Nous avons tous appris avec Montesquieu que la démocratie se construit autour de la séparation des trois piliers du pouvoir: législatif, exécutif et judiciaire. La médiation bouleverse quelque peu le rôle traditionnel du pouvoir judiciaire. Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur la démocratie.
Le débat est en tout cas à l’ordre du jour aux Etats-Unis, et dans un contexte un peu particulier qui est celui de jurys, qui interviennent beaucoup plus souvent dans la procédure judiciaire outre-atlantique que chez nous. C’est de nouveau en lisant “Settle It Now!” que cette réflexion me vient.
En limitant la codification de la médiation à ses impacts sur la procédure judiciaire classique, le législateur (du moins en Belgique) crée un cadre qui donne toute liberté aux parties pour régler leur conflit à leur guise, sous réserve du respect de l’ordre public. Cela veut donc dire qu’un accord passé en médiation pourrait être en contradiction totale avec l’ordre défini par la loi.
Les risques sont non négligeables et la question du rôle du médiateur face à certaines situations potentielles est clairement posé. Dans une médiation commerciale par exemple, il est parfaitement possible de réaliser un accord entre parties dont la nature confidentielle permet à d’autres clients ou fournisseurs de ne pas bénéficier d’un traitement équitable. Eut égard à la nature parfaitement confidentielle de la médiation, et à la non recevabilité en tant que preuve de n’importe quel document issu de la médiation, je ne vois pas comment on peut éviter une telle situation. Ce n’est que dans les accords finaux présentés à l’éventuelle homologation d’un tribunal que le respect de l’ordre public est vérifié. Ce qui s’est dit ou fait dans la salle de médiation, y compris les échanges de documents, n’existe pas pour le monde extérieur.
Si je plonge dans mon code déontologie (pour moi, c’est celui de l’A.M.F. que je me suis engagé à respecter), je ne trouve guère de trace d’un article qui me donne une piste face à un tel dilemme.
Je me rangerais volontiers à la recommandation de Victoria Pynchon dans l’article précité: rappeler dès le début de la médiation aux médiés que la médiation n’a de sens que si il peuvent y trouver une meilleure solution que dans une solution plaidée. Je préfère cependant une autre approche, pas très différente sur le fond me semble-t-il.
Elle consiste pour moi à faire travailler par les médiés leur MESORE (MEilleure SOlution de REchange - Ury et Fischer, Comment réussir une négociation), soit avec l’autre partie, soit seuls ou éventuellement en caucus avec un médiateur ou leur conseil. Et il est important qu’ils soient tous convaincus que leur MESORE personnelle se situe bien en dessous de ce qu’ils peuvent obtenir en médiation. Si la MESORE est meilleure que n’importe quel accord de médiation, ce n’est plus une MESORE, c’est LA meilleure solution.
S’assurer que chaque partie a bien évaluer que la solution de médiation est meilleure que la MESORE ne garanti cependant pas que la solution soit la plus équitable aux yeux de la loi, et surtout aux yeux de tiers. La différence avec la solution plaidée est que celle-ci sera nécessairement de nature publique. Des tiers pourraient en tirer jurisprudence et se réclamer d’un précédent pour obtenir un traitement équivalent.
Il reste donc que la médiation présente un risque de discrimination non négligeable par rapport à des tiers potentiels au conflit.
C’est bien la confidentialité absolues des débats en médiation qui est donc ici en cause. Elle est à la fois essentielle à la recherche d’une solution créatrice, puisque sans elle, la créativité reste bridée par le risque de stigmatisation publique de celui qui émet une idée nouvelle. Mais elle est également perverse puisqu’elle permet aux participants à la médiation de reporter éventuellement sur des tiers le coût de la solution négociée.
Si certains d’entre vous ont une idée à proposer dans ce débat, je les invite à commenter cet article.