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(note de lecture) Théo Robine-Langlois, "[…]", par Véronique Vassiliou

Par Florence Trocmé

Des nuées

Théo
Théo Robine-Langlois est tout neuf.
Voici un livre au titre imprononçable, […], un titre elliptique. Voici une narration ponctuée de ce […] - peut-être une ponctuation, peut-être un trou - qui a de nombreux statuts : tantôt interruption du texte, tantôt coupure, tantôt motif ou élément de motif et surtout idéogramme, celui du mot « nuage » dans une langue unique, celle de Théo Robine-Langlois.
[…] est un amoncellement léger (relativement, puisqu’il y est question de son poids), mouvant, polymorphe et le livre épouse la forme de son sujet masqué, que je dévoile ici : le nuage. Tour à tour formel, informel, figuratif, chargé puis délité, étiré et ainsi de suite.
C'est aussi une histoire délirante menée à fond de train, de main de (jeune) maître, scandée d’un refrain de chanson rap (du rapper Lil Trog), avec irruption régulière d’un inspecteur de police qui enquête sur le personnage principal sans qu'on sache ce qu’il cherche. Il n'est peut-être là que pour ce qu'il est censé faire, enquêter. Il y a des personnages. N(uage?) en est le principal. Il a la tête dans les [...], il cherche sa voie en imaginant des machines à fabriquer des nuages, en se faisant tancer par sa mère et en sortant avec des copines.
D'autres traversent le texte, plus ou moins présents. L. est l’ami, celui qui envoie des citations en SMS, écrites en langue « écrit/oral ». Ou comment pervertir le statut de la citation en la désacralisant par son encodage. Il y a aussi J., l’ex-petite amie cuisinière de macarons...
Ce livre est une exploration polysémique des […] : le cloud, la désinvolture, etc ; et polyphonique : « âges nus » ...
En fin de livre, N. découvre « un sketch Processing sur Internet qui permet de simuler des […] ». Les codes génèrent alors des poèmes visuels auxquels succèdent des descriptions littéraires de [..], dans des encadrés, en poèmes conceptuels post Rémy Zaugg.
On pense à la vitesse et à la liberté des romans de Cyrille Martinez, une écriture écrite au rythme d’une pensée qui surfe (à la crête des nuages...) où les paroles de chansons anglaises traduites littéralement font office de poèmes lambda. Baudelaire y devient ultra-contemporain, une fois traduit en anglais, après passage au filtre du traducteur google. Des phrases courtes et de l’action, à la Mika Biermann, rythment une écriture contaminée par les mangas, l’écran et les séries, pour notre plus grand plaisir.
Théo Robine-Langlois appartient à l’école de l’écriture anti-philosophique, celle de la surface, celle qui fait osciller l'histoire de la poésie en en brouillant les frontières par le visuel, en empruntant sans vergogne à tous les genres (polar, manga, science-fiction, etc.).
Si le sujet des nuages est très en vogue (cf. l'exposition Nuages du Musée Arlaten, en Arles et la réédition en 2012 de l’ouvrage de Luke Howard), c'est que le ciel en est chargé. Qu'un jeune écrivain nous les rende légers et nous fasse oublier la grisaille, c'est un exploit résolumentjubilatoirementpoétique.
Véronique Vassiliou

Théo Robine-Langlois est né en 1990. A vécu à Juvisy, Cergy, Taipei, Grenoble, Paris. Écrit sur internet, dans des revues, produit des expositions, des émissions de radio.
[…] est son premier livre publié.
Théo Robine-Langlois, […], 96 pages, Collection grmx, Nous, 2016, 14 euros.


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