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"Bon, alors, dit Gisli, et d'où le roi tient-il ce pouvoir immense qui consiste à accorder la grâce aux criminels, tu as commis un crime, assassiné un homme, tu t'es rendu coupable d'un vol, mais je te pardonne, qu'est-ce qui lui permet de dire une telle chose, d'où lui vient ce pouvoir? Je l'ignore. Ce n'est pas une réponse, tu dois faire un effort, ne jamais renoncer, allez, fais un effort! De Dieu? Du Démon? Bien, complimente Gisli, fichtrement bien, [....] mais peux-tu me nommer un individu, un être humain, qui aurait un pouvoir plus grand que celui du roi? Non. Eh bien, voilà une question qui mérite réflexion: si le roi possède tout ce pouvoir pour des raisons incompréhensibles, peut-il pour autant accorder sa grâce à celui qui revient sur sa parole, le roi peut-il gracier celui qui se trahit lui-même? [....] Est-ce là de l'enseignement, est-ce ce que tu appelles transmettre le savoir? [....] Je sais ce qui est important, et je vais l'enseigner à ce garçon, je ne faillirai pas à ma tâche, je suis trop lâche pour ça. Mais je compte le subvertir un peu, il faut dire qu'il s'y prête. [....] Que signifie se trahir soi-même? interroge Gisli qui poursuit son monologue sans la moindre hésitation, il interroge le gamin qui s'efforce de suivre les propos du directeur de l'école et s’emploie à chasser de sa pensée l'image de Geirbruour, cette femme qui est vieille sans l'être, et qui chevauche en ce moment à califourchon sur l'une des bêtes de Johann, loin du Village. Écoutez-moi ça, avait déclaré Arni au campement des pêcheurs, l'hiver précédent, lisant à haute voix un article de Pjooviljinn: Les femmes de la haute société à Paris, Londres et New York renoncent à monter en amazone et chevauchent maintenant à califourchon, avait répété Einar, agacé, où va-t-on, non mais, où va-t-on, on se demande franchement où va ce fichu monde!?Le gamin ferme les yeux, comme pour s'échapper, l'espace d'un instant: Ne pas oser.Gisli: Ha, bon, voilà, mais quoi, ne pas oser quoi?Le gamin: Vivre. Ne pas oser parler. Ne pas oser avoir peur. Ne pas oser se battre et triompher des... des tempêtes qui nous agitent. Si on reste les bras croisés, on trahit tous ceux qui nous sont chers. Pour peu qu'on ait des êtres qui comptent pour nous, je veux dire, des êtres qui soient en vie. D'ailleurs, ça ne change peut-être rien, je veux dire, le fait qu'ils soient vivants ou pas. On doit également se garder de trahir les défunts, on doit aussi vivre pour eux, ils ne doivent pas rester prisonniers des ténèbres et du froid, ils ne doivent pas être oubliés au fond de l'océan."(extrait de "Le coeur de l'homme" de Jon Kalman STEFANSSON, folio; source L'éperon photographie ancienne les femmes et le cheval)