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Céline Alvarez
L'expérience de trois ans est relatée dans son ouvrage "Les lois naturelles de l'enfant" Ed. Les arènes - septembre 2016
C'est une contribution remarquable à l'innovation pédagogique, interdite en France du fait du quasi-monopole de l'Education Nationale. De telles innovations, rendues possible notamment par le progrès continu des connaissances sur le fonctionnement du cerveau, sont une nécessité absolue, bien au-delà de la maternelle.
Sommaire.
I
Les principes sur lesquels se fonde l'expérience
Bref survol de l'expérience
Les résultats de l'expérience
II
Comportement de la hiérarchie de l'Education Nationale, et suite
III
La pratique pédagogique
Comparaison avec les principes de l'enseignement explicite
Comparaison avec les conseils de Lire-Ecrire pour la maternelle
IV
Conclusions pratiques
I
Les principes sur lesquels se fonde l'expérience.
• Deux sources convergentes : d'une part les principes pédagogiques de Maria Montessori, qui s'inspirait elle-même de certains prédécesseurs, d'autre part, les neurosciences, développées grâce aux IRM du cerveau, et symbolisées en France par le nom de Stanislas Dehaene, dans nous avons sur ce site présenté les ouvrages de vulgarisation.
Comme on le sait, les résultats de l'expérience IRM sont largement compatibles, en matière de lecture, avec la méthode alphabétique, comme avec la pédagogie explicite. Les enseignements quant à l'apprentissage, concordent aussi avec les principes que Maria Montessori a établis, par l'intuition et l'expérience personnelle.
• L'ouvrage de Céline Alvarez comprend de nombreuses références aux travaux de chercheurs français et étrangers. Mais ce n'est pas un ouvrage pour les spécialistes. Ce livre, marqué par les convictions très fortes de l'auteur, est remarquable de clarté et de simplicité.
• Entre la naissance et 5 ans, l'enfant est doté d'une énorme faculté d'apprendre, qui se traduit par l'explosion des connexions entre neurones, d'une part pour le langage, d'autre part pour la construction de l'autonomie.
• C'est par les cinq sens que l'enfant découvre le monde, par l'action, et non par la contemplation passive d'un écran, qui d'ailleurs affaiblit la capacité d'apprendre.
Quand nous voyons un chaton essayer d'attraper une mouche ou courir derrière une balle, nous pensons qu'il joue, alors qu'il apprend à chasser.
Tout cela est pratiqué spontanément par les mères qui peuvent consacrer du temps à leur enfant. Selon la fondatrice des écoles maternelles françaises, Pauline Kergomard, une maîtresse de maternelle devrait être "comme une mère intelligente et attentionnée".
• Enfin, l'enfant est un être social, qui a besoin de nombreux contacts humains. L'enfant apprend mieux lorsqu'il est contact avec des adultes et avec d'autres enfants de tous âges. Il est bien connu que, dans les familles nombreuses, l'entraide des frères et sœurs est bénéfique.
Cela montre aussi l'absurdité des classes par tranche d'âge, absurdité qui, au fil du temps, s'est muée en dogme. Beaucoup de parents se sont entendus dire "votre enfant est trop jeune pour apprendre ceci ou cela".
• L'expérience menée par Céline Alvarez apporte une éclatante confirmation de ces principes.
– Les enfants ont une grande liberté de choix entre les diverses activités qui leur sont proposées.
– La maîtresse intervient peu mais aide – au minimum – les enfants qui ont font la demande.
– Elle a la lourde charge d'observer attentivement chacun de ses élèves, dont elle connaît à tout moment les acquis.
Bref survol de l'expérience.
• Ecole publique de Gennevilliers, en ZEP et "plan violence".
• Une grande salle présente une série d'activités.
Chaque activité demande à l'élève un travail plus ou moins ludique, pour le développement d'une capacité. Chaque activité comprend des exercices gradués en difficulté, gradation compréhensible par les élèves.
