[Critique] A BIGGER SPLASH

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : A Bigger Splash

Note:
Origines : Italie/France
Réalisateur : Luca Guadagnino
Distribution : Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Matthias Schoenaerts, Dakota Johnson, Lily McMenamy, Aurore Clément, Corrado Guzzanti…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 6 avril 2016

Le Pitch :
La légende de rock Marianne Lane s’offre un repos bien mérité sur l’île volcanique de Pantelleria avec son partenaire Paul, quand leurs vacances sont interrompues par l’arrivée inattendue de son producteur et ancien amant Harry, qui débarque sans prévenir avec sa fille Pénélope, charriant avec lui de la nostalgie, du rock n’ roll et un ardent désir pour Marianne…

La Critique :
Une chose incroyable est arrivée lorsque Ralph Fiennes a commencé à devenir chauve, parce que c’est précisément le moment où tout le monde s’est rendu compte qu’il pouvait être drôle. Notre élégant patient anglais a passé tellement de temps à tirer la tronche dans des films moroses – et surtout, prestigieux et oscarisés – comme The Constant Gardener ou The Reader que son apparition surprise en plein milieu de l’hilarant Bons Baisers de Bruges changea vraiment la donne, détrompant à jamais la fameuse citation d’F. Scott Fitzgerald, à savoir qu’il n’y a jamais de seconds souffles dans les carrières contemporaines.

Plutôt assigné désormais à la lourde tâche de se glisser dans des rôles romantiques qui de toute façon ne lui allaient pas (quelqu’un se souvient de son dérapage catastrophique avec Jennifer Lopez dans l’affreux Coup de foudre à Manhattan… écrit par John Hughes !?) Fiennes a perdu sa vanité en même temps qu’il a perdu ses cheveux, et ces dernières années, il s’est vraiment fait plaisir avec des rôles comiques et divinement maniéristes dans des œuvres aussi diverses que The Grand Budapest Hotel et Avé César !.

Fiennes déboule comme une tornade dans A Bigger Splash, semant la pagaille dans les vacances d’une rock star qui est aussi son ex (Tilda Swinton) et son copain documentariste (Matthias Schoenaerts). En guise de cadeau de Noël précoce pour tout ceux qui ont rêvé de voir Tilda Swinton incarner un jour David Bowie, la voilà qui prend le rôle fictionnel de la rockeuse glamour Marianne Lane, célèbre pour des concerts en arène et son maquillage Ziggy Stardust. Se remettant lentement d’une opération chirurgicale sur ses cordes vocales qui pourrait bien mettre fin à sa longue carrière, Marianne s’est trouvé une cachette près de la côte sicilienne avec le beau gosse de Schoenaerts, nouvellement sobre et lui-même en train de retrouver la voie suite à un accident qui ressemble davantage à une tentative de suicide qu’il se sent prêt à admettre. Leur couple maintenant domestiqué est en train d’arriver lentement à la conclusion que chacun d’eux devient trop vieux pour le rock n’ roll, sans être pour autant assez vieux pour mourir.

Et c’est pourquoi la dernière personne qu’aucun des deux n’a vraimnet envie de voir est le Harry Hawkes de Fiennes. Un fantôme du passé qui s’est joyeusement invité à squatter leur villa. Bavard, maniaque et perpétuellement en mouvement, il bassine tout le monde à portée d’oreille avec ses récits de gloire déchue, en particulier ceux qui l’ont impliqué dans la production de l’album Voodoo Lounge des Rolling Stones (comme si c’était quelque chose à propos duquel on pouvait se vanter !). Harry, qui débarque également avec une surprise, à savoir une fille dont lui-même ignorait l’existence, appelée Pénélope et interprétée par Dakota avec une sensualité presque indécente qui rappelle le rôle iconique de sa mère, Mélanie Griffith dans La Fugue d’Arthur Penn, quatre décennies auparavant. Harry est revenu reconquérir le cœur de sa bien-aimée Marianne, et il ne le fait pas exactement de façon très subtile.

Somptueusement photographié par le chef-opérateur Yannick Le Saux, A Bigger Splash frise en permanence avec l’overdose esthétique. Le cinéaste Luca Guadagnino se goinfre des paysages, de la nourriture et tous les plaisirs sensoriels qu’il arrive à faire rentrer dans le cadre, tandis que ces quatre gens sexuellement voraces tournent en rond dans la chaleur méditerranéenne. Un remake frivole de La Piscine de Jacques Deray qui en 1969 mettait en vedette Alain Delon et Romy Schneider, pour un retour à l’époque où les spectateurs se ruaient sur le cinéma européen juste pour voir des jolis gens à poil qui parfois s’envoyaient en l’air. Certains films art-et-essai d’aujourd’hui sont tellement chastes et stériles que regarder la joyeuse charge érotique dans A Bigger Splash s’apparente à apercevoir un OVNI. Les cinéastes oublient parfois que la fornication, c’est fun.

Bien entendu, ça peut aussi tout ruiner, et Guadagnino sème une angoisse experte entre Swinton et Fiennes. Elle doit reposer sa voix et ne fait que chuchoter, mais lui parle plus que tout le monde. Au cours du film, Harry deviendra une figure tragique, crevant d’envie d’être encore le roi d’une fiesta qui s’est achevée depuis déjà bien longtemps.

Un peu plus tôt d’ailleurs, Fiennes accomplit un exploit qui restera comme l’un des moments les plus indélébiles de l’année : tournant un vieux vinyle et ennuyant encore tout le monde avec des anecdotes trop familières, il tombe sur Emotional Rescue des Stones et devient un homme possédé par le rythme disco vintage. Se tortillant autour du salon dans une danse ridicule et glorieuse (qui rivalise avec la chorégraphie d’Oscar Isaac dans Ex Machina) alors que les autres lèvent les yeux au ciel, Harry ne peut plus se retenir et continue son spectacle dehors, seul. Agitant les bras et se déhanchant dans une une totale extase, il finit de dessiner ce portrait presque déchirant d’un homme qui n’a décidément pas envie de voir la musique s’arrêter…

En Bref…
Bien plus qu’un film sur des gens riches qui traînent autour d’une piscine, A Bigger Splash peut compter sur son charme coquin, mais aussi sur une belle dose d’humour mordant. Il s’agit en somme d’un drame complexe, contenant quelques mystères qui ne seront pas tous forcément percés à la fin du métrage. Et puis Ralph Fiennes qui danse sur la musique des Stones est peut être l’un des meilleurs moments cinéma de l’année !

@ Daniel Rawnsley

  Crédits photos : StudioCanal