Aucune exposition sur l’écrivain n’avait été jusqu’à maintenant organisée dans Paris, pourtant grand amoureux de la langue française et enterré au Père Lachaise au début du XXème siècle. Avec « L’impertinent absolu », le visiteur a jusqu’au 15 janvier pour s’inviter dans l’intimité d’Oscar Wilde… |
(Photo© 2016 Cecilia Gouttes)Affiche de l'exposition Oscar Wilde "l'impertinent absolu" Petit Palais
L’exposition s’ouvre avec une citation de l’écrivain irlandais qui résume bien son parcours : « Une bonne réputation ? C’est une des nombreuses contraintes à laquelle je n’ai jamais été soumis ». Né d’un père médecin et d’une mère écrivaine (Jane Francesca Elgee), à Dublin en 1854, Oscar Wilde fût très marqué par le décès de sa petite sœur Isola, morte à l’âge de 9 ans et pour qui il écrit le poème Requiescat. Une enveloppe contenant une mèche de cheveux d’Isola, décorée par l’auteur est exposée.
Élève brillant, passé par Trinity Collège et Oxford, Oscar Wilde remporte le premier prix de poésie de l’Université d’Oxford à l’âge de 24 ans. Le manuscrit de Ravenna écrit en juillet 1878 a été retrouvé et exposé pour l’occasion. Un album de confessions écrit par l’écrivain a également été mis à disposition des visiteurs, dans lequel Oscar Wilde décrit son occupation préférée « lire [ses] propres sonnets », son but ultime (« le succès, la célébrité, voire la mauvaise renommée ») et ce qu’il déteste le plus : « les principes d’un protestant irlandais ».
« Une bonne réputation ? C’est une des nombreuses contraintes à laquelle je n’ai jamais été soumis » - Oscar Wilde
Dans l’intimité d’Oscar Wilde
Ce que les visiteurs préfèrent de l’exposition, c’est la découverte d’un Oscar Wilde plus complexe qu’il n’y parait. Frédérique explique que « dans le peu [qu’elle] a lu et vu, l’exposition montre bien les idées profondes de l’auteur ». A la sortie du Portrait de Dorian Gray en 1890, l’écrivain reçoit beaucoup de critiques : « son livre était jugé immoral voir répugnant » rappelle un des responsables de l’exposition. Ce à quoi l’auteur répondra : « Il n’existe pas de livre moral ou immoral, un livre est bien écrit ou mal écrit. Un point c’est tout. »
Marie-Dominique a adoré cette exposition qu’elle qualifie de « merveilleuse ». Selon elle, l’agencement de l’exposition permet de découvrir « plein de choses sur sa vie personnelle », grâce à l’alternance de la peinture et de la littérature. Le visiteur apprendra que l’intellectuel a des opinions politiques bien établis, auquel il a d’ailleurs consacré un écrit « The soul of man under socialism » ndlr : « L’esprit d’un homme sous le socialisme : « Favoriser l’harmonieux développement de la personnalité », définit-il et « l’abolition de la propriété privée pour libérer l’homme des contraintes matérielles et se consacrer à des tâches intellectuelles ou artistiques ».
De nombreux portraits et lettres de son entourage sont également exposés. Une des connaissances d’Oscar Wilde, le poète Henri de Reigner écrivait à son sujet en 1891: « c’est un personnage à la figure rare et colossale. On a l’impression d’un être qui n’est pas dans les proportions usuelles. »
« Dire des choses belles et fausses est le véritable but de l’art » - Oscar Wilde
Les débuts d’Oscar Wilde comme critique d’art
Elvire ressort de l’exposition ravie et avoue « avoir découvert une partie de l’auteur qu’elle ne connaissait pas ». Oscar Wilde était un mari et père de famille affectueux qui envoyait des lettres à chacun de ses départs, et un critique d’art qui ne mâchait pas ses mots. Toute une partie de l’exposition est focalisée sur les critiques que rédigeait l’écrivain en 1877, pour la Grosnevor Gallery de Londres.
Cet institut londonien promouvait les artistes du mouvement « aesthetic » et s’opposait à la peinture très conservatrice de la Royal Academy. Certaines œuvres ayant été critiquées par Oscar Wilde sont exposées. Pour the Tinker (ndlr : le chaudronnier) d’Alphonse Legros, l’intellectuel irlandais écrivait « Les représentations de quelques vases de métal dans un tableau est intitulé le chaudronnier et est un bon morceau de peinture ». Quant à la peinture de William Holman Hunt, Afterglow in Egypte (ndlr : couché de soleil en Egypte), Oscar Wilde écrivait « Comme étude de couleurs c’est superbe, mais il est difficile de s’intéresser humainement à cette paysanne égyptienne ».
(Photo © 1882 Napoleon Sarony) Portrait d'Oscar Wilde |
« S’aimer soi-même, c’est se lancer dans une belle histoire d’amour qui durera toute la vie » - Oscar Wilde
Wilde chez les Sioux
Fraîchement débarqué à New York en 1882, Oscar Wilde parcours les Etats-Unis pour y faire des conférences sur le « beau » et l’art décoratif. Mais il fait scandale pour avoir déclaré que les mineurs de Leadville étaient les « mieux habillés de l’Amérique ». Il apparaît ainsi dans Harper’s Bazar représenté dans une caricature avec les poches remplies de dollars tenant les chapeaux à large bord, les capes et les bottes que portaient les mineurs. L’écrivain aimait faire ses conférences à un public varié, tels que les mormons de Salt Lake City, les indiens à Sioux City en mars 1882 et les mineurs du Colorado. Pour faire sa publicité, il sollicite le photographe Napoléon Sarony qui lui consacrera une vingtaine de portraits - tous exposés - où il apparaît avec des bas de soie, une culotte courte, une veste en velours et un manteau de fourrure.
(Photo © 1882 Harper’s Bazar) Caricature d'Oscar Wilde parut dans le Harper’s Bazar de 1882 |
Oscar Wilde disait qu’il ne fallait « jamais faire ses débuts par un scandale » et réserver cela « pour l’intérêt de ses vieux jours ». Pourtant habitué à la critique, vers la fin de sa vie il fit l’objet d’un terrible scandale qui l’abimera et précipitera sa mort.
Entretenant une relation homosexuelle avec son traducteur Lord Alfred Douglas - il écrivit certaines de ses œuvres directement en français – il fut l’objet d’un procès et d’une condamnation en 1895. Le père de son amant réunit des preuves à son encontre, notamment les lettres passionnées qu’ils s’envoyaient : « A mon ami le plus cher de tous mes amis, vous devez éviter de me faire des scènes. Elles me tuent et saccagent la beauté de la vie ».
Ses deux ans de travaux forcés qu’il purgea pour le crime « d’homosexualité » le marqueront profondément. Il écrivit à son amant une lettre d’amour et de reproche : De profundis. Il témoignera pour justifier son crime expliquant que c’était « une forme de folie sexuelle qui lui fit oublier sa femme et ses enfants ». Une fois sa peine purgée, il retourna en France et se consacra à la rédaction d’un livre, La ballade de la geôle de Reading, il dira de ses tords : « nous sommes tous dans la boue, mais certains d’entre nous regardent vers les étoiles ».
En 1900, il succombe à une méningite. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, Jacob Epstein réalisera une sculpture sur tombeau. Une riche admiratrice de l’écrivain financera la décoration représentant un sphinx.
« Nous sommes tous dans la boue, mais certains d’entre nous regardent les étoiles » - Oscar Wilde