Magazine Culture

Mamadou Mahmoud N'Dongo : Golda Kane

Par Gangoueus @lareus
Mamadou Mahmoud N'Dongo : Golda KaneLa relation que l'on entretient avec le travail d'un écrivain peut être faite de hauts et de bas. Je suis depuis quelques années le travail de Mamadou Mahmoud N’Dongo et c’est avec intérêt que j’entre dans son univers singulier. Il est en effet un des rares romanciers ayant des origines africaines a plongé un regard de l’intérieur sur la société française. J’aime cette liberté, cette intrusion même si le terme pourrait paraître excessif.
Naturellement, quand on commence une chronique littéraire de cette manière, c’est qu’on veut justifier quelque chose, une posture, une incompréhension. Pensez ce que vous voulez, lisez entre les lignes de mes mains. Ce que je peux dire c’est que la lecture du nouveau roman de Mamadou Mahmoud N’Dongo n’est pas simple et j’essaierai dans cette chronique d’expliquer les difficultés que j’ai rencontrées dans l’abord de ce livre.

La trame

Un homme s’est suicidé. Leib Kane. Il est. Il fut un pianiste talentueux. Au conservatoire de musique, le regard que portait sur lui certains de ces professeurs était annonciateur d’une perle, d’un artiste talentueux en devenir. C’est une étudiante, une journaliste, une amante allemande, Eliane Hass, qui raconte le jeune homme. Elle raconte ses derniers jours aussi à Rokhaya, la soeur de Leib. Elle parle en particulier de Golda Kane, la mère de Leib et de Rokhaya. C'est dans le cadre d'un travail sur Golda qu'elle rencontre Leib. Il s’agit d’un texte avec plusieurs voix dont celles d’Eliane Hass, de Leib,  les interventions de Rokhaya et en arrière la figure terrifiante de Golda.


L’ogre, figure récurrente

Quand on lit certains romans de Mamadou Mahmoud N’Dongo, la figure castratrice d’un parent trop imposant est récurrente. Il est intéressant d’observer sous quelle forme elle va s’exprimer. Par exemple, dans le roman Remington qui est des textes que j’ai le plus apprécié de N’Dongo, la figure dominante du grand père écrase toute sa filiation. Un homme imposant par l’impact de sa reconnaissance internationale et la surestime de soi. Dans Les corps intermédiaires, il s’agit d’une approche différente puisqu’elle prend la forme d’une mère peu maternante qui hait son fils pour avoir « détruit » le corps de la belle femme qu’elle fut. Dans Golda Kane, l’ogresse dévore son enfant une nouvelle fois. La traduction de son infanticide est certes différente, plus complexe que Les Corps intermédiaires. Golda Kane est une éminente pédopsychiatre qui expérimente sur ses enfants de nouvelles approches « éducatives » . Il est  très difficile de ne pas penser à Françoise Dolto et son fils Carlos. Toutefois Leib a plus de contenance, plus de talent et malheureusement moins d'ouverture au monde que Carlos.


Leib

Mamadou Mahmoud N'Dongo : Golda Kane

Copyright Ameziane HDB

Ce livre raconte avant tout un processus d’auto-destruction. Une mécanique programmée de longue date dont ce personnage qui aurait pu devenir un prodige finit par exécuter dans sa forme la plus morbide. Leib raconte sa faillite dans un journal intime qu’Eliane Hass prend soin de protéger. Je pense que la grande réussite de ce roman est dans la froideur glaciale parfois antipathique de ce personnage. Sa fermeture au monde. C’est, en repensant au texte, assez troublant. Naturellement, Leib porte un regard très singulier sur le monde qui l'entoure. Il est complexe dans ses contradictions en essayant de rompre symboliquement avec l'héritage de sa mère ne serait-ce qu'en affirmant la prononciation peule du nom Kane là où sa mère choisie une forme plus anglo-saxonne de lecture de son nom. Et il est le seule cependant à poursuivre, à entretenir cette relation toxique.


Réserves


Mamadou Mahmoud N’Dongo propose là un nouveau texte exigeant ne peut être lu sans tenir compte de l'ensemble de son travail. Il pousse plus loin la forme épurée de son écriture pour porter le discours de Leib dans son bloc-notes. Et l'une des difficultés pour le lecteur est finalement de lire trop rapidement ces phrases, ces sentences de Leib. Personnellement, la forme du texte m'a rendu inattentif à de nombreuses balises pourtant placées par le romancier. Bien placées? On peut en discuter. J'ai donc eu du mal avec ce nouveau roman de Mamadou Mahmoud N'Dongo qui en plus ne laisse que très peu de places pour une forme d'empathie pour les voix s'exprimant dans Golda Kane.
Mamadou Mahmoud N'Dongo, Golda KaneEditions Gallimard, première parution en 2016

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines