Nick Leeson est un pionnier en son genre ! Il a été le premier de ce cercle très fermé, des traders à avoir provoqué une perte de plus de 1 milliard de dollars. Il fut peut-être même une source d’inspiration pour nos frenchies J. Kerviel et Fab le Fabuleux… Alors génie malchanceux ou mythomane heureux ?
Voici son histoire.
L’histoire d’une ascension
L’histoire de Nick Leeson c’est avant tout celle d’une ascension fulgurante. Rien ne destinait cet homme d’origine modeste à devenir l’une des figures emblématiques de la finance des années 1990. Après le lycée, Nick suit des études d’histoire puis débute sa carrière professionnelle en tant qu’employé de bureau dans une petite banque anglaise. À cette époque, comment imaginer que cet individu, à la vie des plus banales, causera la perte de 1 300 000 000 dollars ? Mais à l’aube de la décennie 1990, Nick rejoint la vénérable institution Morgan Stanley en tant qu’assistant des opérations. C’est là le début d’une nouvelle vie. Rapidement, il sait se rendre utile et développe ses connaissances personnelles en matière de trade et d’analyse financière.
C’est à ce moment de l’histoire que tout va basculer. Son flair autant que l’audace et l’ambition le font partir pour les places financières asiatiques. Il quitte donc Londres et ses costumes trois pièces de Savile Row (comptez 4000 livres chez Anderson & Sheppard), enfile un sweat Adidas et saute dans un avion ! Direction… Singapour. Là-bas il travaille pour la Barings et se fait très vite remarquer, non pas pour son bon goût vestimentaire, mais par ses réussites dans les différentes missions qui lui avaient été confiées. La récompense est à la hauteur de la confiance qu’il inspire alors à ses dirigeants : il est nommé responsable en chef des opérations. C’est ainsi que Nick gagne sa place au paradis capitaliste, paradis auquel on accède aussi vite que la société nous damne, leçon que Nick apprendra à ses dépens.
Nick est top. Il fait de gros bénéfices pour le compte de la Barings sur des activités qui n’ont une rentabilité que de quelques pourcents, grâce à une spéculation intense. Ses dirigeants – certainement lecteurs attentifs de l’œuvre de Machiavel – se disent que la fin justifiant les moyens, il n’y a aucune raison d’être trop regardant sur les techniques employées. Dans sa lancée il accède aux marchés des futures (les « futures » sont des instruments financiers de la catégorie des contrats à terme). Là, Nick engrange les millions pour le compte de la Barings, en pratiquant des opérations à fort effet de levier non autorisées par la banque. À son apogée jusqu’à 10% des bénéfices de la Barings étaient générés par notre seul trader. Et c’est ainsi qu’à son salaire de 50 000 livres par mois, viennent s’ajouter de confortables bonus d’environ 150 000 livres.
L’obstination
Et quand on est au top on veut y rester, ainsi lorsque les premières pertes surviennent, Nick pour ne pas décevoir ses dirigeants a l’ingénieuse idée de les dissimuler dans un compte pertes, qu’il avait d’ailleurs créé à l’occasion d’une perte de 20 000 livres provoquée par un jeune et inexpérimenté collègue. Pour mettre toutes les chances de son côté, notre cher Nick nomme ce compte « 88888 », le chiffre 8 étant un porte bonheur dans ces contrées lointaines. Mais apparemment il ne faut pas trop compter sur les chiffres porte bonheur ; à la fin de l’année 1992 on compte déjà une perte de 2 millions. Si seulement pour Nick l’histoire s’arrêtait là…
Ce jeune homme d’une vingtaine d’années bien décidé à remettre à zéro le compteur de son fameux compte « 88888 » poursuit ses activités spéculatives sur le Nikkei (place financière nippone). Et il continue d’accumuler les pertes… Plus de 200 millions de livres : c’est le chiffre astronomique des pertes déjà accumulées par Nick Leeson en 1994 sur le compte « 88888 ». En deux ans c’est donc par 10 000 que les pertes ont été multipliées. Mais un audit remarquablement bien mené à la demande de la Barings ne trouve rien à redire aux agissements de l’équipe de Leeson.
La frontière est parfois si mince entre persévérance et obstination, qu’il est possible de passer de l’un à l’autre sans même s’en rendre compte. Au début de l’année 1995 il franchit définitivement la frontière sans le savoir, en décidant de parier massivement sur le fait que le Nikkei serait suffisamment solide pour ne pas descendre en dessous de la barre des 19 000 points.
Malheureusement pour Nick le monde va trembler sous ses pieds et le ciel tomber sur la tête. Après le tremblement de terre qui frappe l’Asie et particulièrement le Japon en Janvier 1995, le Nikkei s’effondre et ses pertes deviennent alors colossales, elles atteindront la somme de 1,3 milliards de dollars causant par la suite, la perte de la Barings. L’ami Nick prend ses jambes à son coup, à peine le temps de fermer sa valise Louis Vuitton à 1 500 euros et de prévenir sa femme, qu’il est déjà dans un avion pour Francfort afin de fuir la justice singapourienne. L’histoire veut tout de même que dans un élan de courtoisie sans précédent, Nick laisse un mot avant de fuir, dont la substance est on ne peut plus claire : « je suis désolé ». À moins que ce ne soit les remords d’un homme enfermé dans son mensonge qui l’aient poussé à écrire ce mot.
En dépit de ses efforts, il est extradé la même année, jugé, et condamné à passer 6 ans et demi dans une geôle de Singapour, de plus la justice le condamne à une amende de 70 000 livres sterlings. Et un malheur n’arrivant jamais seul, Nick apprend en prison qu’il souffre d’un cancer du côlon et que sa femme veut divorcer. C’est ainsi que les mensonges de cet homme lui ont fait voir un paradis qui n’était en fait qu’un mirage.
Nick Leeson : l’animal qui retombe toujours sur ses pates
Heureusement « l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage », dixit Mathieu Kassovitz, et ça Nick Leeson le sait bien. Il profite de son incarcération, pour écrire ses mémoires. Rogue trader sort en librairie en 1996. Dans ce livre autobiographique il revient longuement sur l’épisode Barings. Cette sortie littéraire lui permet alors de gagner près de 200 000 livres sterling. Son histoire de trader « escroc » sera même adaptée au cinéma. Et là encore ce fut une affaire rentable pour lui, The Guardian révèle ainsi qu’il a touché une part des 7 millions de dollars de bénéfices du film.
Pour sa reconversion Nick a d’abord choisit le Football, en 2005 il devient donc le directeur commercial du Galway Football Club. Il en sera même nommé CEO en 2007, mais démissionnera de son poste en 2011. Il est ensuite devenu conférencier : conférences qu’il facture 7 500 livres. Ainsi si vous avez prochainement envie d’inviter monsieur Leeson a votre table pour un dîner-débat, il vous en coûtera la modique somme de 6 000 livres sterling (foncez la livre est au plus bas !).
Plus étonnant encore, en 2013, l’entreprise irlandaise GDP Partnership dont le cœur de métier est la médiation du crédit l’engage dans ses équipes. Elle fait en effet valoir sur son site internet, que « l’expérience, les connaissances de Nick apporteront une valeur significative à notre offre ». Le salaire versé par GDP Partnership demeure aujourd’hui encore inconnu mais les experts avancent un salaire annuel de 180 000 livres. Pour cette incroyable capacité à rebondir, le mot de la fin revient donc à notre trader favori : « il y a toujours une solution » !