Chaque jour, les élèves choisissent leur activité à un certain degré de difficulté. Ils le font parfois contre l'avis de la maîtresse, qui estime l'exercice trop difficile pour eux (et parfois aussi elle se trompe).
Si elle juge trop facile l'activité choisie, elle oriente l'élève.
• Une adjointe à la maîtresse participe pleinement.
• Les 3 sections de maternelle sont réunies dans la même salle (ce regroupement était déjà préconisé par certains enseignants).
• 2011 – 2012 : un groupe d'élèves entrant en petite section, un groupe de moyenne section ayant débuté dans une classe de petite section.
En fin d'année, l'administration autorise des tests créés par CNRS Grenoble.
• 2012 – 2013 : trois sections
Refus par l'administration des tests CNRS. Céline Alvarez procède à des tests "privés" pour les élèves ayant passé 2 ans dans sa classe.
• 2013 – 2014 : Stanislas Dehaene propose des tests dans son laboratoire pour une dizaine d'élèves.
Les résultats de l'expérience.
• Tous les élèves en fin de Grande Section sont "lecteurs".
Les tests montrent une avancée très importante par rapport au résultat moyen des élèves en France ; certains sont au niveau CE1 (et même CE2 pour les maths).
A ce sujet, il faut remarquer que l'école de Gennevilliers ne doit pas être comparée à la moyenne française, mais aux autres écoles placées dans le même environnement social (dont on sait que la majorité des élèves entrant en 6ème ne maîtrise pas la lecture et l'écriture). Cela rend la performance encore plus remarquable.
Notre association a toujours soutenu que les élèves issus de milieux défavorisés et mauvais francophones avaient les mêmes potentiels que les autres, contrairement à une opinion répandue même parmi les enseignants. Le massacre des innocents est bien le fait de l'Education Nationale .
• Les tests IRM montre que le "câblage neuronal" des circuits de lecture est normal, simplement en avance.
II
Comportement de la hiérarchie de l'Education Nationale, et suite.
• 2011 : après un long processus, le directeur de la DGESCO donne son accord à l'expérience, et l'Académie de Versailles choisit Gennevilliers. Diverses associations apportent leur aide financière.
Mais le document confirmant la décision de la DGESCO n'est pas remis à Céline Alvarez.
• Septembre 2012, après le changement de gouvernement, l'idéologie n'a pas encore établi sa suprématie : Vincent Peillon prépare sa "Refondation de l'école".
L'Académie de Versailles autorise les tests du CNRS Grenoble.
• 2013 – 2014, les tests sont interdits par l'Académie de Versailles, sous le prétexte de l'absence de documents certifiant l'accord de la DGESCO. Ce refus a pour conséquence de retirer à l'expérience une validation formelle.
On pourrait qualifier cela d'obscurantisme. Ce comportement est courant à l'Education Nationale, qui autorise des expériences intéressantes mais n'en applique jamais les conclusions. L'idéologie prévaut sur le réel.
Pendant cette année scolaire, "la hiérarchie administrative nous menait la vie dure", la classe était menacée de fermeture.
• Juillet 2014 : Céline Alvarez démissionne de l'Education Nationale.
Par la suite, elle s'adresse directement aux enseignants par son site www.celinealvarez.org .
À l'été 2016, "plus d'un millier d'enseignants s'inspirent déjà (de l'expérience), et 1 700 000 internautes ont consulté son blog".
L'histoire continue …
III
La pratique pédagogique.
Exemple de progression : la lecture.
La progression (dès 2 ans) est la même pour tous les enfants, y compris les mauvaises francophones :
– Identification, discrimination des sons de la langue parlée (phonémique : les sons sont des phonèmes)
– Donner à l'enfant le son des lettres, d'abord sur quelques lettres et groupe de 2 lettres (digrammes on, ou, ch…)
– Donner le symbole graphique des phonèmes par lettres rugueuses en cursive (les deux lettres des digrammes forment pour l'élève un unique symbole graphique)
– L'élève commence à composer des mots avec les lettres mobiles
– Il relit ce qu'il a écrit (entrée dans la lecture)
– Exercices de décodage
– Autour de 4 ans, l'élève est prêt à rentrer dans l'écriture.
