#Chapal #Montreuil
Auteur: Gilbert Schoon http://www.montreuil.fr/outils/actualite-economique/article/chapal-et-peaux-de-lapins-de-latelier-montreuillois-a-la-multinationale/
Le Parisien
15 octobre 2016
Montreuil, le 29 mai. Jean-François Bardinon est le descendant de la famille Chapal, maintenant reconvertie dans le prêt à porter de luxe. Il dessine des modèles pour son entreprise, et accueille une soixantaine d'artistes dans l'ancienne usine.
C'est un endroit étonnant dont la ville de Montreuil a le secret : une ancienne tannerie transformée en atelier d'artistes. Bienvenue à l'usine Chapal, l'enfer des lapins autrefois, l'Eden des peintres, sculpteurs et autres créateurs de talent aujourd'hui. Cette métamorphose est liée à la volonté d'un homme, Jean-François Bardinon, propriétaire du site, qui a tout fait pour le préserver et le renouveler.
Difficile d'imaginer que derrière ces lourdes portes en métal règne une frénésie artistique. L'usine en brique a en effet conservé tous ses attributs industriels : de grandes verrières, de longs couloirs, des vieux monte-charge... Il a donc fallu une sacrée dose d'imagination pour anticiper une telle reconversion. « Je ne vous cacherais pas que les actionnaires n'ont pas bondi de joie quand j'ai présenté mon projet, se souvient, amusé, Jean-François Bardinon. Mais je ne pouvais me résoudre à voir disparaître ce bâtiment, un héritage dont je suis le gardien. »
Après 90 ans d'intense activité, la tannerie de Montreuil a commencé à décliner. La famille Chapal, dont Jean-François est le représentant de la 7e génération, s'est installée dans la commune en 1880. Sur le site, jusqu'à 2000 ouvriers ont été employés pour fabriquer des fourrures en lapin. « Cette usine fait vraiment partie de l'histoire de Montreuil, souligne le propriétaire. Ma grand-mère me racontait comment Georges Méliès est venu tourner, dans l'usine, un documentaire sur le tannage de la peau de lapin, c'est dire si, déjà à l'époque, de grands artistes ont fréquenté les lieux. »
Mais la désindustrialisation progressive du pays combinée à une demande en baisse condamne progressivement le site. Ainsi en 1960, Chapal employait 4 000 ouvriers en France et aux Etats-Unis. En 2010, ils ne sont plus que 40. Entre 1970 et 1990, l'usine de Montreuil ne sert plus qu'à stocker des peaux... Et encore, de moins en moins. Il fallait donc réinventer le lieu sous peine de le voir disparaître. « Je dessine moi-même des modèles puisque maintenant Chapal fait du prêt à porter de luxe et je voulais donc des gens qui me ressemblent, analyse Jean-François Bardinon. D'où l'idée d'attirer des artistes ici. » Il passe ses week-ends à aménager les lieux puis finit par embaucher des gens pour le faire. Il passe une annonce dans la presse et, après, laisse le bouche à oreille faire son travail. « Je recevais les candidats et les écoutais car pour moi, l'humain est fondamental, je voulais des gens qui partagent mes valeurs », insiste-t-il.
Aujourd'hui près d'une soixantaine d'artistes ont investi les lieux. Brigitte Thiot, sculptrice, fut l'une des premières à s'installer en 1996. « J'ai eu une commande de plus de 3 m de haut que je ne pouvais faire dans mon atelier parisien de 30 m2, détaille-t-elle. Ici, j'ai pu enfin faire de grandes pièces. C'est calme, lumineux et on profite aussi de l'avis d'autres pros ». Antoine Bénard, peintre, est arrivé un an plus tard. « Avant, j'étais dans une zone industrielle à Vitry (Val-de-Marne), insalubre, sans hygiène alors ici, forcément c'est le paradis, sourit-il. Dans mon atelier, je n'ai plus honte d'accueillir des clients. » Bref, l'usine d'artistes va continuer de tourner à plein régime.
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