D’extase et d’amour féroce, un bijou sensuel signé Dylan Landis
D’extase et d’amour féroce – Dylan Landis
PLON (Feux Croisés) – 20,90€
C’est son premier livre et c’est plutôt très réussi. La photo en première de couverture ressemble à s’y méprendre à Charlotte regardant par la fenêtre, pour y contempler la ville (NDLR : Tokyo), dans Lost in translation. Ici, c’est un bouleversant roman d’apprentissage dans lequel on suit l’héroïne principale Rainey Royal, transformée en jeune femme troublante et énigmatique, du haut de ses 14 ans, à New York, dans le quartier de Greenwich Village, dans les années 70.
« Rainey adore la façon dont Tina et elle prennent des poses en cours, assises sur leur chaise, et obligent les profs à les regarder. Soit ils se mettent à bafouiller, soit des auréoles de sueur se dessinent sur leurs chemises au niveau des aisselles. Elles ont un code dans ces cas-là. Elles appellent ça le jeu secret. » (p.23)
Son père, sorte de figure adolescente, musicien de jazz hors pair, a fait de la maison familiale – désertée par maman pour s’adonner à un délire mystique – un véritable lieu d’accueil pour mélomanes en quête d’un lit où passer la nuit. Et plus si affinités. Rainey « vivote » dans ce contexte, jouant sur l’apparence, répondant à un besoin impérieux et viscéral de plaire, et s’offrant – au premier plan. Il ne lui suffit pas de vivre, elle veut maîtriser son public et avoir tout pouvoir.
C’est bien connu, plus le milieu est hostile et plus les solutions risquées sont préférées. Pas de protection et peu de filtres. L’atmosphère environnante est résolument malsaine. Et dans cette précarité ambiante qui limite les possibles, on s’attache à ces personnages balafrés par un apprentissage trop précoce de la vraie vie et un manque de repères évident : Rainey, mais aussi Tina, Howard, Leah… Au sein du chaos, Dylan Landis nous invite dans un terrain de jeu propice à la fantaisie et l’évasion. Remarquable.
Elisa Palmer
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