Les reconduites à la frontière sont en hausse de 80%

Cette très forte augmentation qui porte sur les cinq premiers mois de 2008, pendant lesquels 14.660 expulsions et départs volontaires ont eu lieu, a été annoncée par Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration, qui dressait le bilan de son action.
Avec 14.660 expulsions sur les cinq premiers mois de 2008, les reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière ont enregistré une hausse de 80%, par rapport à la même période en 2007, selon les chiffres publiés jeudi 19 juin par le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. "Nous parvenons à mieux maîtriser les flux", a lancé le ministre lors d'une conférence de presse, où il présentait le bilan de son action, un an après la création de son ministère. Cette hausse de 80% représente 14.660 expulsions et départs volontaires des cinq premiers mois de 2008, alors que l'objectif de l'année est de 26.000 reconduites. L'an dernier, la France avait expulsé moins de 24.000 personnes.
De juin 2007 à mai 2008, il y a eu 29.729 reconduites à la frontière, soit une augmentation de 31% par rapport à la même période en 2006-2007, selon les chiffres du ministère.
Cette hausse en masque une autre, celle des retours volontaires, qui représentent désormais 38% des reconduites et ont progressé de... 374% si on compare les douze derniers mois (juin 2007 à mai 2008) à l'année précédente. "Nombre d'étrangers en situation clandestine comprennent les règles qui sont les nôtres", a-t-il assuré pour expliquer cette forte hausse, non sans reconnaître qu'elle est aussi sans doute favorisée par la nette augmentation des sommes versées à ceux qui acceptent de quitter la France de leur plein gré.
Les associations ont rappelé qu'elles dénoncent de longue date des pressions, notamment sur les ressortissants roumains et bulgares, pour qu'ils acceptent de partir en échange d'une aide financière, alors même que leur statut de ressortissant européen leur donne le droit de revenir immédiatement en France.
Les expulsions à proprement parler restent toutefois majoritaires, avec plus de 9.000 étrangers concernés en 2008, soit 62% des départs. Elles ont de leur côté progressé de 20% sur les cinq premiers mois, comparés à la même période en 2007. "On s'en rend bien compte sur le terrain", a soupiré Armelle Gardien, membre du Réseau éducation sans frontières (RESF), interrogée par l'Associated Press. Venue distribuer des tracts devant le ministère avec deux autres militants du RESF, elle a été évacuée par les forces de l'ordre au bout de la rue, a-t-on pu constater.
Pour Brice Hortefeux, ces reconduites à la frontière, associées à un plus grand nombre de refoulements aux frontières, favorisent une nette baisse du nombre de sans-papiers en France. S'appuyant sur des indicateurs partiels comme la baisse de l'aide médicale d'Etat dont bénéficient les sans-papiers (-6,2% entre septembre 2006 et mars 2008), le ministre estime que la baisse atteint les 8% en un an, sur un total évalué entre 200.000 et 400.000.
Brice Hortefeux a aussi insisté sur la lutte contre les filières et contre le travail clandestin, relevant que "les premières victimes de l'immigration clandestine, ce sont les clandestins eux-mêmes".
Concernant l'immigration légale qu'il veut conforter, le ministre a d'abord souligné la hausse du nombre de cartes de séjour pour motifs professionnels, qui représentaient cette année 16% des titres délivrés, contre 7% en 2006. Entre juin 2007 et mai 2008, près de 31.000 étrangers ont bénéficié d'un titre de séjour à titre professionnel.
Le ministre a de nouveau jugé que l'objectif de passer à 50% en 2012 était "atteignable", même si l'immigration familiale représente toujours la grande majorité des arrivées avec 85.000 cartes sur les douze derniers mois. "La rupture a été concrètement engagée", a-t-il positivé.
A la Cimade, service oecuménique d'entraide, Sarah Belaïsch jugeait "surprenant de faire venir des travailleurs depuis l'étranger alors qu'il y a des travailleurs sans papiers en France qui occupent leur poste depuis des années et qui souhaitent une régularisation". Sur ce point, le ministre a confirmé que seuls "quelques centaines" de travailleurs devraient obtenir des papiers grâce au mouvement de grève lancé en Ile-de-France. Selon ses services, la liste réduite de trente métiers qualifiés dont l'exercice peut permettre une régularisation devrait être allongée d'ici à la fin de l'année.
Enfin, Brice Hortefeux a reconnu un "échec" symbolique sur le front de l'immigration choisie: seuls 44 exemplaires de la carte "compétences et talents" ont été distribués depuis l'automne. Le ministre en avait promis 2.000 pour l'année en cours.
Brice Horetefeux doit également détailler ce jeudi le pacte européen sur l'immigration que Paris proposera aux Etats européens pendant la présidence française de l'UE.