C’est une maison. C’est un film. C’est un film dans une maison. Une maison avec des miroirs. Et des couloirs. Un film avec des miroirs. Et des couloirs. Un jardin aussi. Avec un petit étang. Une lumière aussi. Douce, alanguie. Une lumière d’automne. Qui rentre par les fenêtres. Il y a deux femmes. Et deux enfants. Deux filles. Ce n’est pas un film. C’est une maison. Il est question de la violence d’une des filles à l’école. A mille lieux de la maison. Du jardin. Du bois des meubles. Du tissus des nappes. De la lumière des vitres. Il y a un homme qui arrive. Les personnages adultes passent dans les couloirs. Ce n’est pas un film. C’est un couloir. Un passage. Un fleuve qu’ils traversent. Un voyage intérieur. Il y a une voix à la radio. Elle parlent de deux jeunes tueurs encerclés par la police, non loin de la maison. Du film. Les dialogues sont des mots. Pas des paroles. Ce n’est pas un film. C’est des mots. C’est en noir et blanc. Les cadres sont beaux. La photographie est belle. Mélange de lumière et de flou. De peau aussi. De nervures de bois aussi. Ce n’est pas un film. C’est du noir et blanc. La musique. Oui la musique qui revient. Quelques notes de musique. Quelques notes de silence. Il y a un piano. Des mais d’enfants sur le clavier. Des mais d’enfants que des mains adultes guident sur les touches. Elles les guident avec force. Elles font mal. Violence de ces mains autoritaires sur ces mains d’enfants. Des visages qui regardent le jardin. A travers les vitres. La musique accompagne le regard. Ce n’est pas un film. C’est une musique. Des miroirs. Beaucoup de miroirs. Mais des miroirs doux. Ils reflètent que le temps qui passe. On y voit les visages, le corps des personnages. Mais le miroir ne les reflètent pas, il les montre. Ce n’est pas un film. C’est un miroir. Les deux jeunes tueurs encerclés par la police sont adolescents. Ils ne sont pas encore homme, mais ils ont déjà tués. Il y a un chat. Un chat noir. Il vit dans la maison. Dans le jardin aussi. Dans le couloir aussi. Il passe. Le suit. Déambule. Disparait au coin. L’homme parle. Il est grand. Il est fort. Mais c’est un enfant. Il joue l’homme, mais c’est un enfant. Les deux femmes l’écoutent. Elles regardent l’homme et écoutent l’enfant. Ce n’est pas un film. C’est un enfant. Une enfance. L’eau. L’eau de l’étang est un autre miroir. Un miroir vivant. Vaguelettes. Ondulations. Ridant le souvenir. Ce n’est pas un film, c’est un souvenir. La petit fille est recroquevillée sur le canapé. C’est la fin de la journée. La lumière est sur le départ. On distinct à peine son corps sur le divan. A coté des cousins, un corps. Son corps. Dans une pénombre de solitude. Cette petite fille s’appelle Nathalie Granger. C’est un film. De Marguerite Duras.
Nathalie Granger
Scénario et réalisation Marguerite Duras
Avec Lucia Bosé, Jeanne Moreau, Gérard Depardieu
Photographie : Ghislain Cloquet