556_ Salon du livre d'Alger (SILA) 5_ Mon dernier jour au SILA.
Publié le 31 octobre 2016 par Ahmed Hanifi
Dimanche
30 octobre 2016_ et dernier jour au SILA.
Réveil
très matinal. 6h45. J’ouvre les volets. Il fait un peu frisquet… 9h30 :
métro, tram, la foire. Dans le tram, mon voisin est une voisine. Entièrement
voilée. De la tête aux chaussettes. Plus la voilette sur le visage, plus les gants.
Tout en bleu foncé. Elle dit être une dame d’un âge certain. Je ne la crois
pas. Sa voix, sa bonne humeur et sa gestuelle la trahissent, mais elle ne le
sait pas. Oui car elle me parle. Sans arrêt. Sans me dire Hadj ou cheikh. Elle
parle de tout. Cela a commencé à l’arrivée du tram. Dès que les portes se sont
ouvertes j’ai ressenti qu’on me poussait pour entrer dans la rame. J’ai dit
« attendez s’il vous plaît que les personnes descendent… » elle
(c’est elle) a dit «le monsieur ne semble pas connaître… » J’ai répondu
« je sais madame, je sais ». Elle a rigolé. Puis nous sommes montés.
Elle s’est assise à ma gauche et n’a plus cessé de parler. On a parlé de tout,
plus elle que moi : « el akhlak » (l’éducation),
l’administration, la corruption, le nifak (l’hypocrisie), la Norvège (c’est qu’elle
respecte beaucoup les pays scandinaves pour la droiture de leurs liens sociaux,
leurs gouvernants…), elle a beaucoup parlé de sa cousine « beur » qui
n’aime pas les comportements a-sociaux des gens d’ici (c’est elle qui dit
cela). Bref j’ai passé un bon moment. La « foire » m’a semblée
beaucoup plus proche que ces derniers jours. « ça a été un vrai plaisir ya
madame » Elle me répond, presque joyeuse, « pour moi aussi monsieur,
bonne journée (J’ai oublié de dire qu’elle parle parfaitement le français.)
La
foire : Il y a foule et fouille. « A qui est-ce ? » dit le
jeune agent de sécurité en exhibant les livres qu’il a sortis de mon sac à dos,
« c’est à moi » (oui car les sacs à dos, à main, les saccoches…
avancent plus vite sur la table que les personnes sous les portiques, il y a
donc à un moment un décalage). « C’est interdit cheikh ». « Ah
oui ? et pourquoi aujourd’hui et pourquoi pas hier, ni avant-hier ? »
Il s’est rendu compte qu’il avait l’air fin « maalich, roh, roh »…
14
heures sont proches et il y a deux très importantes affiches : dans la
salle des conférences (200 places) il y a Dany Laferrière, et là, dans ce
réduit du ministère de la Culture (16m2) il est prévu Ahlam Mostaghenemi. Je
patiente ici, chez Ahlam. Je suis parmi les premiers. J’ai le plus grand
respect pour l’écriture de Ahlam, virevoltante, tonitruante, qui bouscule les
précarrés, les préjugés et les certitudes béates. J’ai lu ses deux ouvrages
traduits en français, Mémoires de la chair et Chaos des sens. Je les ai trouvés
absolument fabuleux. J’attends avec impatiente (depuis deux ans !) la
traduction des autres. Non seulement l’histoire, mais le verbe. Quel
plaisir ! Voici ce que j’écrivais sur mon blog il y a deux ans :
__________
« Je
l’avoue et j’en ai presque honte, j’ai découvert Ahlam Mosteghanemi au début de
cette année 2014. Son nom ne m’était pas étranger, certes. Je savais vaguement
que c’est une femme qui écrit en arabe. Mais, hélas, je ne lis ni romans, ni
journaux, ni quelque document que ce soit en arabe. Car je ne maîtrise pas
cette langue, même si je parle parfaitement l’oranais. A vrai dire je ne me
suis jamais, ou presque jamais, intéressé à la littérature arabophone. Avec le
temps c’est devenu une habitude, une seconde nature que de ne prêter aucune
attention à ce qui s’écrit dans cette langue. D’autant qu’ils ne sont que très
peu ou pas traduits. Ouatar peut-être, ou la poésie. Je n’en suis pas du tout
fier... De Ahlam Mosteghanemi je n’avais jamais lu une ligne avant ce jour de
janvier lorsque je suis rentré dans la nouvelle librairie de la place du 1°
novembre à Oran. Au rayon des ouvrages en français je recherchais des
nouveautés. Quelque roman ou autre écrit publié en Algérie. Foin de romans
édités à l’étranger. Je désirais acheter un roman local. Et je tombe sur deux
romans de Ahlam Mosteghanemi en français : Mémoires de la chair (traduit
de l’arabe par Mohammed Mokeddem) et Le chaos des sens, traduit par France
Meyer, édités tous deux par Sédia. Je feuillette Le chaos des sens et c’est le
choc. Une dramaturgie poétisée. Je lis, relis, deux pages, puis cinq puis je ne
sais… » La suite se trouve ici :
http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.fr/2014_04_01_archive.html#7658578726562437501
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LES VIDEOS DE LA FERRIERE ET DE MOSTEGNANEMI RAMENT !!
