Attention, Attention....
Top !
. " Le courage donne ce que la beauté refuse " était ma devise car j'étais réputé laid au point que ma mère ne pouvait me regarder sans répugnance...
. Les anglais étaient ma bête noire...
. Mes faits d'armes pour la France, en tant que simple soldat ou chevalier sont légions...
. Je suis une des grandes figures de la guerre de cent ans...
. Pourtant j'ai commencé ma carrière comme petit brigand dans la foret de Brocéliande où je détroussais les anglais, ce qui me valut mon célèbre surnom : " Le Dogue noir de Brocéliande "
. Le 02 Octobre 1370, moi qui me suis toujours battu à la hache, je reçois des mains du roi Charles V l'épée d'or de grand Connétable de France...
Je suis... Je suis....
Eh oui !
Je suis Bertrand Du Guesclin !
Ou plutôt, j'étais Bertrand Du Guesclin car en ce 13 juillet 1380, je viens de mourir à l'âge de 60 ans lors du siège de Chateauneuf-de-Randon que j'étais à " ça " de remporter...
Chienne de vie !
Depuis le mois de juin, Du Guesclin tient effectivement en état de siège le Château de Randon, en Lozère, aux cotés du maréchal de Sancerre, afin de reprendre la place forte aux grandes Compagnies Franches qui l'occupent et qui passent leurs temps à tuer les villageois alentours et à piller(ce qui est très mal, même au moyen-age)
A plusieurs reprises, il lance l'assaut avec violence sans jamais réussir à pénétrer dans la place, mais il en faut plus pour décourager Bertrand.
Sentant bien qu'il ne va pas tenir longtemps à ce rythme, le gouverneur de Randon promet alors de se rendre si, sous 15 jours, des renforts anglais ne viennent pas le secourir.
Il viendra en personne déposer les clefs de la forteresse à Du Guesclin.
Mais durant cette négociation, Du Guesclin tombe malade au point qu'en vérité, c'est le Maréchal de Sancerre qui mène les tractations, prétextant l'orgueil irrité du connétable de France pour justifier son absence à la table des négociations.
Aucune source n'explique vraiment quels furent les symptômes de Du Guesclin : on parle indistinctement de " maladie " ou de " fièvre ".
La rumeur populaire s'empare alors de cette mort bien mystérieuse, l'attribuant à une dysenterie due à une trop forte consommation d'eau glacée de la fontaine de Cloze (ou Glauze) en cet été caniculaire 1380.
Aujourd'hui ça prête à sourire mais souvenez-vous qu'à l'époque, on porte côte de mailles et plaques de métal sur le corps : ça faisait quand même un peu étuve là dedans !
Mauvais virus ou grosse diarrhée, toujours est-il que Bertrand du Guesclin meurt le jour même de la fin de la trêve des 15 jours, le 13 Juillet 1380.
Chienne de Vie !
Par écrit testamentaire, Du Guesclin avait souhaité que son corps repose en sa terre natale de Bretagne auprès de sa femme Tiphaine Raguenel (enterrée dans l'église des Jacobins de Dinan).
Il faut donc organiser rapidement le rapatriement du corps parce que la Bretagne c'est pas la porte à coté et qu'il fait chaud.
Mais après une soixantaine de kilomètres, le cortège funéraire s'arrête au Puy en Velay.
On procède alors à l'embaumement du corps qui est triparti selon la tradition(je rappelle : tripartir veut dire qu'on sépare le corps, des entrailles et du coeur).
Les entrailles de Du Guesclin sont alors inhumées sous l'autel de l'église du couvent des dominicains : l'église Saint-Laurent du Puy.
Le cortège reprend la route mais arrivé à Monferrand (environ 130km plus loin), il est contraint de faire une nouvelle halte sanitaire.
Une quantité astronomique de mouches suivent la procession depuis plusieurs kilomètres déjà et l'odeur est devenue insoutenable.
Force est de constater que l'embaumement a échoué.
Est ce du à une mauvaise manipulation des praticiens ? A la trop forte chaleur ? Nul ne sait...
Mais il faut urgemment solutionner le problème sinon Du Guesclin n'atteindra jamais Dinan autrement que grouillant d'asticots.
Il est alors décidé de procéder au " Mos Teutonicus ", une technique d'excarnation teutonne qui consiste à faire bouillir le corps dans du vin épicé pour détacher les muscles du squelette.
Les chairs, bien cuites et parfaitement assaisonnées, sont inhumées au Couvent des Cordeliers de Montferrand et le cortège funéraire peut repartir avec les os et le cœur du Connétable.
Normalement, plus rien de devrait les arrêter avant Dinan...
Sauf peut-être le Roi !
Même dans la mort ils ne sauraient être séparés et ça tombe bien : Charles V est justement en train de faire construire sa future sépulture dans la nécropole royale de Saint Denis.
Il fait alors aménager une niche aux pieds de son tombeau afin qu'y soient déposés les os de Bertrand Du Guesclin, passant outre les dernières volontés de son fidèle bras armé(mais il s'en fout Charles, il est Roi et puis après tout, il risque pas de râler Bertrand !)
Le cortège funéraire est intercepté au Mans et le squelette de Du Guesclin rapatrié vers la capitale afin qu'on puisse lui organiser des funérailles solennelles et l'inhumer en Saint Denis, bien que Du Guesclin n'ai jamais appartenu à la famille royale.
Pour l'anecdote, Charles V mourant 2 mois plus tard, il ne pourra jamais procéder lui-même aux funérailles de Du Guesclin.
Grandement allégé, le cortège atteint enfin Dinan où le coeur du Connétable est déposé sous une dalle au couvent des Jacobins avant, en 1810 d'être transférées dans l'église Saint-Sauveur de Dinan.
Chienne de mort !
Pour finir, sachez qu'aujourd'hui seules 3 des 4 sépultures de Bertrand Du Guesclin sont encore visibles.
Ou plutôt une sépulture, un cardiotaphe et un cénotaphe.
En effet, le tombeau des chairs bouillies disparut avec l'église de Montferrand au moment de la Révolution tandis que les tombeaux de Saint Denis, qui n'échappèrent pas à la grande vague de profanations de 1793, furent remplacés par des cénotaphes.
(clique sur le bouton pour lire un article sur les profanations révolutionnaires des sépultures royales de 1793)
Mais Bertrand Du Guesclin reste très probablement le seul défunt au monde à avoir possédé 4 tombeaux.