(De l’envoyé spécial du Petit Journal.) Florina (réexpédiée de Salonique), 2 novembre. Voici ce qui se passe devant Monastir depuis notre attaque brusquée du 14 octobre. Notre tentative nous ayant démontré que les Bulgares s’étaient retirés sur une véritable ligne de fortifications organisées et défendues comme celles de France, le commandement s’est mis sur l’heure en mesure de la réduire. Ne pouvant plus momentanément manœuvrer, puisque nous nous trouvions devant un front continu, nous avons, depuis lors, employé les méthodes actuelles de guerre de destruction. Les moyens dont dispose l’armée d’Orient ne sont pas comparables à ceux dont disposent les grandes armées d’Occident. Nous avons donc ramassé notre puissance limitée devant Monastir. Méthodiquement, l’artillerie reprit son travail. Les fils de fer derrière lesquels les Bulgares se retranchent sont épais. Chaque jour nos obus s’occupèrent à y faire des brèches. Les Allemands qui ne veulent pas la démoralisation de leurs alliés sont venus les secourir. Le 26 octobre, dans la nuit, à notre gauche, l’armée franco-serbe commença l’action. Il pleuvait. Les postes de ravitaillement devenaient des marécages, les chevaux étaient dix pour traîner une voiture, et quand l’un d’eux tombait, les conducteurs, pieds et jambes nus, rentraient dans la boue relever la bête. Malgré cela, le soir du 27, les Serbes avaient gagné sur tout le front d’attaque une moyenne de six cents mètres et les Français avaient pénétré dans les saillants et enlevé un village. Cette action a eu lieu pour les Serbes dans la boucle de la Cerna et pour les Français du contact serbe jusqu’à Kenali. L’action, par sa réussite, obligeait tout le reste du front bulgare à se retirer. Dans la nuit, les régiments allemands poussèrent deux contre-attaques, ils ne nous reprirent aucun de nos gains. Le 28, le ciel s’éclaircit, la pluie cessa, on put voir enfin devant soi ; Monastir réapparut aux troupes. À 10 heures, la brigade française fit une première attaque, elle pénétra dans les tranchées bulgares. Dans l’après-midi, les Français attaquèrent encore. Les Bulgares s’accrochent bravement à leurs positions. Le 29, l’action se poursuit, le soleil et le vent sèchent le terrain. Le lendemain, 30, la pluie serrée retombe.
Le Petit Journal, 3 novembre 1916