Quatrième de Couverture
La lettre est arrivée par la poste. Manifestement, l’auteur – un inconnu qui signe ABC – est un peu agacé par l’insupportable fatuité d’Hercule Poirot : « Monsieur le malin, l’énigme que vous aurez à résoudre vous donnera du fil à retordre. Cela se passera le 21 à Andover… »
Poirot qui a décidé de ne s’occuper désormais que de « la crème des crimes » n’a plus qu’à attendre. Et le jour dit, à Andover, le crime a lieu ; mais la victime en est une modeste buraliste, assassinée tout bonnement dans sa boutique, et tout semble accuser le mari, ivrogne notoire et homme violent.
Mais rien n’est jamais si simple. Et d’abord, qui est ce mystérieux ABC ?
Mon avis
Le capitaine Hastings est en Angleterre pour six mois, le temps de régler quelques affaires. Evidemment, il espère pouvoir occuper son temps avec son ami Hercule Poirot : une enquête abracadabrante serait parfaite pour cela. Et son vœu est exaucé quand Hercule Poirot reçoit une mystérieuse lettre. La série de meurtres sur laquelle ils enquêtent est étrange, déroutante. Rien ne relie les victimes, aucune logique dans le mode opératoire ou la victimologie ne transparait. De quoi ravir Poirot et Hastings, pour sûr !
A.B.C. contre Poirot est mon tout premier Agatha Christie et je dois dire que je suis ravie d’avoir enfin poussé la porte de son univers. Elle dépose çà et là des éléments clés pour l’enquête qu’on ne retient pas immédiatement, comme ses personnages. Nous avons en main toutes les informations qui s’offrent à nos enquêteurs et nous essayons de les assembler sans jamais réussir à trouver l’exacte combinaison. J’ai réellement apprécié découvrir des indices, douter sur certains points mais sans jamais toucher du doigt la vérité : je me suis triturer les méninges, je me posais les bonnes questions mais je ne trouvais pas les bonnes réponses. C’est terriblement plaisant de se laisser complètement surprendre à la fin, une fois le voile levé. L’explication était un peu tirée par les cheveux mais, clairement, elle n’était pas incohérente avec tout ce qu’on pouvait lire de l’enquête : certains ouvrages policiers cherchent à surprendre avec des explications sortis de nulle part. Chez Agatha Christie, l’explication est alambiquée mais elle est parfaitement en accord avec tous les éléments disséminés au cœur des pages du livre.
J’ai particulièrement apprécié l’humour mi-anglais, mi-belge et les personnages. Poirot est un comique, à sa manière. Si ses blagues ne font pas toujours rire ses interlocuteurs, cela ne semble pas le déstabiliser le moins du monde et c’est ce que j’aime chez lui. Hastings joue parfaitement son rôle : le type qui cherche à assembler les éléments entre eux, sur qui Poirot a toujours trois tours d’avance et qui ne comprend pas toujours où son ami veut en venir. Hastings, c’est nous : le lecteur qui essaie de démêler le vrai du faux, qui touche du doigt la solution sans parvenir à tout relier et qui a besoin de l’esprit aiguisé de Poirot pour enfin comprendre le pourquoi du comment. C’est très habile de la part d’Agatha Christie de nous faire fusionner avec son narrateur. N’étant pas une habituée du genre policier, je ne sais pas si cette méthode se pratique beaucoup mais je n’en ai pas eu l’impression dans les quelques ouvrages du genre que j’ai lus.
Enfin, le style d’Agatha Christie est juste parfait pour l’histoire. J’ai juste eu un peu de mal vers la moitié de l’histoire avec les répétitions incessantes sur le profil supposé du tueur. Les choses sont répétées inlassablement. Ces répétitions font intégralement partie de l’enquête et elles ont eu l’effet escompté : fatiguer le lecteur sur ce profil pour le forcer à voir plus loin. Au final, c’est un point négatif qui est en fait positif. Du grand art.
J’ai enfin pu comprendre pourquoi Agatha Christie était aussi célèbre dans le milieu du roman policier et pourquoi ses bouquins se sont vendus à millions à travers le monde. Il est certain que je ne m’arrêterai pas à cette enquête et que je pousserai la porte d’autres mystères.