Shadow. Hormis le sympathique Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, le Burton de ces dernières années, avaient à nos yeux embués de déception, touché le fond. Avec Miss Peregrine et les enfants particuliers, franche réussite tant dans le domaine du rêve que de la comédie, qui dresse Eva Green dans un rôle de gentille protectrice, on peut affirmer que l’on avait un peu jeté le bébé avec l’eau du bain.
Jacob (Asa Butterfield que l’on a vu dans La stratégie Ender et Le monde de Nathan), un adolescent solitaire, très proche de son grand-père, apprend à sa mort, qu’il existe un monde mystérieux qu’il doit découvrir. Son père Frank (Chris O’Dowd) et sa mère (Kim Dickens que l’on a vu dans Gone Girl), sceptiques, l’emmène consulter une psychologue qui suggère néanmoins, pour qu’il apprenne à faire la part de la réalité et de l’imagination, de le laisser enquêter sur les traces de son aïeul.
Jacob (Asa Butterfield) et Emma (Ella Purnell que l’on a vu dans Tarzan)
Bien sur, Burton reste Burton et réemploi, pour l’essentiel, les recettes qui ont fait son succès auprès de tous les ados ténébreux mal dans leur peau. Le héros, tout d’abord, est un outsider, un gosse destiné à être chamaillé continuellement, mais qui, évidemment, cache des talents insoupçonnés qui l’élèveront bientôt au-delà de la masse des gens conformes, bêtes et méchants. Il trouvera, c’est entendu, un alter-ego, et naîtra une romance que d’aucun aurait pensé impossible s’il n’était relié par une particularité qui dépasse le stade des simples apparences. Et, c’est évident, ces présupposé bien ancré dans la réalité, a travers le prisme du fantastique, rendront les aventures de ces enfants banals, simplement extraordinaires et emplis d’enseignements sur la tolérance et la fraternité. Par ce biais, le discours s’adressant avant tout aux marginaux, que Burton a toujours représenté, devient universel. C’est de cela, en partie que l’on s’était lassé, et de toute l’imagerie gothique qui en découlait et ne se renouveler jamais. Ici, ultime reste, Emma qui a la particularité d’être plus légère que l’air, porte, à s’y méprendre, des New Rock. Cette insoutenable légèreté de l’être est au cœur du récit, mais ce n’est pas du côté des chérubins qu’il faut la chercher mais bien davantage du côté de leur Némésis, Barron (Samuel L. Jackson que l’on a vu dans Les huit salopards, Kingsman : Services Secrets, Avengers : L’ère d’Ultron et Tarzan).
Barron (Samuel L. Jackson)
Si ce sont des valeurs tels que l’amour et l’entraide qui rendent légère une vie pourtant bien monotone du côté de Miss Peregrine (Eva Green que l’on a vu dans Sin City : j’ai tué pour elle), c’est bel et bien, cette volubilité de l’âme, cette distorsion du bien et du mal, qui anime des méchants aux allures de financiers du XIXème siècle, cyniques et le cœur alourdi par une ambition malsaine de domination. Il est question de différence, donc, dans Miss Peregrine et les enfants particuliers, mais surtout de divergences sur le sens de la vie. Condamné à revivre éternellement la même journée, les enfants particuliers de Miss Peregrine saisissent mieux la valeur d’un instant, et quelques parts, forcés malgré eux à l’immortalité la remette en cause comme but transcendant de l’existence. La durée de notre vie est probablement moins importante que la manière dont on la remplit, semble nous dire Burton. Dans l’orphelinat de Miss Peregrine, on profite de la vie, et même de sa monotonie, tandis que Barron gâche la sienne à tenter de la rallonger. Intelligemment, sans dénouer le faux du vrai, Burton rajoute à son histoire, une émotion palpable à travers l’histoire d’Abe (Terence Stamp), le grand-père de Jacob, qui n’eut la chance de rencontrer les enfants particuliers que parce qu’il fut décidé par d’autre de le placer en situation d’altérité.
Car l’altérité est toujours une question du regard que l’on pose sur elle, avec plus ou moins de compassions et d’humanité. Jeune enfant juif dans les années 30, Abe fuyait des monstres bien réels qui déferlaient sur l’Europe. Burton reprend une vision plus fantasmagorique de la réalité, illustrant par l’image plus fortement encore son propos. En plus du fond, le réalisateur retrouve aussi un sens de la narration et du découpage qui semblait lui manquait ces dernières années. Miss Peregrine et les enfants particuliers retrouve un rythme que l’on croyait perdu. Fini le surplace de Dark Shadows par exemple. L’approche fantastique des aventures de notre petit héros est réjouissante. On débute sur un tempo lent rappelant les productions Amblin, nous baladant dans les brumes du mystère, naviguant à vue avec lui, sans nous douter du dénouement. Le premier acte fini, nul ne saurait dire, si l’on part sur une histoire d’Ovni ou tout autre chose. Le décor posé, dans la deuxième partie, l’est assez subtilement, mettant en place des personnages et en délaissant d’autres pour mieux ménager les effets de surprises. Le final, enfin, est une véritable apothéose pop où le spectateur retombe en enfance, bataille spectaculaire et très drôle, bref entraînante, dans une fête foraine.
Miss Avocet (Judi Dench que l’on a vu dans Indian Palace – Suite royale)
Pour nous, c’est sur, Burton signe son grand retour avec Miss Peregrine et les enfants particuliers, franche comédie, grande aventure, apte à faire rêver les plus grands comme les plus petits et distillant au passage des petits messages loin d’être dénué d’intérêts et d’humanité. Du pastiche, Burton est revenu et réussit davantage dans la célébration du cinéma fantastique dont cet inventaire à la Prévert d’enfant freaks en est un bien agréable.
Boeringer Rémy
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