« Les injonctions paradoxales »
L’ouverture des foires d’art contemporain au cœur de Paris en ce mois d’octobre favorise la mise en place d’œuvres monumentales dans les espaces publics, pièces soumises au regard de tous ceux qui, peut-être, ne franchiront pas l’entrée d’une manifestation artistique mais qui découvrent ces OFF sans avoir nécessairement recherché leur présence.
Vincent Mauger, Les injonctions paradoxales, 2016 Structure en inox et bois.— Sculpture 700 × 750 × 750 m
Première de toutes, la FIAC, Foire internationale d’art contemporain, investit chaque année l’impressionnante perspective du jardin des Tuileries avec près d’une vingtaine d’artistes parmi lesquels Mircea Cantor, Noël Dolla, Claude Closky, Gloria Friedman.
Une de ces oeuvres, « Les injonctions paradoxales » de Vincent Mauger, impose une présence convaincante. Déjà, lors de la FIAC 2011 « Le théorème des dictateurs » (2009) installé au Jardin des Plantes, et « La somme des hypothèses » (2011) au jardin des Tuileries, révélaient la démarche de Vincent Mauger. Le « Théorème des Dictateurs » emprunte son titre à l’économiste américain Arrow qui a théorisé les rapports entre mathématique et politique. Pour « La somme des hypohèses », la sculpture concrétise la somme des hypothèses émises successivement par l’artiste en amont de sa réalisation. « Les injonctions paradoxales » n’échappent pas à cette « représentation sculpturale d’une perception mentale d’un espace ou d’un objet et met ainsi en concurrence l’objet réel et la tentative de matérialisation d’une perception personnelle associée à celui-ci. » Pour cette dernière création, c’est autour de la notion d’éclosion que l’artiste organise la configuration de la pièce. Cette injonction paradoxale qui consiste à placer une personne entre deux obligations contradictoires, l’une consciente, l’autre non, Vincent Mauger tente de nous la rendre visible, j’allais écrire palpable, mais le OFF de la FIAC ne va pas jusqu’à tolérer cette liberté. Cette matérialisation des contradictions mentales devient possible à la fois avec la structure même de la sculpture et aussi par le positionnement physique du regardeur tout autour de cette œuvre changeante selon le point de vue. Il reste que de ces contraintes, à la fois propos virtuel et obligation technique, naissent cet élan vers l’extérieur, cette éclosion suggérée par l’artiste.
« Dandelion »
C’est dans le cadre de la Yia Art Fair au Carreau Du Temple à Paris que l’œuvre de Luc Lapraye est visible à la mairie du troisième arrondissement. Le «Dent de Lion», ce pissenlit dont les capitules s’envolent et sèment au gré du vent, donne son titre à l’installation composée de jantes de bicyclettes agencées en forme de géode.
« Dandelion » Luc Lapraye 2016
Sans atteindre la démesure du « Forever Bicycles » de Ai Weiwei, dont une variante installée l’an passé au Cent quatre à Paris mobilisait six cent soixante dix vélos horizontaux, le clin d’œil à Duchamp est toujours sous-jacent de même que la forme géodésique de la pièce se prête à toutes les interprétations autour du Cosmos, de l’espace infini ou microscopique, de l’évocation de la terre pour sa symbolique protectrice quasi-utérine. Mais, en parallèle avec l’œuvre de Vincent Mauger, c’est au pied de la lettre de ce « Dent de Lion » que l’installation peut être lue, avec cette capacité émissive de la plante, cette stratégie naturelle exemplaire qui la rend apte à disséminer la vie dans l’espace environnant. Entre l’éclosion physique et mentale suggérée par Vincent Mauger et la dissémination du Dent de Lion, stratégie dont se sert Luc Lapraye, c’est tout le OFF des foires d’art contemporain qui sème à tous vents, dispersant au gré des regards non avertis les questionnements sur leur présence même dans ces lieux, imposant par leur présence la redéfinition d’un art public contemporain.
Photos de l’auteur.
« Les injonctions paradoxales » 2016
Vincent Mauger
Œuvre réalisée grâce au soutien de la fondation François Pinault
Présentée par la Galerie Bertrand Grimont, Paris
Jardin des Tuileries Paris
Dandelion
Luc Lapraye
Présenté par la galerie Laure Roynette Paris
Mairie de Paris 3eme