« Paraciels » 2016 Nicolas Tourte
Drag and Drop
Pour Drag and Drop, sa deuxième exposition personnelle à la galerie Laure Ronette à Paris, Nicolas Tourte met en situation une recherche passant par les potentialités de l’image fixe et de l’image animée. La réalisation d’un photomontage dédié à un assemblage de strates d’un paysage occupe tout un pan de la galerie. Mais là encore, comme dans la première exposition de l’artiste où lors de la découverte de « Coriolis Infinitus » en 2015 à l’occasion d’une exposition collective de cette même galerie, c’est l’usage de la projection qui donne, me semble-t-il, à son travail une spécificité rare. Et c’est au sous-sol de la galerie que cette expérimentation de l’image projetée atteint une séduisante forme de magie. Après le « Paraciel » de 2010, c’est ici l’installation de quatre exemplaires de cette œuvre qui occupe le petit espace plongé dans l’obscurité.
Réflection
A côté d’autres pratiques historiques connues de la vidéo et déjà évoquées (Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière), celle de Nicolas Tourte introduit une notion nouvelle. La projection vidéo, fixe ou animée, n’a pas seulement vocation à matérialiser une image, elle engendre la création d’un élément d’une nature inédite : ni écran neutre assujetti à la « réflection » d’une création extérieure ni objet asservissant par sa nature physique la projection d’un flux lumineux.
« Trois bandes » 2016 Nixcolas Tourte
Cet objet (parapluie, livre, bandes matérielle…) accède à un statut hybride à travers lequel son existence physique s’estompe tout en délimitant les contours d’un phénomène nouveau pour lequel il faudrait inventer un nom. Et cet objet, au départ identifiable pour sa fonction connue, s’élève au rang de spectre, de chimère, chacune de ces appellations ne suffisant pas pour cerner la spécificité de cette création dont la poésie nous touche dès la première vision. Chaque Paraciel n’est ni un parapluie ni une image du ciel, il est devenu un « moment » dans l’approche d’un irréel que n’aurait pas désavoué, je pense, un Magritte conquis par la vidéoprojection. (D’autres que lui y ont d’ailleurs pensé en créant un Parapluie Sky Magritte que diffuse le MoMA).
Les « Trois bandes » pourtant bien concrètes et fixées au mur de la galerie s’effacent au bénéfice d’une vision éthérée, immatérielle quand la projection vidéo opère la mutation de cet objet neutre. Chaque réalisation de ce type engendre la même illusion comme en témoigne « Passage » (2016), magnifique pièce non présente dans cette exposition.
« Passage » 2016 Nicolas Tourte (Cliquer sur l’image pour accéder à la vidéo)
Cette fois encore la fantasmagorie nait de la conjugaison des éléments mis en présence : pour ce qui fut un livre, l’ondulation des pages se fond avec le ressac des vagues projetées sur le plan, la tranche centrale de l’ouvrage devenant maelström dans lequel naissent et disparaissent les remous de cette mer en mouvement.
Le jeu auquel se livre Nicolas Tourte, avec cette osmose poétique révélée par le fusionnement des éléments matériels et immatériels mis en œuvre, offre alors des perspectives infinies dont il nous livre ici les premiers prototypes. Nul doute que d’autres créations viendront jalonner la route tracée avec cette approche très personnelle de l’outil audiovisuel, cette vidéo buissonnière d’un artiste décidé à jouer dans la cour des mirages.
Photos: Nicolas Tourte, galerie Laure Roynette
Nicolas TOURTE « Drag and Drop »
Commissaire Renato Casciani
12 octobre, 13 novembre 2016
Galerie Laure Roynette
20 rue de Torigny
75003 Paris