Différences musicales

Publié le 22 juin 2008 par Unemarocaine

Aujourd'hui c'est la fête de la musique. Bonne fête à tous (tes) :)

Avant de commencer ce billet, deux remarques s'imposent :  

1- je n'ai pas fait d'études de musicologie ni d'études de musique tout court à mon grand dam. En revanche, ayant eu dans mon entourage depuis mon enfance des personnes qui en ont fait, j'ai acquis par la force des choses un bagage dans ce domaine.

2- ce que je vais écrire dans ce billet est le fruit d'"observations", de recoupements et de constatations personnels. Si quelqu'un constate une donnée erronée, comme je l'ai dit je n'ai pas fait d'étude en musique, dans ce billet qu'il me le signale et je le corrigerai volontiers.

Au début je n'allais traiter dans ce billet que de "la polyphonie" le hasard en a voulu autrement. En début de cet aprés-midi, sur le trajet entre chez mon frère et chez ma soeur, j'ai mis une cassette du grand Haj Houssine Toulali, paix à son âme, et puis j'ai engagé la discussion avec mon frère la dessus. Au fur et à mesure que la discussion avançait, il me paraissait plus intéressant d'élargir le spectre et de parler des différences musicales tout court principalement entre l'occident et l'orient.

J'aime bp les musiques qui se basent sur la polyphonie. Celle-ci se définit ainsi :

La combinaison de plusieurs voix indépendantes et pourtant liées les unes aux autres par les lois de l'harmonie. Par extension c'est la capacité de jouer plusieurs notes à la fois et on parle d'instruments polyphoniques.

C'est cette harmonie entre plusieurs sons et voix qui me plait. Les uns donnant du relief aux autres, l'ensemble se met ainsi en valeur. C'est pour cela aussi que j'éprouve bp de plaisir à écouter de la musique classique occidentale. Et je regrette énormément que les compositeurs orientaux qui s'intérèssent à la polyphonie et en font soient aussi rares. En effet, dans la musique orientale* la polyphonie n'est pas du tout présente. Elle est de par son essence monophonique (j'y reviendrai plus en détails). Les premières tentatives pour introduire la polyphonie dans la musique orientale ont eu lieu au début du 20ième siècle en Egypte avec des géants de la musique orientale tel que Farid Al Attrach ou Mohammed Abdelwahhab. J'avais suivi début des années 2000 sur la deuxième chaine marocaine 2M une excellente émission syrienne, dont le titre m'échappe, présentée par un certain Docteur Al Agha sur le parcours artistique de Farid Al Attarch, j'ai alors appris que celui-ci avait essayé d'introduire des rythmes sud-américains tels la Salsa dans ses compositions. Les frères Rahbani (dont l'un, Ziyad est le mari de Fairouz) ont repris le flambeau tjrs dans le même registre cad musiques sud-américaines. Toutefois, toutes leurs oeuvres, aussi bien celles de Farid Al Attrach que celle des frères Rahbani chantées par Fairouz, ne sont pas polyphoniques. C'est d'ailleurs assez compréhensible. Mais, le maitre incontesté de la polyphonie et même de la "modernisation" de la musique orientale, reste pour moi Marcel Khalifa. J'y reviendrai un peu plus tard ainsi qu'à l'apport de Fairouz à la musique arabe.