JE LES METTRAI UNE FOIS QUE JE SERAI RENTRE A MARSEILLE _ VERS FIN NOVEMBRE
DESOLE
Et là,
cette femme magnifique va se présenter devant nous, hélas pas pour parler de
ses romans, mais pour les vendre (on ne peut tout avoir). La foule est
impressionnante. Nous sommes peut-être cent cinquante personnes à faire le pied
de grue. Sans compter les journalistes de plusieurs TV, très nombreux et
indisciplinés comme savent l’être les journalistes en général. Ils vont et
viennent sans arrêt avec leurs encombrants matériels,
« poussez-vous ». Je suis face à un dilemme.
Rester et rater
l’émission de radio où l’on m’attend ou bien me présenter à la chaîne trois et
parler de mes livres. J’hésite (pas longtemps pour être honnête). J’opte pour
la radio. On m’attend à 45 et il est 14h35. Tant pis pour Ahlam.
La radio
chaîne trois. Je ne sais le titre exact de l’émission :
« arts… » quelque chose. « Bonjour »,
« bonjour… » L’animatrice est Soraya quelque chose aussi. Arrive
peu après la star du moment, la très jeune Khawter Adami, demandée par tous
partout. Très sympathique (accent de titi parisien à couper dans du brouillard,
au fait comment dit-on titi au féminin ?) Arrivent aussi Agnès Spiquel,
Christian Pheline, Maurice Mauviel. Je pensais parler de mes écrits, de Camus,
de la poésie, de ceci, de cela…. Je vous jure que j’ai été expédié en moins de
trois minutes. Comme un malpropre. J’étais outré. « Si j’avais su, j’aurai
pas (je vous le jure) venu ». Moi qui ai passé plus de deux heures à me
préparer, à faire des schémas et tout, surtout pour parler de Camus, car je
pensais sérieusement qu’on allait me poser des questions sur Camus, l’Arabe, et
tutti quanti. Que nenni. J’eus droit à un gros truc d’ignares « alors
comme ça vous habitez en France et vous n’êtes pas édité en Algérie
gnagnagna… »
J'ai couru pour aller entendre Dany La Ferrière à la salle des conférences, mais je suis arrivé tard. Il a achevé son intervention. "Il répond aux questions des journalistes" me dit Madame Si-Ahmed (je l'ai rencontrée hier), elle fait partie du staff de l'organisation... "Moi aussi j'ai été journaliste!" "Ben alors allez-y". C'est ainsi que je me suis retrouvé dans le mini cercle des privilégiés, dans une petite salle. Une demi-douzaine. C'est Fayçal M. qui pose le plus de questions. La Ferrière répond tranquillement, avec tact et bienveillance durant dix minutes (depuis que je suis arrivé), jusqu'à ce que la responsable du protocole annonce "c'est fini, place aux dédicaces"... et c'est une cascade de livres qui sont posé sur les cuisses de l'écrivain, qui signe avec patience... Arrive un non-voyant qui demande "où est monsieur La Ferrière?" On l'en approche. Ce monsieur j'ai échangé avec lui en décembre dernier, lors du forum du roman à Alger. Un homme de grande culture et d'une mémoire faramineuse. Il peut réciter un livre entier (je n'exagère absolument pas) ou un texte daté de plus de quinze ou trente ans. Il dit à Dany La Ferrière "nous nous sommes rencontrés il y a huit ans et nous avions mangé ensemble une Tchektchouka!" La Ferrière semble s'en souvenir et il rit...
Je suis rentré groggy du fait de la Chaîne 3. Heureusement, à côté de l’hôtel il y a
Le Pigalle, pour se désaltérer. Et je me suis désaltéré.
Eh bien
vous savez quoi ? au moment où j’achève ces lignes, un responsable d’émission
télé algérienne m’appelle… Rendez-vous demain… Incroyable. J’y reviendrai.
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