Comme disait Victor Hugo, seuls les imbéciles ne changent jamais d'avis (j'aime beaucoup cette phrase qui est une autre façon de dire qu'il faut savoir se remettre en cause). Or Christoph Blocher n'est pas un imbécile. Au lieu de disserter sur les arrière-pensées de Christoph, les commentateurs feraient bien de s'interroger sur les raisons de fond de Blocher. Seulement ils voudraient tant que Christoph Blocher leur resssemblât...
Ainsi D.S. Miéville dans "Le Temps" du 19 juin écrit-il avec gourmandise : "C'est l'industriel, le dirigeant économique qui l'a emporté chez lui sur le politique, interprètent plusieurs membres du parti".
Ainsi Valentine Zubler dans "24 Heures" du 20 juin écrit-elle de son côté avec jubilation : "Pourtant convaincu de la nécessité politique de lancer un référendum à la libre circulation, Christoph Blocher a, au fond, eu peur de l'économie".
Pascal Décaillet, dans sa chronique matinale de Lausanne FM du 19 juin (ici), approche davantage de la vérité, me semble-t-il : "Sur le refus du référendum, la logique de Blocher, en soi, est claire : il est pour la libre circulation, contre son extension aux Roumains et aux Bulgares, considère comme scélérat le lien établi par le Parlement entre ces deux questions, mais ne veut pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain".
Une fois cela dit, l'animateur de "Genève à chaud" ne comprend pas que Christoph Blocher prône l'abstention. Car pour lui "ne pas participer, en politique, c'est pire que perdre". Il conseille même à l'UDC, si elle ne veut pas dire non, de dire... oui, avec les autres, à la libre circulation en cas de référendum.
Après avoir dit que, dans ce cas-là, l'UDC y perdrait en identité oppositionnelle ce qu'elle y gagnerait en crédibilté gouvernementale Pascal Décaillet ajoute : "Tout ce que Christoph Blocher déteste, me direz-vous, et c'est sans doute là le fond du problème. Risquer, pour la sauvegarde d'une stature et d'une posture personnelles, la ruine de l'entreprise dont on est le père et l'auteur, cela s'est vu".
En fait je conviens que lancer le référendum ne va pas de soi. Comme je l'ai écrit ici (Les méthodes européistes adoptées par les parlementaires suisses ) : "L’UDC se prononcera le 5 juillet prochain s’il y a lieu pour elle de lancer le référendum contre cet objet douteux. Si elle le fait, il faudra qu’elle le fasse au nom des libertés, la question de l’extension à la Roumanie et à la Bulgarie étant secondaire. Il s’agira non pas de détruire comme l’insinue fielleusement D.S. Miéville, dans son édito du Temps du 13 juin 2008, mais de montrer que c’est aux peuples d’avoir le dernier mot. L’Union européenne ne comprend que ce langage."
Or, on l'a vu le 1er juin avec le référendum sur la naturalisation, le message de la défense des droits populaires, donc des libertés, n'est pas si facile à faire passer que cela, surtout si l'un des objets est souhaitable et que l'autre ne l'est pas.
Je crois que c'est mal connaître Christoph Blocher que de penser que ses positions politiques sont motivées par des raisons personnelles. A mon sens (je ne l'ai pas entendu diretement) le raisonnement qu'il tient peut se résumer en une phrase : "Quand les dés sont pipés, il ne faut pas jouer".
Imaginez un seul instant que la participation à un référendum sur la libre circulation, qui est un véritable enjeu national, soit de 20 ou 25%. Quelle gifle donnée à ceux qui ont cru jouer aux plus malins ! L'abstention peut aussi être une arme redoutable et un terrible désaveu. Cela ne s'est jamais fait ? Raison de plus.
Francis Richard