Selon une étude, traiter l’herpès semblerait inutile…
Contrairement à ce que croyaient les spécialistes, traiter les patients atteints d’herpès ne diminue pas leur risque de contamination par le VIH, selon une étude publiée vendredi dans le journal britannique “The Lancet”, de Londres.
Ces travaux pourraient bien entraîner une refonte des stratégies de prévention du sida en Afrique, où la prise en charge des infections sexuellement transmissibles (IST), notamment de l’herpès, en fait généralement partie.“C’est une découverte importante et décevante”, a commenté Francis Ndowa, qui coordonne une équipe chargée du contrôle des IST au sein de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et extérieur à la recherche.
Les chercheurs ont suivi plus de 3.000 hommes et femmes infectés par le virus de l’herpès en Afrique, au Pérou et aux Etats-Unis. Près de la moitié étaient traités par de l’aciclovir, un anti viral qui stoppe l’évolution des lésions ulcéreuses herpétiques.
Après 18 mois de suivi, 75 des 1.581 personnes ayant reçu de l’aciclovir ont été contaminées par le VIH. Elles étaient 64 parmi les 1.591 ayant reçu le placebo.
Pour mener leur essai, les chercheurs ont choisi des participants souffrant d’herpès et qui par ailleurs présentaient des risques d’être contaminés par le virus du sida. Lors de chaque visite mensuelle, ils étaient interrogés sur d’éventuels comportements sexuels à risques avec leurs partenaires récents.
L’étude a été financée par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases américain, d’autres instituts publics américains, et par GlaxoSmithKline, laboratoire pharmaceutique fabriquant l’aciclovir et le zovirax.L’an dernier déjà, une étude plus réduite menée en Tanzanie suggérait l’absence d’impact du traitement de l’herpès sur l’éventuelle contamination par le VIH.
Mais selon les experts, cela n e veut pas forcément dire que la théorie selon laquelle traiter l’herpès permettrait d’éviter la contamination par le VIH.
“Il est probable que nous ayons besoin de plus d’interventions puissantes que nous n’en avons actuellement” pour en tirer un telle conclusion, a déclaré à l’Associated Press Connie Celum, professeur de santé et de médecine globale de l’Université de Washington, qui a dirigé cette étude.Les experts soulignent le lien complexe qui unit les deux virus, et qui n’est pas encore totament élucidé. Quand les ulcères herpétiques apparaissent, les globules blancs s’installent au niveau de la peau pour combattre le virus. Malheureusement, ces mêmes globules blancs possèdent également des récepteurs au VIH.
Pour Ndowa, même sans présence de ces ulcères révélateurs, il serait possible que l’herpès traîne alors que les patients prennent de l’aciclovir, permettant au VIH de prendre pied.
Dans un commentaire d’accompagnement dans le Lancet, Ronald Gray et Maria Wawer, de l’Université Johns Hopkins, se demandent de leur côté dans quelle mesure le contrôle des IST peut servir à lutter contre le VIH. “Il est temps de réexaminer l’hypothèse et d’ajuster les consignes de prévention en fonction”, écrivent-ils.
Mais pour Ndowa et Celum, la stratégie qui consiste à traiter l’herpès pour prévenir le sida pourrait marcher, mais avec un antiviral plus puissant ou prescrit à plus forte dose. “Nous ne comprenons pas précisément pourquoi ça n’a pas marché, mais cette approche garde son potentiel”, estime Ndowa. “Peut-être espérait-on trop pour combattre le sida avec deux comprimés par jour”.