Je disais donc que je le regrette car tous ceux qui s'intéressent à la musique peuvent confirmer le fait que la musique orientale est infiniment plus riche que celle occidentale. Mais elle l'est moins par rapport à la musique indienne. Je m'explique, les occidentaux ont opté, je ne suis pas sûre de la période mais je suppose que c'était vers la fin du moyen âge, pour une formailisation de leur musique en se basant sur le piano comme instrument. C'est pour ça d'ailleurs que celui-ci est pour les compositeurs occidentaux ce que le luth est pour les compositeurs orientaux particulièrement les arabes. Ainsi, on distingue quelle que soit la musique jouée 2 modes cad un sous-ensemble d’une échelle, qui donne lieu à une gamme. Il en existe 30. La moitié étant majeure, l'autre moitié mineure. Chacune de ces gammes est composée de notes. Alors que dans la musique orientale il existe 96 modes. La différence est énorme ! Mais, il faut aussi signaler que dans la musique orientale la gamme et le mode sont confondus. En outre, le fonctionnement des modes orientaux n'est pas toujours comparable au fonctionnement des modes occidentaux. Toutefois, dans les deux cas, la définition du mode est la même : il s'applique à une échelle. Cette palette de gamme largement supérieure à celles occidentales permet d'exprimer plus d'émotions car en soumettant leur musique à une telle rigueur scientifique, les ocidentaux ont participé à l'appauvrir compte tenu de a richesse de gammes qui la composait. De plus, dans la musique orientale, il existe les 1/2 tons qui n'existent pas dans la musique occidentale. Les indiens ont fait encore plus fin et ont décomposé ces 1/2 tons en 1/4 de tons. C'est ce qui rend leur musique encore plus riche et plus expresive que celle orientale. Pour revenir aux gammes, le fait qu'elles soient contenées dans la monophonie l'appauvrit.

La complexité de la polyphonie rend, à l'oreille et donc à l'écoute, la musique occidentale plus riche et plus épaisse alors qu'en réalité elle l'est moins. Quand on écoute les "quatre saisons de Vivaldi" bp d'émotions s'en dégagent rien qu'avec les 30 gammes utilisées. Imaginez si la musique orientale devenait polyphonique toutes les nuances et les émotions qui peuvent être exprimées. Tiens quleques exemples des deux monstres sacrés de la musique orientale et arabe : Fairouz et Marcel Khalifa. Ces deux, avec d'autres tels Naseer Chamma, revisitent l'héritage musical oriental et le sortent de sa longue léthargie. Le plus rassurant c'est que dans cette cacophonie, dans le sens premier du mot, qui caractérise de plus en plus la scène musicale arabe, les enfants de Fairouz et de Marcel Khalifa reprennent le flambeau. Heureusement...

Moqademat 87- Fairouz (le mélange premier violen, deuxième violen et le "qanoun" est extra)


Ya leily ya leily- Fairouz (ya leily version jazz ça change et ça fait du bien)


Katar An-nada- revisité par Marcel Khalifa (un pur bonheur et un vrai délice pour les oreilles. Les passages du violen sont exquis)


Salute to a traveler - Marcel Khalifa


Quand je regarde et surtout quand j'écoute une orchestre de n'importe quel pays arabe, je me demande pourquoi il y tant de musiciens qui joueront inévitablement la même note quel que soit l'instrument plus encore ne feront qu'à accompagner la voix du chanteur qui chante lui aussi la même note ?!!! C'est si juste pour l'effet amplificateur, il y a des technologies qui le permettent sans avoir à mobilier tant de personnes les micros par exemple ! Sans parler du chef d'orchestre, un titre pompeux plus qu'autre chose puisqu'un chef d'orchestre joue le rôle de metteur en harmonie de tous les musiciens qui jouent et qui justement ne jouent pas la même note. Quand c'est de la monophonie, on n'en a pas besoin. Ce n'est pas pour rien que dans le langage courant, en français, on dit mettre en musique pour parler d'harmonie ou comparer un manager à un chef d'orchestre quand il s'agit de faire travailler des personnes ayant des tâches différentes mais oeuvrant pour le même but. Il est vraiment dommage pour la musique orientale de se contenir dans cette monophonie. C'est carrément du gâchis !

