La CNT a été récemment invitée à un atelier de partage par la commission chargée des Affaires Economiques et des Projets Stratégiques au sein du CESE sur la thématique de la « Gouvernance et du rôle des acteurs ». Ayant eu l’honneur de représenter notre confédération et de contribuer à enrichir le débat, j’ai eu le plaisir de constater, que notre secteur est considéré comme un modèle de Gouvernance, au même titre que le secteur financier ou encore celui des sucriers et de ce fait, j’ai essayé d’étayer les facteurs clés de succès pour une gouvernance efficace.
Il est important de rappeler que cet atelier participe à une auto-saisine sur la politique industrielle du Royaume, son impact sur le développement économique et social et les projections d’avenir à la lumière des tendances mondiales, marquées par une reconfiguration des marchés, des modes et des chaines de production, avec une invitée de marque : La digitalisation.
A la veille de la formation d’un nouveau Gouvernement, cette thématique me semble opportun surtout en ce qui concerne les organisations professionnelles qui sont appelées à assumer leurs rôles dans le cadre de la conception, de l’élaboration, du pilotage, de l’accompagnement, du déploiement et de l’évaluation des politiques industrielles et plus particulièrement les stratégies sectorielles : Plan Maroc Vert, Plan Halieutis, Plan Emergence, Plan Solaire, Vision 2020, Maroc Export ….
Concernant le Tourisme, la dynamique de gouvernance a été cyclique et générationnelle selon les acteurs et en fonction des degrés de crises.
Le Tourisme a été le premier à se doter d’une stratégie sectorielle en 2001, avec la bénédiction de SM Le Roi : VISION 2010. Cette stratégie a été le fruit d’une réflexion menée par une équipe de militants associatifs issus pour la plus part des Fédérations professionnelles existantes qui ont donné naissance à la Fédération Nationale du Tourisme au sein de la CGEM en 1995.
Généralement, quand on parle de Gouvernance, on pense Bonne Gouvernance car ce qualificatif est d’une importance capitale et c’est ce qui nous interpelle au premier plan quand à la conduite des affaires au sein de nos associations.
Ce qualificatif est aussi un euphémisme, car par définition la Gouvernance se doit d’être bonne car elle n’est que la mise en œuvre d’un ensemble de dispositifs (statuts, règles, normes, protocoles, conventions, contrats ….) pour assurer une meilleure coordination des parties prenantes d’une organisation, chacune détenant une parcelle de pouvoir, afin de prendre des décisions consensuelles et de lancer des actions concertées.
Le Tourisme est un secteur réglementé depuis les années 70, par la promulgation des lois régissant l’industrie Hôtelière, l’activité des agences de voyages et celle des guides et avec l’obligation des membres de se constituer en associations (Dahir 58) et obligation des Associations à se regrouper en Fédérations.
Depuis et au fil des décennies, sont apparues des structures régionales invitant les associations métiers dont l’objet social se focalisait sur la défense de ses membres à envisager la promotion de leur région.
Dans les années 80, sont nées les Associations Provinciales des Operateurs du Tourisme (l’APOTM et l’APOTOZ) respectivement à Marrakech et Ouarzazate, par la volonté et le financement des Hôteliers et des Agents de voyages régionaux. Une expérience qui a montré ses limites car portée uniquement par le secteur privé et qui a eut a faire face à plusieurs crises dont notamment la première guerre du Golfe en 1990 et l’attentat d’ATLAS Asni en 1994 qui ont mis à mal tous les efforts des professionnels sur une décennie.
En 1996, sont arrivés les GRIT (Groupement Régionaux d’Intérêt Touristique) principalement à Marrakech et Agadir, décrétés par le Ministre du Tourisme de l’époque Mohamed Alaoui M’hamdi (UC) qui impliquent outre les professionnels, les Collectivités locales et l’ONMT. Ces structures ont eut leurs heures de gloire et plus ou moins de réussites dans leurs missions.
