…J’ai conscience que Tom a besoin d’être cadré. Comme moi probablement. J’ai certainement des comportements à changer. Mais lesquels ? Il faudrait qu’une tierce personne, garante de l’un et de l’autre, puisse nous mettre sur la bonne voie. Je note que, dans toutes les propositions qui m’ont été faites, on se propose d’agir essentiellement sur l’adolescent, peu sur son cadre. À aucun moment on m’a dit : si votre fils ne va pas bien, il va falloir travailler sur vous-même si vous voulez qu’il aille mieux. On charge trop le gamin, j’en suis intimement convaincu. Or cette situation est révélatrice d’une souffrance familiale. Il est donc indispensable que moi, en tant que parent, je sois directement impliqué dans cette démarche…
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Dans ce récit, j’ai été sensible à l’engagement d’un père pour se relier à son fils car il exprime plus que cela. A travers cette aventure ce père équipe « relationnellement » son fils Tom, pour sa vie future en lui donnant l’exemple de son investissement relationnel. Au départ, une relation inexistante entre père et fils. Au cours du voyage, elle se construit, le fils l’éprouve peu à peu et l’expérimente le temps de cette chevauchée à deux à travers le Kirghizistan durant 72 jours. Tom se découvre et se révèle autant que son père.
Dans mon métier d’accompagnement des relations professionnelles, les difficultés rencontrées au travail découlent très souvent de l’incapacité à s’investir dans la relation. Comment (et pourquoi) oser prendre le risque de la relation quand on ne l’a jamais expérimentée ? Comment s’impliquer ? Comment prendre sa part ? Comment accepter de se découvrir ? C’est tout cela qui se joue, tant dans les relations professionnelles que familiales, dans des environnements différents.
J’ai rencontré Renaud François au dernier Ecoutez voir de Carré sur Seine. Un moment fort d’écouter cet homme commenter les vidéos et photos de son aventure à cheval avec son fils. Il m’a touchée par sa justesse et son authenticité sans pathos. C’est rare d’entendre les pères parler de leur paternité. Plus encore, celui-ci nous raconte comment il a aidé son fils à vivre « son passage d’homme ». Alors j’ai acheté le livre et je l’ai lu d’un trait en écoutant les voix du père et du fils relater leur chevauchée initiatique relationnelle.
(…) le mot « initiatique » correspond exactement au sens profond de notre aventure et à la transformation qui en découle. Contrairement aux autres peuples, notre société a abandonné la plupart des rites initiatiques, en particulier tous ceux qui marquent le passage de l’adolescence à l’âge adulte : cette frontière est devenue tellement floue. Or je suis convaincu que nos jeunes ont besoin de rites pour trouver des repères dans une société qui se cherche. Se confronter à soi, à ses peurs, à la souffrance lors d’un voyage dans l’inconnu permet de se découvrir et surtout de donner un sens à la vie ».
p 227
Editions Kero – mai 2016