Pourquoi regarder la série diffusée sur France 2
1. Une série relativement réaliste techniquement
La série ne prend pas le téléspectateur par la main, et c’est normal, les hackers parlent d’informatique entre eux et ne définissent pas chaque mot. N’attendez pas à ce qu’on vous explique ce qu’est un proxy, le dark web ou une attaque DDOS. Ce sera aussi l’occasion de se renseigner sur la culture du libre (dites bonjour à Richard Stallman), à l’internet des objets connectés.
Si vous avez l’impression de lire du chinois, il faudra alors vous renseigner sur l’ami google (enfin après avoir vu la série, vous aurez sûrement plutôt envie de poser la question à Qwant ou Duck duck go).
Mais en attendant, cela confère de la puissance au propos, du rythme aux épisodes, on ne se perd pas en passage didactique.
Et puis je vais vous dire un secret : ce n’est pas important de comprendre tout l’aspect technique ;)
Quand je regarde Grey’s Anatomy, je ne m’inquiète pas de comprendre les analyses sanguines !
Evidemment, n’espérez pas pour autant que la série vous livre le mode d’emploi pour hacker la boîte mail de votre voisin ou vendre vos enfants sur le dark web, certains raccourcis scénaristiques et facilités techniques ont été pointés du doigt par des spécialistes de sécurité informatique.
2. Une vraie réflexion sur la technologie
Mon côté parano fait régulièrement clignoter le bouton « surveillance partout, respect de mes données personnelles nulle part ». En même temps, j’ai un compte google, donc je me tire une balle dans le pied. Comme beaucoup de gens : parce que c’est plus simple.
Mais cette série permet de comprendre ce que cela implique réellement de laisser traîner nos données personnelles partout sur internet. A moins de vivre totalement déconnecté ou d’être particulièrement patient pour paramétrer une machine fiable et d’adopter un comportement hyper conscient et responsable en permanence, personne n’échappe à la collecte de ses données :
Collecte volontaire quand vous remplissez votre compte facebook ou instagram ou que vous utilisez what’sapp (Facebook inc.) ou linkedin (microsoft), quand vous cliquez sur j’accepte les conditions sans les lire (ou lorsque vous faites une carte de fidélité), quand vous acceptez que cette application de minuteur ait accès à l’ensemble des données de votre smartphone.
Involontaire quand yahoo laisse fuiter vos informations et omet de vous prévenir.
N’avons-nous vraiment rien à cacher ? ou plutôt : ce qui peut être ouvertement recherché aujourd'hui, le sera-t-il encore demain?
Si Google, Apple évoluaient comme E Corp dans la série, ajoutant des services bancaires et des mutuelles aurions-nous encore envie de faire des recherches sur doctissimo?
Les questions qu'on lit en arrière-plan dans la série pourrait être :
- faut-il détruire internet pour en être libéré ?
- Doit-on s'en libérer, d'ailleurs?
- Quelle éthique adopter?
Réfléchir sur la technologie aujourd'hui, c'est aussi réfléchir sur la société.
3. Les personnages
C’est un vrai plaisir d’avoir des personnages vraiment diversifiés, le personnage principal d’Eliott est une figure puissante, mais les personnages secondaires qui gravitent autour ont leur existence propre, ne sont pas que des prétextes à faire avancer l’intrigue. Les femmes présentes à l’écran ne sont ni de simple faire-valoir, ni des clichés. Des personnages de différentes origines, nationalités, de différents milieux sont représentés. Ça donne vraiment le sentiment que le scénariste a recréé un pan de société, et pas uniquement un décor où évoluent des personnages.
4. Le scénario
Je ne vais pas vous spoiler, donc c’est assez délicat d’en parler finalement… Mais honnêtement, ça fait plaisir de pouvoir regarder une série exigeante : vous pensez avoir tout compris et on vous retourne le cerveau avec génie. C’est parfois un peu frustrant, je ne vous le cache pas. Mais c’est d’autant plus prenant, où veut en venir cette série ? Parce que j’en parle comme d’une série qui fait réfléchir, qui est exigeante, certes certes, mais ça reste un divertissement : plein de suspense, de rebondissements, de coup de flip, de moment de vie. C’est vraiment une série complète.
5. Le retour de la SF de qualité à la TV ?
Ce n’est pas de la grande science fiction à vaisseau spatiaux, plutôt une très légère anticipation. Mais ça passe sur France 2. Pas sur Canal +, Orange OCS ou Syfy : elle est sur le devant de la scène pour tout le monde. Et c’est bien, j’ai l’espoir que ça donne envie à d’autres chaînes publiques de se lancer.
C’est couillu de commencer avec Mr. Robot, c’est le genre de série que j’aurais plus facilement vu sur arte comme Trepalium (sauf que Trepalium, c’était pas gégé). Parce qu’elle s’adresse à un public féru de technologie pour qui la TV est bien souvent déjà un objet du passé. Parce que mes parents et mes grands-parents s’en tamponnent d’internet, bien qu’ils l’utilisent tous.
Et le médiateur numérique en moi s’en réjouit : peut-être que sur tous les gens qui tomberont dessus, certains se diront que finalement, la technologie, ça peut être intéressant.
Xavier de La Porte, chroniqueur numérique sur France Culture disait qu’il s’étonnait qu’en 2016, encore trop de monde décide d’éteindre son intelligence dès qu’on parle d’internet. Je pense que cette série donnera envie à un plus grand nombre de l’allumer. Peut-être même d’ouvrir un terminal ou de prendre un tournevis.