L’accord Cadre Vision 2010 signé à Marrakech en Janvier 2001 dans le chapitre intitulé « Dynamique Institutionnelle » prévoit une méthodologie de mise en œuvre du dispositif stratégique global. Cet accord cadre vient combler un vide et instituer des règles de gouvernance avec engagement de toutes les parties prenantes. Une réorganisation du dispositif institutionnel tant public que privé sur la base de trois axes fondamentaux :La restructuration des organes de l’Etat, la restructuration des Associations professionnelles et la création d’instances mixtes, au niveau national et régional, pour organiser la concertation public/privé, assurer une planification rigoureuse et garantir une exécution coordonnée de la stratégie Vision 2010.
Force est de constater, qu’en matière de gouvernance, et à part la mise en place des CRT et CPT (Conseil Régionaux du Tourisme et Conseil Provincial du Tourisme), plus ou moins doté de moyens humains et financier et de l’observatoire du Tourisme, la FNT n’a pas réussi la mise en place les FRT (Fédérations Régionale du Tourisme) et Le Ministère n’a jamais constitué le Conseil National du Tourisme sensé réunir l’ensemble des CRT et CPT pour évaluer chaque année l’avancement des chantiers de la vision 2010.
Il y a eu certes, les assises du Tourisme, de manière régulière jusqu’en 2010 et quelques Comité Stratégiques du Tourisme, mais sans réels aboutissements palpables.
Le contrat Programme Vision 2020, signé le 30 Novembre 2010, toujours devant SM Le Roi, était venu quand à lui rectifier les dysfonctionnements de la Vision 2010 notamment en matière de Gouvernance et de Pilotage afin de garantir la mise en œuvre de la stratégie.
Toutes les parties se sont engagées à créer une instance Nationale de pilotage (Conseil National du Tourisme) et des instances régionales (Agence de Développement Touristique) en charge de la planification et du pilotage des PDRT en concertation avec les acteurs et en soutien aux initiatives locales. Les ADT devaient remplacer à terme les CRT.
Aucune de ses instances n’a vu le jour six ans plus tard et c’est ainsi que la Vision 2020 n’a jamais pu se mettre en œuvre. Comment peut on parler de gouvernance, lorsque les instruments ne sont pas mis en place ? Comment peut on parler de gouvernance, lorsque les moyens ne sont pas mis en place ?
Le Tourisme avec VISION 2020 a été précurseur en matière de régionalisation avancée, les territoires touristiques ne sont pas une utopie, l’échec est à imputer au manque de conviction, au manque d’engagement, au manque de mobilisation et au manque de moyens.
Aujourd’hui, les régions à vocation touristique devraient reprendre à leur compte les chantiers de la vision 2020 dans un partenariat gagnant gagnant avec les professionnels. Je suis convaincu que la reprise des chantiers de la Vision 2020 est plus du ressort de la Région que de la Nation, et c’est aux professionnels de chaque région de se rapprocher de leurs élus et de passer en revue les CPR qui ont été signé et validé en priorisant ce qui doit l’être.
L’Etat devrait venir en accompagnement en donnant sa garantie aux projets qui méritent d’être soutenus au même titre qu’il le fait aujourd’hui au niveau des infrastructures.
Les associations professionnelles devront faire leur mue et montrer leur volonté de se mettre au service de leurs membres. Un rajeunissement et une féminisation des instances dirigeantes sont une nécessité, de même que le bénévolat n’a plus lieu d’être et devrait céder la place à une véritable professionnalisation des cadres.
A partir de là, elles sont en droit d’exiger l’adhésion de tous et de solliciter le soutien financier de l’Etat pour l’action citoyenne qu’elles mènent.
Aujourd’hui des associations reçoivent une aide substantielle de l’Etat pour financer des études, pour proposer des services à leurs membres et les préparer à être compétitifs. C’est le prix à payer pour assumer les accords de libre échange consentis sans avoir, au préalable, préparé les entreprises nationales a une situation léonine.
Ne dit on pas que « Gouverner, c’est prévoir » ?