Derrière l'épicerie, la lagune.
Tu prends un mètre-ruban, tu le jettes en vrac dans une petite boîte, et tu auras une idée de ce que sont les routes à Koh Kut : des montées et des descentes, des virages dans tous les sens. Le tout est encaissé entre deux murs d'arbres de chaque côté, qui montent sur la montagne, avec des troncs immenses pour gagner en lumière. Tu circules au fond de la gorge du géant vert.
A vrai dire, je parle de routes, mais je devrais plutôt utiliser le singulier : la route qui va de l'embarcadère au nord jusqu'à un dernier hôtel, au sud, et se termine en un chemin difficile dont je ne connaitrai jamais la fin. Sans doute dans la forêt vierge qui couvre tout l'Est de l'île.
Il paraît qu'autrefois - il y a trente ans - des îles comme Koh Samui étaient comme Koh Kut : boisées à 97%. Quel désastre ailleurs ! Quel privilège ici !
On me dit qu'il n'y a que deux mille habitants originaires de l'île. Les autres seraient des continentaux venus pour travailler dans les hôtels et les restaurants, et des farangs. Deux mille habitants pour une île dont on me dit qu'elle est la quatrième en taille des îles thaïes, ça ne fait pas beaucoup, on se rapproche de la densité du paradis originel.
Nous sommes logés au sud de l'île, et comme ce n'est pas la saison, nous sommes seuls dans l'hôtel. Pas la peine de se dépêcher le matin pour le petit-déjeuner, la table devant la mer sera toujours disponible. Nous avons soigneusement évité le petit bourg de farangs au centre, sans doute plus animé, probablement moins cher, mais d'une grande laideur et banalité, avec ses boutiques pour touristes et ses restaurants les uns à côté des autres.
On raconte qu'avec les militaires, il n'est plus trop question de construire. Que le maire de l'île a décidé de la préserver et exerce une surveillance farouche. Que les prix au bord de l'eau ont pris une ampleur astronomique. Je vois une grande maison sans étage, en bois sur pilotis, qui semble "dans son jus". On m'annonce qu'elle a été vendue soixante quinze mille euros à des australiens. Pour un tas de planches qui prend l'eau, avec les moustiques qui font Woodstock tous les soirs, c'est cher. D'autant qu'elle est d'un accès très difficile. Mais vu l'emplacement - à l'embouchure d'une petite rivière donnant sur une baie charmante - on peut réfléchir.
Si le bord de mer est devenu cher, c'est à cause des farangs, car les thaïs n'aiment pas la plage en général. Ils se baignent mais ne nagent pas : ils ne savent pas. Comme les bretons d'autrefois - je l'ai lu dans Bécassine, une source fiable. En revanche, les thaïs aiment les terrains et les maisons au bord de la route, là où il y a du passage, cela ne les dérange pas, et payent très cher pour avoir le bruit des motos dans les oreilles !
Une chose étrange : ici, beaucoup de filles sont très jolies. Comparativement aux filles de l'Isan. C'est surprenant. Hier soir, nous dînons dans un petit restaurant sur la route. Une fille splendide est entrée dans le magasin-cuisine de l'auberge. Je ne vois que la partie gauche de son visage, elle est à moitié cachée par un poteau. Elle s'avance un peu, et maintenant, je vois la partie droite. Oui, vraiment charmante ! Elle achète ce qu'elle doit acheter, revient à sa petite Honda, l'enjambe : je vois alors son visage de face, et complètement. Elle louche comme ce n'est pas permis, elle louche comme on louchait en France avant que tous les strabismes ne soient opérés. Mais elle reste belle...
A l'hôtel : la plage