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Douche de symboles & lavage de cerveau : on a rejoint la secte Bon Iver

Publié le 19 octobre 2016 par Le Limonadier @LeLimonadier
Le Brésil du turfu, c'est BROOKZILL!

Cet article écrit à quatre mains peut se voir comme le manifeste Bon Ivérien de deux représentants de la FFL (Frange Fragile du Limonadier) : Mathilde la jeune popeuse pleine d’avenir qui aime salir ses vans en pratiquant le pogo les avant-bras serrés sur le cœur, et Jean Calin le trentenaire un peu chéper qui aime aussi les pogos mais se retrouve la plupart du temps à manger de la soupe en écoutant Bon Iver.


Justin Vernon revient avec un nouvel album de Bon Iver, et on ne va pas vous la faire hein ? On se doute que si vous êtes tombés sur cet article, vous faites partie de la catégorie de personnes qui lisent des choses sur la musique. Et vous l’avez donc constaté : tout le monde parle de ce disque.

Le truc c’est qu’on se le fourre quotidiennement dans les oreilles depuis sa sortie, et qu’il fallait bien qu’on y mette les quelques mots qui nous viennent pendant ces écoutes presque religieuses. Enfin, ne parlons pas de religion dans ce cas là, mais plutôt de lavage de cerveau. On y vient.

D’abord précisons que nous parlons bien d’un mec qui arrive à concilier les folkeux, les popeux, les stars du Rn’B (coucou Kanye) et ses fans, et même les gens qui n’écoutent pas beaucoup de nouveautés, mais qui semblent trouver dans les disques de Bon Iver un événement assez important pour s’y ruer comme des moucherons autour d’une lampe de camping dans une forêt canadienne.

C’est qu’en constant développement artistique, ce garçon vieillissant et sensible du Wisconsin a été fort occupé, voire un peu trop ces derniers temps. Il a en effet sorti un album de son autre groupe Volcano Choir, remis sa casquette de producteur, bossé avec les frères Dessner sur des projets de musique contemporaine (ils sont passés d’ailleurs à la Philharmonie récemment), fricoté avec Colin Stetson et même monté un mini festival avec ses copains à Berlin (Michel Berger Music, oui oui). Alors qu’en est-il de Bon Iver dans tout ça ? Ben ce nouveau projet 22, A Million, troisième effort de la persona initialement folk du bonhomme, qui lui fait prendre des chemins de traverses électroniques. Chemins escarpés autant que balisés, car la réinvention par l’expérimentation semble être désormais un passage obligé pour beaucoup (de Radiohead à Sufjan Stevens en passant par Miley Cyrus).

Un album clairement étonnant, et qui fait donc autant parler de lui qu’il semble diviser les fans et la critique. Rien à voir avec le premier opus de folk fragile au cœur brisé, peu semblable au deuxième disque qui flirtait déjà plus avec l’electronica, et un certain kitsch. Des saxos à la Phil Collins de « Beth/Rest », aux saxos triturés de Colin Stetson, il n’y a donc qu’un disque.

Le projet 22, A Million germe depuis un bout de temps déjà. Il s’agit d’un objet un peu hybride créé en étroite collaboration avec Eric Timothy Carlson. L’artiste plasticien a imaginé tout le symbolisme autour de ce disque qui tient clairement du concept-album. Ça y est le gros mot est lâché. Oui, c’est un projet qui tient en soi et pour soi, s’ouvrant sur « 22 (OVER S∞∞N) » et se refermant sur « 00000 Million » : la boucle est (dé)bouclée. Et dès la première écoute, on a bien été obligé de faire un choix : adhérer ou non au projet du prince de l’indiestan (le roi restant Sufjan Stevens évidemment).

Car avec ce troisième disque, c’est la révolution des machines, des effets numériques à la pointe, des blip blop et du vocoder. Les racines folk sont toujours présentes mais en dilettante. Même s’il peut paraître effrayant au premier abord, on a bien affaire là à un blockbuster de la pop électronique sensible. Et non, nous ne sommes pas vraiment ici en présence de morceaux à la complexité mélodique folle. Ces 10 titres bizarroïdes peuvent plutôt être abordés comme de petits moments mélodiques très bien trouvés, beaux et naïfs, à la Bon Iver quoi, mais qui ont étés pimpés, étendus, fondus, compressés, aérés par une construction et une technique qui, elle, s’avère plus complexe.

Complexité vaine pour certains détracteurs, mais que l’on trouve nous assez efficace et qui nous donne en tout cas envie d’y revenir constamment. Une sorte de la(r)me de fond électronique, aussi subtile que poussive. Le lavage de cerveau précédemment abordé commence…

L’artiste semble s’être demandé comment continuer à retranscrire des émotions “pures” quand on est adulé et victime des affres de la médiatisation, du marketing, des clones à casquette que l’on a fait naître… sans tomber dans le cynisme triste. Et bien : avec une musique contradictoire, qui se cherche dans ses textures, dans son épure, son foisonnement, ses trouvailles sonores, ses mélodies d’expert ès mélancolie, ses gimmicks sonores aléatoires qui reviennent toujours au bon moment pour nous faire fondre le cœur…

Oui, on peut dire que l’on fait désormais partie de cette drôle et immense secte humanoïde des fans de Bon Iver. On s’amuse à décoder les énigmes, les signes, les codes du marketing de l’album, à trouver des réponses à des questions qu’on ne se pose pas vraiment, on s’achète une barbe et on se laisse pousser la casquette… Mais on est surtout comblé par ces morceaux finalement plus sincères que mystérieux, et qui parviennent à mettre d’accord des auditeurs fort différents.

Comme vous pouvez le constater, on a renoncé à analyser les morceaux un par un, tant l’album est une construction autonome qui fonctionne en cercle fermé. On vous laisse donc le (re)découvrir au travers de ces lyrics vidéos cryptiques à souhait. Suivez notre gourou, il est gentil et ne vous demande pas d’argent :

Bon Iver 22, A Million

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Mathilde

Chroniqueuse et petites mains des partenariats sur l'Internet. En magistère dans la vraie vie.
Pop, folk, rock et indies, la monomanie à tous les étages. Team chatons tristes.
Gin & Tonic, simple et efficace.
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