Des actes terroristes, on en a connus depuis longtemps. N’oublions pas
la Terreur, un épisode clivant de notre Histoire où il s’est passé des
choses terribles. Le terrorisme, la violence gratuite, ce n’est pas
nouveau en France. Des actes terroristes, il y en a même eu sous le
Consulat. Je rappelle qu’une bombe avait été déposée à Paris, rue
Saint-Nicaise, par des royalistes, le soir de Noël 1800, pour essayer de
tuer Napoléon Bonaparte. Une cinquantaine de maisons avaient été
détruites et il y avait eu 22 morts et 100 blessés. Mais la période que
nous connaissons, du fait de la violence extrême des forfaits, du nombre
très élevé des victimes – sans comparaison avec ce qu’on avait connu
jusqu’ici – du caractère répétitif des attentats, de l’imagination
morbide et sans limite des terroristes, de leur détermination fanatique,
comporte quelque chose, à mon sens, d’inédit. Et le fait que les
auteurs sont le plus souvent de jeunes Français issus de notre passé
colonial et esclavagiste pose un problème particulier qui, à mon avis,
se réglera, même si on s’attend tous, malheureusement, à subir de
nouvelles attaques. Je pense que nous sortirons de cette période, à
condition que des mesures appropriées soient prises. Aujourd’hui, on
nous annonce une politique sécuritaire de prévention contre la
radicalisation : c’est très bien. Mais la situation actuelle dépend
aussi de notre politique étrangère. Il ne m’appartient pas de juger,
mais il y a sûrement des choses à revoir. On ne peut, d’un côté, se
plaindre de l’incendie ; et de l’autre, parfois jeter de l’huile sur le
feu. Sur le plan intérieur, je suis frappé par la corrélation entre
l’explosion terroriste qui sévit actuellement et ce qu’on pouvait
déceler il y a une dizaine d’années déjà, et qui aurait dû attirer
l’attention des pouvoirs publics. Il s’est quand même passé des choses
dans les banlieues en 2005. Je ne veux pas dire que les adolescents
révoltés de 2005 sont les terroristes d’aujourd’hui. Les terroristes ne
sont qu’une minorité, et une minorité très particulière, mais ils
viennent des mêmes quartiers. Ils sont le produit de la colonisation
française. Ils sont souvent passés par la délinquance et la prison. Ils
en sont sortis haineux. Ils ont trouvé dans le fanatisme une solution à
leurs problèmes. Il n’y a évidemment pas d’excuse à chercher pour les
terroristes mais je pense qu’on aurait dû et qu’on devrait faire plus
attention aux jeunes les plus exposés des quartiers, ceux qui sont en
situation de fragilité, en situation de souffrance, pour que demain, ils
ne basculent pas dans ce type de violence et qu’ils ne soient pas
récupérés par des gens qui ont tout intérêt à les instrumentaliser. La
prévention, ce n’est pas que l’affaire de la police, c’est aussi
l’éducation. Ces jeunes, issus du passé colonial et esclavagiste de la
France, sont faciles à repérer par les organisations étrangères
criminelles et manipulatrices qui, pour moi, n’ont rien à voir avec
l’Islam, même si elles s’en réclament pour semer la discorde. Nous aussi
devrions les repérer pour les aider.
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