L’armée. Sa hiérarchie, ses soldats, la dictature du patriarcat, ses traumas. Milieu paradoxalement sans foi ni loi. Sauf celle du plus fort. Mieux vaut se trouver sous l’aile du dragon qu’avoir des velléités de rébellion. Quand bien même celle-ci serait tout à fait légitimée par une injustice difficile à avaler.
Max l’apprendra à ses dépends, et pour avoir brisé l’omerta à propos d’une embuscade ayant mal tourné (au cours de laquelle trois soldats furent tués), se retrouvera tout simplement mis au ban du clan.
Déjà révoltante, cette situation n’est pourtant rien en comparaison de ce que sont amenées à subir les rares femmes du lot, celles « qui portent malheur », celles « qui n’ont pas de couilles », celles « qui ne servent à rien sur le terrain ». Univers jusqu’à encore récemment totalement masculin, celui de l’armée n’accorde ainsi que peu de crédit à la gente féminine, dévoyant constamment leur légitimité.
En soi, le constat n’a rien d’une nouveauté, tant la situation s’avère malheureusement similaire au sein de la société civile (il suffit juste de voir la problématique de l’égalité des salaires), mais le fait de voir les sœurs Coulin l’aborder au sein d’un monde d’une telle opacité, riche en tabous comme peut l’être l’armée, résonne d’autant plus, et trouve un écho tout particulier.
Ainsi, Aurore (excellente Ariane Labed !) et Marine (Soko, plus en retrait) vont en baver. À l’horreur du conflit se relaieront humiliations genrées, micro et totales agressions. Les réalisatrices ont-elles versées dans l’exagération ? Malheureusement, la réalité doit encore dépasser de plusieurs coudées la fiction.
Les sœurs Coulin, c’est certain, ne nous épargnent rien. Même si l’on pourra sûrement leur reprocher de ne pas être allées encore suffisamment loin (côté mise en scène et idées purement visuelles, ça c’est certain).
Volontiers frondeuses, celles-ci se font fort de dénoncer un statut injuste et amoral au sein d’une institution se posant pourtant en modèle vertueux et courageux, tout en prenant à partie, frontalement ou plus subtilement, cette dernière dans toute son hypocrisie.
Loin des zones de front d’Afghanistan, c’est donc en plein cœur d’un hôtel cinq étoiles de Chypre, au cours d’un stage de « décompression », que se situera l’essentiel du récit.
Un choix pertinent, tant ce cadre, idyllique, s’avère en total décalage avec ce que les soldats ont pu vivre en mission. Si l’idée de l’état-major peut sembler noble, elle n’en masque pas moins une réalité peu amène, où déni, couverture de crimes et délits, paternalisme aveugle sont rois. « Cachez moi ces exactions que je ne saurais voir ».
Pour la plupart d’entre eux brisés, les séances de thérapie collective (sur fond de réalité virtuelle censée leur faire revivre au plus près les sources du traumatisme) ont finalement moins pour but de les aider à les remettre psychologiquement sur pied, qu’à se donner bonne conscience avec le sentiment du devoir accompli.
« Honneur et patrie. »
Plutôt « horreur et pas dit ».
Voir du pays questionne ainsi les motivations qu’ont tous ces jeunes gens à s’enrôler dans l’armée, ce qu’ils comptent y trouver, ce qu’ils en retirent, ce qu’ils deviennent après les échanges des premiers tirs.
Si le tableau dépeint manque peut-être un peu de subtilité (c’est sûr, ça risque de froisser les pro-armée), fait au final rarement preuve d’inventivité avec un effet « waouh » à même de vraiment nous étonner, le propos et la manière avec laquelle il est porté sont vraiment à souligner, insufflant une belle empathie et une profonde humanité là où elles ont malheureusement déserté.
Un remède aux maux sous forme d’utopie : voir du pays ?