Par Laurent Pfaadt
Il y a deux ans, Jeremy Rifkin, dans son ouvrage, le Rêve européen, estimait que l'Europe était devenue un modèle pour le monde entier, un lieu d'expériences sans égales promis à un avenir radieux qui susciterait l'admiration de tous les peuples. Depuis cette date et les refus français, néerlandais et irlandais, le rêve est devenu cauchemar, l'espoir s'est transformé en inquiétude. Pourquoi en est-on arrivé là ?
Je crois qu'aujourd'hui l'Europe ne fait malheureusement rêver que ceux qui n'y vivent pas. A tort car, malgré ses imperfections économiques et sociales, c'est l'endroit du monde où on vit le mieux. On y meure plus de faim, on meurt encore de froid même dans des proportions minimes comparées aux autres continents et surtout, nous vivons en paix. Le rêve européen des pères fondateurs a été réalisé car l'Europe a banni, pour l'instant, la guerre de son sol et continue de la bannir, comme le montre les récents évènements au Kosovo.
Même si le rêve est devenu ce cauchemar apparent depuis deux ans, les signes de ce changement sont perceptibles depuis près d'une dizaine d'années. Personne ne peut jeter la pierre à quiconque car la responsabilité est l'affaire de tous. Des peuples européens qui se sont laissés abusés par les propos démagogues de leurs responsables politiques élus selon des critères nationaux et non européens mais toujours prêts à voir dans l'Europe, le bouc-émissaire idéal sans se souvenir de l'euro, de la fin des crises économiques ou de Schengen. Des gouvernements nationaux surtout, qui se sont livrés à une danse européenne contradictoire, maniant l'anathème et l'encensoir en permanence.
Division des Européens à propos de l'Irak, construction d'une défense européenne sous le parapluie de l'OTAN, utilisation à la carte du pacte de stabilité, ces exemples rapides démontrent la volonté des Européens de demeurer fidèles à l'Etat-nation et de ne pas s'engager dans une volonté de construction d'une Europe puissance qui suppose le renoncement à certaines prérogatives dites régaliennes.
Les Européens ont préféré s'arrêter à mi-chemin pour ménager les uns et les autres et ce choix a été catastrophique car cela donne des instances dirigeantes composées du président du conseil européen, du haut représentant pour la politique de sécurité commune, du président de la commission européenne, du président de l'Eurogroupe et de la présidence tournante de l'Union. La question d'Henri Kissinger, « l'Europe, quel numéro ? » reste malheureusement toujours d'actualité...
Responsabilité enfin de Bruxelles. Jamais, les institutions européennes n'ont tenté d'expliquer leurs actions aux citoyens dans un langage compréhensible. La constitution européenne avait notamment été rejetée parce qu'elle était trop compliquée. Soit. Mais quelle fut l'une des raisons du non irlandais au traité simplifié ? La complexité du texte. Il n'avait donc de simplifié que le nom. Cette Europe technocratique n'a plus fait rêvé mais progressivement, elle a inquiété car comme toute chose, ce qui est incompréhensible et étranger fait peur et suscite la méfiance et finalement le rejet.
En dépit des considérations nationales qui ont certes compté dans le vote des électeurs français, néerlandais et irlandais, sans être pour autant prédominants, les électeurs n'ont jamais cru dans le message des partisans du oui, trop peu convaincants car trop peu convaincus et cohérents. Les propos du président Sarkozy de vouloir faire revoter l'Irlande en est l'illustration la plus parfaite de cette incohérence européenne, en plus d'être une insulte au principe démocratique.
Il est peut-être difficile d'admettre que le rêve européen s'est achevé car nombreux sont ceux, moi y compris, à vouloir ce parachèvement politique et à poursuivre la marche en avant d'une Europe du progrès et de la raison c'est bien souvent lorsque les choses s'effondrent que l'on se rend compte de leur fragilité.
L'erreur a été de croire que tous les gouvernements européens et tous les peuples européens étaient du même avis que ces idéalistes. Une question se pose aujourd'hui : doit-on s'arrêter et fonctionner ainsi ou doit-on s'obstiner à avancer tels les pères fondateurs d'il y a cinquante ans, au risque de décrédibiliser complètement l'idée européenne ? Une question désormais sans réponse...
Laurent Pfaadt
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