En fait, la musique orientale est entièrement mélodique, et quasiment pas harmonique. La musique arabe ne joue jamais plus de deux notes différentes à la fois. Alors que la polyphonie exige au moins trois notes à jouer simultanément. On le sait tous chez les arabes le verbe prime sur le reste. Je dais l'impasse sur la puissance de la poésie arabe. On l'a connait tous. Pour le remarquer c'est très simple, dans la musique arabe quand le chanteur commence à chanter les autres instruments deviennent presque muets ou au plus on les entend de loin à l'exception de la percussion. Instrument de base de la musique arabe et là je ne parle que de la musique arabe pas orientale. L'exemple le plus flagrant c'est le "Malhoune". En dehors du refrain qui est chanté tout en étant accompagné de tous les instruments, le reste du temps quand le chanteur chante les autres instruments se taisent. Pareil pour "At-tarabe Al Andaloussi" (la musique andalouse). Idem pour le Mashreq (l'orient). Tout le répertoire de Oum Kaltoum en témoigne. Et comme nous le savons tous c'est la grande dame de la chanson arabe. C'est mieux exprimé en arabe "Sayedate Attarbe Al Arabi. C'est effectivement du "tarabe" qu'il s'agit. Comme son nom l'indique "tarabe" a pour racine la même que les noms qu'on donne aux instruments de percussion. Tout se tient. N'ayant pas de chanson d'Oum Kaltoum en format MP3, voici une chanson de Fairouz -Sayedo al hawa- qui illustre bien cette monophonie où le verbe prime sur les instruments de musique.


A l'inverse une autre chanson de Fairouz qui cette fois est plutôt polyphonique -ya zairi fi al hawa-


N'ayant pas accordé bp d'intérêt à la polyphonie les instruments de musique arabe sont donc des instruments à composition monophonique tels que la flûte, le monocorde et la percussion. Même les instruments pouvant sembler polyphoniques, n’empêche pas de jouer une musique monophonique, l'exemple le plus parlant est le Luth. Malgré ces nombreuses cordes, il se joue de manière monophonique. Quand le violen a été introduit dans la gamme des instruments de musique utilisée par les musiciens arabes, il n'a posé aucun problème tout simplement parce que c'est un instrument sans frètes. Il permet d'ailleurs de jouer n'importe quelle musique. En revanche, la guitare a posé problème. C'est ce qui fait qu'elle n'existe pratiquement pas dans les orchestres arabes. Mon frère m'a raconté que quand ils voulaient jouer de la musique orientale avec une guitare il fallait utiliser un "outil", en l'occurrence une "allumette" collée avec du scotch pour retrouver ce fameux 1/2 ton qu'on retrouve pas chez les occidentaux. Idem pour le piano, je veux dire qu'il n'est pas si répandu dans les ochestres arabes. Il est d'ailleurs amusant d'observer le pianiste dans une orchestre de "At-tarabe Al Andaloussi" (la musique andalouse), quand il y est bien évidemment, il joue presque avec deux doigts ! Il ne peut bien évidemment pas profiter de toute la gamme qu'offre le piano. A signaler que la musique andalouse ne compte pas de 1/2 ton comme les autres genres de la musique arabe.

(*) dans ce billet je parlais de musique orientale et non seulement de musique arabe car la musique perce et turque se sont mélangées à d'autres genres arabes et ont donné lieu à un mélange utilisé par les musiciens de toutes cette région. Leur apport était tel que parler de musique arabe tout court aurait été d'un manque d'honnêteté intellectuelle sans commune mesure !

PS 1 : je voulais parler de Fairouz et Oum Kaltoum mais n'ayant pas voulu rendre ce billet encore plus long qu'il ne l'est déjà, je le ferai ultérieurement. Idem pour le Malhoun et la musique andalouse, j'aurais aimé les aborder plus en détails. Deux genres musicaux que j'affectionne particuliérement. Le premier marocain et le second devenu par addoption maghrébin.

PS 2 : pour ceux qui s'intéressent à la musique orientale et à la polyphonie, je vous recommande vivement les deux CD de Marcel Khalifa "Concerto Al Andalous" et "Sharq".

Pour écouter Taqasim revoici le lien.  

Je viens de me rappeler du luthiste marocain Idriss El Maloumi. J'avais posté l'été dernier l'un de ses morceaux qu'il joue avec une seule main. Extra. Il y a aussi une reprise d'une chanson très connue de Oum Kaltoum par de Naseer Chamma qu'il joue avec une seule main. Cette reprise s'intitule "يد تغني" (une main qui chante).