Après une journée en Touraine je sais comment est fabriqué le fromage de Sainte-Maure et j'ai appris beaucoup de choses sur les accords mets-vins possibles avec l'ensemble des 5 AOP de la région. Je vais commencer par partager le secret du certificat d'authenticité du Sainte-Maure de Touraine, qui sans sa paille n'est qu'un "rouleau" de chèvre, bon peut-être mais certainement pas AOP.
Il faut d'abord disposer d'une paille de bonne qualité, et c'est le seigle qui est mentionné dans le cahier des charges.
On cultive une variété ancienne pour disposer de la tige la plus longue possible, les graines ne servant qu'à replanter les parcelles. La récolte s'effectue à la moissonneuse-lieuse, la même que dans les années cinquante, puisqu'on veut de belles gerbes alors que partout ailleurs la paille est broyée sur place dans les champs.
La culture se déploie sur une dizaine d'hectares autour de l'ESAT de Bridoré (37). La moisson représente un volume de 10 000 gerbes qui sont ramenées dans les locaux pour alimenter petit à petit l'atelier où les pailles sont traitées.
Ce sont trois à quatre chariots par jour qui arrivent chaque jour. La paille est posée sur la table aspirante pour la débarrasser de ses poussières et assurer de bonnes conditions de travail aux ouvriers qui, dans un premier temps, vont les couper, noeud à noeud. Le plus souvent une, parfois deux dans une même tige les bonnes années.
Le traitement est entièrement manuel et assure un emploi à l'année à une quarantaine de travailleurs handicapés. On remarque la longueur des tiges sur les tables conçues de manière ergonomique : les déchets sont jetés sous la partie haute qui est un "avaloir" et qui fonctionne en tapis roulant pour ramener les déchets dans des sacs au dehors. Ils serviront de litière pour des animaux. Les tiges coupées sont déposées dans une caisse. la salle résonne du cliquetis des ciseaux ou des sécateurs, chacun son matériel préféré.
Elles passent ensuite dans la pièce voisine où elles sont coupées toutes à la taille voulue (surtout pas biseautées, mais avec une coupe bien droite) et contrôlées une à une aussi bien en diamètre, ni trop petit, ni trop gros, qu'en longueur. Elles doivent se situe entre 15, 6 cm et 16, 4 avec un idéal de 16.
Vient alors l'opération la plus importante, le marquage au laser qui indiquera au consommateur le nom du fromager (ce qui assure une traçabilité infaillible) et qui garantira évidemment que ce fromage satisfait tous les critères de l'AOP Sainte-Maure de Touraine.
Après une nouvelle vérification, on constitue des sachets de 1022 pailles, ... pour être certain qu'il y en ait au moins 1000.
Il y a encore une étape à satisfaire qui consiste à pasteuriser la paille parce qu'il ne conviendrait pas qu'au moment où on l'insère dans le fromage on l'ensemence en bactéries. On utilise pour cela un "simple" micro-onde, ce qui peut donner des idées à tous pour pasteuriser à la maison ce qui aurait besoin de l'être. A l'ESAT on met chaque sachet 1 minute 30 à 750 Watts.
La température est vérifiée à la sonde, en l'insérant dans le sachet (qui n'est pas soudé jusqu'au bout, sinon il exploserait). Elle doit être supérieure ou égale à 72°. La buée qui se forme témoigne de la montée en température.
Voilà les sachets prêts pour être expédiés chez les producteurs qui les ont commandés. Avant d'arriver à ce moment, chaque paille sera passée entre les mains d'au moins 6 personnes.
Dans un prochain article je vous dis tout sur la fabrication du Sainte-Maure de Touraine et sur la manière d'utiliser ces pailles.