Dimanche dernier, dans un sursaut défaitiste, les Espagnols ont, comme d’autres avant eux, renoncé à l’absence heureuse de gouvernement et ont replongé avec morosité dans les affres de la politique politicienne : grâce à l’accord des socialistes du cru, Mariano Rajoy devrait finalement prendre la tête d’un nouveau gouvernement en Espagne qui n’en avait plus depuis 10 mois.
Quelle tristesse.
Or, pendant ces dix mois, alors que les politiciens se déchirent et se papouillent pour savoir qui prendra la tête du pays et comment se dépatouiller du bazar démocratique (une seconde élection, en juin, ne règlera pas le problème), la situation économique, elle, évolue nettement plus favorablement. Pendant son second trimestre, l’économie espagnole enregistre ainsi une croissance de 0,8% liée à l’augmentation des dépenses de consommation et de bonnes exportations. À l’année, les prévisions de croissance s’établissent ainsi à 3%, faisant mieux que la France, l’Allemagne ou les USA.
Ce regain d’activité économique se traduit d’ailleurs par une nette amélioration des salaires et de l’emploi. Si l’on y ajoute une année touristique exceptionnelle, l’Espagne profitant sans doute des déboires des pays méditerranéens touchés par les soubresauts terroristes, le tableau brossé est au moins aussi positif que la situation politique est, a contrario, tendue.
Y aurait-il un lien de cause à conséquence entre cette absence marquée de gouvernement pendant 10 mois et ces bons chiffres économiques ?
Difficile, dans ce contexte, de ne pas rapprocher le cas espagnol du cas belge, survenu il y a quelques années. On se souvient en effet des déboires du petit royaume lorsqu’en 2010 et 2011, confronté à une crise politique majeure si typiquement belge, le pays n’avait pu se doter de gouvernement pendant 541 jours (ce qui en fit un record homologué au Guinness, soit dit en passant).
Le schéma est troublant. Certains, nombreux, crieront à la pure coïncidence et se réfugieront dans cette explication hasardophile. Malgré tout, d’autres, plus avisés, noteront que les bons résultats économiques de ces deux pays sans gouvernement sont logiques.
En effet, l’absence de gouvernement signifie avant tout l’absence de budget spécifique voté pour financer les lubies et autres dadas idéologiques des politiciens. L’absence de gouvernement se traduit très concrètement par l’impossibilité pour nos ténors de lancer l’une ou l’autre idée dispendieuse, par l’incapacité de pousser ou de tirer sur l’un des pans économiques du pays, par la disparition des marges de manœuvres créatives en matière de finances publiques.
Ces deux exemples montrent en réalité en grandeur réelle que, dans un pays où règnent déjà des institutions fonctionnelles et un état de droit, lorsque que le gouvernement n’impulse pas, ne dirige pas, ne gouverne pas, n’intervient pas et ne décide pas à la place des individus et des agents de marché livrés à eux-mêmes, tout se déroule nettement mieux.
Autrement dit, si l’on part d’une situation où la société est globalement fonctionnelle, l’absence de gouvernement ou, mieux encore, son évanouissement et son placement en position latérale de sécurité permettent mieux que toute autre politique un retour de la croissance, des emplois et de l’équilibre budgétaire.
Du reste, est-ce si difficile à croire ?
Alors que se rapprochent les élections (présidentielle d’abord, législatives ensuite), et alors même qu’avec le bal des primaires de droite, on assiste à une déferlante de programmes politico-économiques les plus grotesques, la question de la pertinence même d’un gouvernement mérite amplement d’être posée et ces deux exemples concrets et européens, en zone euro, donnent une parfaite illustration du bénéfice qu’on pourrait retirer d’une France politiquement coincée.
En effet, dans 7 mois, nous allons voter pour déterminer quel clown aura le droit d’occuper l’Élysée pour les cinq prochaines années. À l’heure où ces lignes sont écrites, les principales têtes d’andouillesaffiche déclarées se résument à celles-ci : Mélenchon, Montebourg, Hollande, Juppé, Sarkozy, Le Pen. Aucune de celles-ci ne peut prétendre renouveler quoi que ce soit dans la vie politique française puisque tous, sans exception, y traînent leurs guêtres depuis plusieurs décennies. Tous, sans exception, nous promettent d’intervenir massivement avec des gouvernements aussi resserrés qu’hyperactifs, avec des programmes de tripotage de l’économie dans tous les sens possibles (le parfum d’intervention change en fonction de la tête, l’intervention, elle, reste imposée). Petite chance dans ce marasme : tous n’auraient aucune coudée franche, aucune marge de manoeuvres pour leurs délires interventionnistes, à l’exception de Juppé ce qui en fait de loin le candidat le plus dangereux.
Pourtant, la France n’aurait-elle pas plutôt besoin de faire une pause ? Ce pays ne serait-il pas mieux dans une longue crise politique de cinq années pendant laquelle aucune impulsion, aucune intervention, aucune nouvelle dépense pharaonique ne sera lancée, une période pendant laquelle aucune nouveauté catastrophique ne sera essayée au détriment de millions de contribuables, de millions de travailleurs, de millions d’entrepreneurs qui devront tous, au final, payer l’expérience au prix fort ? Ne serait-il pas temps de dire à tous ces aigrefins trop écoutés : « Surtout, ne faites rien » ?
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