Cette progression est rigoureusement alphabétique.
Comparaison avec les principes de l'enseignement explicite.
• L'expérience de Céline Alvarez est explicite : puisque chaque élève choisit ses activités, il sait en permanence ce qu'il a appris et ce qu'il va apprendre.
D'autre part, la gradation des activités fait que chaque élève est, à chaque instant, occupé à un travail ni trop facile ni trop difficile pour lui.
Nota • Dans les classes par groupe d'âges, fortement hétérogènes en niveau, l'enseignant se trouve face à 3 groupes d'élèves : un groupe moyen assez nombreux et assez homogène, pour lequel le maître choisit les nouvelles notions et les exercices ; un groupe d'élèves avancés et un groupe d'élèves lents pour qui le maître doit adapter son enseignement : cela représente une charge très importante, presque impossible si les habitudes de l'Education Nationale imposent le maximum d'hétérogénéité dans chaque classe.
Si le maître parvient à appliquer les principes de l'enseignement explicite, il accroît encore l'hétérogénéité.
Comparaison avec les conseils de Lire–Ecrire pour la maternelle.
Ces conseils sont relatifs aux classes d'âge.
Nous conseillons de consacrer la petite et la moyenne section à l'enseignement oral : prononciation, vocabulaire, familiarisation avec les rudiments de grammaire et de syntaxe.
Seule l'écriture est exclue. Cela n'interdit pas l'emploi de lettres mobiles
IV
Conclusions pratiques.
L'ouvrage de Céline Alvarez, de par sa rédaction claire, simple, assortie d'exemples, s'adresse aussi aux parents qui pourront en tirer de nombreuses applications pratiques. Nous en recommandons la lecture à tous les parents et grands-parents de jeunes enfants.
• L'ouvrage illustre une pratique pédagogique très intéressante, mais nous n'en faisons pas un modèle impératif. Il serait d'ailleurs contre-productif d'imposer telle ou telle pratique. L'avenir est à une floraison d'initiatives, venant d'abord des enseignants eux-mêmes. Mais il est évidemment souhaitable qu'avant d'innover, les maîtres et maîtresses connaissent l'existence des pratiques dont l'efficacité est prouvée par l'expérience.
• Extension dans les maternelles.
Rien n'empêche d'appliquer les principes auxquels se réfère Céline Alvarez.
Cependant les résultats ne seront pas toujours du même niveau. D'abord, parce qu'une expérience unique n'est pas absolument probante, ensuite parce qu'il serait certainement difficile d'égaler en excellence Céline Alvarez. On peut donc s'attendre à des résultats de même nature, mais moins spectaculaires.
En particulier, il ne faut pas considérer comme acquis que, par ces pratiques, tous les élèves soient "lecteurs" en fin de maternelle. Seule une éventuelle extension à un grand nombre de maternelles assortie de tests rigoureux, fiables et constants, permettrait de conclure à ce sujet.
Nota. Le regroupement des trois sections suppose, pour être pleinement efficace, que les élèves suivent les trois années. Actuellement beaucoup de parents préfèrent un début en Grande Section. Cependant, si les effets positifs sur le comportement des élèves – plus calmes, plus sociables, plus constructifs – se manifestaient comme prévu, beaucoup de parents changeraient d'opinion.
Pour les maternelles qui conserveraient les trois sections, la question serait le rapprochement des GS avec les CP, que, avec d'autres, nous préconisons.
• École élémentaire.
Une plus grande efficacité dans la plupart des maternelles ne se traduirait pas forcément par une plus grande homogénéité dans les savoirs à l'entrée en CP.
Il serait donc logique de renoncer aux classes d'âge pour créer des classes de niveau. D'autre part, les regroupements de CE1 et CE2, et de CM1 et CM2, toujours par niveaux, seraient judicieux.
La prise en considération des niveaux de savoirs (en français et en maths) supposerait l'existence d'un ensemble d'examens de conception nationale et d'exécution locale.