Deux mois ont passé depuis mon dernier billet sur le Bitcoin et un petit état des lieux s’impose d’autant que depuis, plusieurs éléments d’importance ont agité le petit monde des cryptomonnaies : l’arrivée remarquée d’une nouvelle d’entre elles, et la montée rapide du cours du Bitcoin.
En effet, le 31 août, le Bitcoin valait 513€. Mais depuis quelques semaines, son cours n’arrête pas de grimper et il est à nouveau remonté bien au-delà de 640€, il tourne autour de 650€/BTC (ce qui, au passage, lui fait franchir la barre des 700$). On peut se demander pourquoi la cryptomonnaie enregistre de telles performances.
On peut déjà évoquer, en terme de contexte, le combat qui continue de s’installer péniblement entre les autorités d’un côté et tout ce qui représente une façon de fuir la numérisation des monnaies « fiat » qu’elles autorisent. La guerre contre le « cash », presqu’officiellement déclarée il y a plusieurs années de cela, continue donc même si elle ne parvient pas à faire de gros titres, les citoyens étant bien trop occupés à en gagner un peu pour tenter d’en épargner.
Pourtant, il n’y a aucun doute : tout concurrent de la monnaie adoubée par l’Etat est particulièrement combattu. Tous les arguments sont bons, depuis la nécessaire régulation pour éviter aux méchants et aux vilains de proliférer sur ces monnaies alternatives non contrôlées, jusqu’aux arguments plus complexes de la Banque Centrale Européenne qui sent bien que Bitcoin ou l’or constituent des voies d’échappatoire à ses jolis euros fraîchement imprimés, et qui menacent donc de ce fait l’équilibre financier mondial.
Autrement dit, il est urgent de mettre des bâtons dans les roues du Bitcoin, celui-ci pouvant faire de l’ombre à l’euro. Or, plus il y a d’ombres sur l’euro, plus les individus essayent de diversifier leurs possessions, plus ils sont enclins à posséder or et bitcoin. Pour les étatistes, la régulation s’impose d’elle-même. D’un autre côté, ceux qui ont compris que ce combat se mettait en place investissent donc avant que toute opportunité de le faire soit définitivement fermée. Ceci explique au moins en partie la hausse du prix de l’or et la hausse du prix du Bitcoin.
Le second élément qui permet d’expliquer cette hausse actuelle du Bitcoin se trouve du côté de l’Empire du Milieu, et représente un intéressant prolongement de l’argument ci-dessus : le Yuan, qui baisse de façon erratique mais soutenue depuis le début de 2015, incite les investisseurs à se déporter sur d’autres monnaies. Dans un pays aux capitaux lourdement surveillés, Bitcoin représente une alternative relativement simple.
Le troisième élément de cette hausse est constitué par des raisons structurelles : force est de constater que l’année 2016 aura été une année richement dotée en investissements tant dans Bitcoin que dans les technologies de blockchain. Ces investissements se traduisent par un accroissement des infrastructures, une amélioration des services destinés à des particuliers qui perdent progressivement le besoin d’être à la pointe de la compréhension du phénomène pour y mettre de l’argent. L’investissement Bitcoin, s’il est encore loin de se démocratiser, devient plus abordable par un public plus large. Certes, il y a encore beaucoup de chemin pour que vos grands-parents participent activement à Bitcoin, mais cette technologie n’est plus réservée à un nombre limité de geeks dans leur garage.
Inévitablement, l’accroissement du nombre d’entrants pour une offre qui n’augmente que de façon linéaire favorise la montée du prix.
Malheureusement, cela favorise aussi le goulet d’étranglement que représente le nombre de transactions que l’architecture logicielle de Bitcoin permet de traiter par unité de temps. Pour rappel, ce nombre se situe actuellement autour de 3 transactions à la seconde (ceci étant limité arbitrairement par la taille des blocs de la blockchain). En limitant cette taille, on limite d’un côté le nombre de transactions que le réseau Bitcoin est capable de traiter, mais d’un autre côté, on assure une hausse notable du prix des transactions, prix que les mineurs touchent pour produire des blocs et confirmer ces transactions.
On comprend dès lors qu’une modification de cette taille de bloc impacte tout l’écosystème Bitcoin. C’est donc une décision qui nécessite d’être prise avec un consensus maximal et en laissant le temps à chaque acteur de s’adapter, sous peine de voir ou bien la sécurité des transactions mise à mal, ou la valeur du réseau (et, par voie de conséquence, celle des bitcoins) s’effondrer.
Ces différents éléments peuvent expliquer que le Bitcoin soit passé de 400€ au premier janvier dernier à plus de 640 onze mois plus tard.
Cependant, alors que Bitcoin semble s’installer toujours plus dans le paysage numérique et dans les esprits, difficile de passer sous silence une nouvelle cryptomonnaie qui vient de voir le jour.
Basée sur des principes similaires à ceux de Bitcoin (monnaie déflationniste, minage avec « preuve de travail« ,…), ZCash y ajoute une assurance d’anonymat que ne permet pas le livre de compte ouvert de la blockchain de Bitcoin. Cette nouvelle monnaie, introduite en grande pompe et avec un battage publicitaire directement proportionnel aux investissements conséquents de différentes firmes spécialisées dans les cryptomonnaies (Pantera Capital et Digital Currency Group, notamment), aura naturellement attiré de nombreux investisseurs qui se seront heurtés à la très faible disponibilité des premières unités produites : devant la forte demande et l’offre microscopique, son cours a littéralement explosé de 18 dollars le 15 septembre à plus de 1000 dollars ces derniers jours, montrant tous les signes d’une bulle financière dangereuse.
L’avenir dira si cette cryptomonnaie tient ses promesses, mais elle reste, sur le plan technique, une suite intéressante et crédible au Bitcoin. La brochette de spécialistes qui travaillent à son élaboration permet en tout cas de rester optimiste.
Du reste et si l’on en croit un récent rapport d’IBM, la croissance des technologies de blockchain n’est pas prête de s’arrêter puisque la firme informatique prévoit que 15% des banques pourraient avoir implémenté l’une ou l’autre technologie de ce type en leur sein au cours de l’année 2017.
Bien sûr, on pourra voir cet intérêt des banques pour la technologie comme une tentative de leur part de raccrocher leurs wagons à un train depuis longtemps parti. On pourra aussi noter, comme je l’ai fait dans un précédent billet, que chaque pas vers l’utilisation d’une blockchain constitue aussi pour les banques qui le font une opportunité de s’affranchir du dollar.
Et s’affranchir du dollar, dans un monde où la guerre est déclarée contre le cash, c’est aussi une excellent nouvelle.
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