Ces enfants instables déracinés par l'adoption
Des carences affectives précoces gomment donc chez l'enfant « le sentiment de baigner dans un environnement favorable et protecteur ». : DR
Parents, éducateurs, pédopsychiatres sont déconcertés par les « troubles de l'attachement » qui s'emparent de certains enfants. L'association Petales fédère les parents concernés.
C'était un gamin enjoué, peu avare de risettes au temps du berceau. Et puis, les années passant, sa métamorphose comportementale s'est accomplie. Il est devenu impulsif, accaparant, incapable de contrôler ses humeurs et ses pulsions. Manipulateur, parfois violent - envers les autres, mais aussi envers lui-même - le gosse adorable d'hier s'est mué en un « empoisonneur » dont parents et éducateurs ont un mal fou à comprendre et à gérer les écarts de conduite, à la maison, à l'école ou, plus tard, au travail.
Humanisation en péril
Les pédopsychiatres qualifient de « troubles de l'attachement » cette pathologie qui survient au cours des deux ou trois premières années de la vie. Elle concerne, pour une très large part, des enfants adoptés. D'une manière générale, des jeunes qui, pour des causes diverses (naissance prématurée, hospitalisation de la mère, séparation des parents...) ont mal vécu une rupture avec leurs parents biologiques. L'association Petales France (1) connaît le problème : 95 % de ses centaines d'adhérents sont des parents adoptifs. Elle organise, le 21 juin, à Angers, une réunion interrégionale sur ce thème douloureux (2).
« Il n'y a, hélas, pas, pour l'instant, de solutions pour ces enfants qui souffrent », commente la Bretonne Marie-France Gicquel, en évitant, pudiquement, d'entrer dans les détails de son drame personnel. La « théorie de l'attachement », dont elle relaye les principes pour aider les tiers à mieux comprendre, c'est le pédopsychiatre anglais John Bowlby, mort en 1990, qui l'a établie : « La construction des premiers liens entre l'enfant et la mère répond à un besoin biologique fondamental, écrivait-il. Et, s'ils ne sont pas construits durant les douze premiers mois de la vie de l'enfant, son développement et son humanisation sont en péril. »
Briser l'isolement des familles
Des carences affectives précoces, des traumatismes liés à la négligence ou à une rupture de ces premiers liens gomment donc chez l'enfant « le sentiment de baigner dans un environnement favorable et protecteur » et font émerger chez lui, a contrario, l'idée d'un abandon.
Du coup, explique Marie-France Gicquel, « on assiste chez lui à d'étonnantes métamorphoses. Il fabule. Il ment. Provoque parfois des punitions en jouant aux victimes. Est capable de violences et d'automutilations. Les éducateurs, qui s'interrogent sur la signification de ces comportements, ont souvent tendance à incriminer les parents, sans connaître les drames intérieurs que ceux-ci vivent, impuissants... »
Les groupes d'entraide de Petales France s'évertuent à briser justement l'isolement des parents. La réunion d'Angers contribuera à rechercher des solutions susceptibles de déboucher sur des soins adaptés aux enfants. Faute, aujourd'hui, d'une thérapie efficace.
Alain GUELLEC.
(1) Le sigle Petales signifie Parents d'enfants présentant les troubles de l'attachement : Ligue d'entraide et de soutien. Contact : www.petalesfrance.fr/index.html ; BP 50 132, 02 303 Chauny cedex ; tél. 03 23 39 54 12.
(2) Elle aura lieu, de 13 h 30 à 17 h, au parc de loisirs du lac de Maine.