Il y a dans cette accroche de la chanson de Dylan, tout un horizon qui ramène loin en arrière (" sentiers picotés par les blés " de Rimbaud, " feuilles d'herbe " de Whitman, routes poussiéreuses de Kérouac tout autour de la grande Amérique...) Et en même temps, au-dessus de l'immense sac à dos brinquebalant dans la lumière du couchant, au-dessus de l'ombre de guitare accrochée à l'épaule et sur la pointe des angles d'harmonica vissé aux lèvres, flotte autour du nom de Dylan un parfum d'éternité.
Yes, 'n' how many times can a man turn his head,Eternel vague à l'âme que dépose la poudre légère des chansons, lancinant questionnement... Eternel recommencement du dessin sur le sable : le petit garçon qui se construit, l'homme qui n'en finit pas de se construire en son château... The answer, my friend, is blowin' in the wind (...) " You will be a man my son "... C'est le vieux cours d'anglais qui revient à la mémoire...
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly before they're forever banned ?...
Yes, 'n' how many years can some people exist , before they're allowed to be free ?...Les vieilles idoles du prof d'anglais, Beatles, Doors, Pink Floyd et " If "... Tout le poème de Rudyard Kipling appris par cœur cette année-là...
" If " continue de s'écrire, fredonné dans le fond de la conscience par un poète à la voix nasillarde, à la fois plaisante et ironique, quasi grinçante. Et en même temps que " blowin in the wind ", je me souviens de " Dust in the wind "... " Just a drop of water in an endless sea... "
Toute littérature ne s'écrit d'abord que sur du sable. Les disques de Dylan continuent de tourner, disques de soleil dans les yeux et les microsillons de la mémoire. Avec Dylan, d'autres poètes, romanciers, chanteurs troubadours marchent sur la dune. Brel, Brassens, Ferré, Gainsbourg. Quelques autres encore... Ils marchent avec le vent et le sable se soulève doucement. Poèmes, romans, chansons, notes de musique palimpsestes, pans entiers de la mémoire. Pierre chaude au creux des dunes, just a rolling stone !