C’est une pratique de l’art quelque peu oubliée qui retrouve aujourd’hui avec Ivan Messac une actualité au Centre Pompidou de Paris. Peindre en direct, en continu devant un public peut surprendre quand on associe la peinture aux vertus de la concentration, du silence, du calme de l’atelier. On sait pourtant que certains ont, dans le passé, voulu transformer l’acte de peintre en happening auquel devaient se joindre d’autres créateurs. On ne peut oublier Georges Mathieu et sa fureur gestuelle devant une toile exécutée (c’est le mot) en un temps record. Souvent les peintres ont souhaité associer dans un même élan, la réalisation de leur toile avec le concours d’un jazzman se produisant dans le même temps que celui de la réalisation du tableau.
Ivan Messac au travail au Centre Pompidou
«L’amour à cloche-pied»
Ivan Messac ne se livre pas à un happening, il n’en réalise pas moins une performance depuis quelques semaines au Centre Pompidou. Déjà la toile du peintre ne répond pas aux normes connues. Son fournisseur lui a fabriqué un objet non identifié sur six mètres de longueur, support aux formes inhabituelles. Le projet puise ses racines dans la mythologie : pour cette œuvre intitulée «L’amour à cloche-pied», c’est le mythe gréco-romain de «L’enlèvement de Proserpine» par Pluton qui constitue le fil rouge de l’événement. Car, à la différence d’un peinture asservie au geste sans repentir d’un Mathieu, Ivan Messac a longuement préparé cette fresque, recourant même à une préparation numérique qui nous rappelle que le plus jeune membre de la Figuration narrative a, comme ses aînés, travaillé avec la photographie tout au long de son parcours. Pour autant l’improvisation n’est pas totalement exclue. Au pied du mur, le peintre décide assez rapidement de poser sa toile pour peindre. Mais il serait réducteur de ne voir l’œuvre que sur le plan du tableau. L’acte de peindre est-il d’ailleurs aussi décisif pour un projet dont le véritable travail s’est déroulé en amont pendant des mois de conception et de préparation ? Le passage à l’acte du peintre apparait davantage comme l’aboutissement de cette histoire préconçue.
Cette longue marche de plusieurs semaines à laquelle se soumet Ivan Messac se voit accompagnée de prestations d’autres artistes dans cette enceinte du studio 13/16. Hervé Sika, danseur, chorégraphe, confronte la danse au projet du peintre. L’écrivain, poète et plasticien Pierre Tilman, ami et complice de Messac de longue date, est venu dans cet espace pour enrichir, comme il a su si bien le faire en d’autres occasions, l’œuvre en jouant avec les mots. Qui, mieux que lui, saurait disséquer le mot AMOUR ? Pierre Tilman est un poète en action et ce jeu avec la peinture lui ressemble.
A ces complicités artistiques, l’évènement Messac s’accompagne d’une fébrile activité de communication à laquelle le peintre doit répondre : presse écrite, photographes, cinéastes. Il peint et pourtant il tourne … Les visiteurs se pressent : personnalités culturelles, politiques, jeunes curieux.
Messac Live
Au bout du compte, retiendra-t-on en premier ce tableau hors normes «L’amour à cloche-pied» ? Il me semble que la véritable œuvre d’Ivan Messac, au terme de ces trois semaines folles, aura d’abord pris la dimension de cette scène d’un théâtre vivant sur laquelle se croisent les concours créatifs, les échanges, les paroles sur l’art pour aboutir à ce happening tranquille dont il restera comme trace cette toile à la mesure d’une aventure exaltante.
Pierre Tilman nous alerte : « Quand on aura dit qu’Ivan Messac est peintre, on n’aura pas dit grand chose... » Allez au Centre Pompidou partager quelques instants avec cet artiste qui, avec ce passage à l’acte, s’il n’a pas voulu tuer le peintre, l’aura cependant entraîné dans une aventure turbulente.
Messac Live – 20 jours pour un tableau
15 Octobre -13 Novembre 2016
Studio 13 /16
Centre Pompidou Paris