Il y a quelque temps, nous vous avions parlé du Périple, une agréable surprise dans l’univers du film d’horreur français. Nous avons obtenu une entrevue avec le réalisateur, Vincent Orst qui a pris le temps de revenir sur la genèse du projet, son propre périple et sur ses ambitions futures.
Une Graine dans un Pot : Bonjour, nous suivions depuis quelques temps votre projet et par soucis de transparence, nous avouerons même que nous avons contribué au financement. Un projet de film zombiesque en plein cœur des alpes-maritimes, ça nous parler beaucoup à la rédaction. A ce propos, pensez-vous que le crowfunding vous ai apporté un nouveau public ? Que retenez-vous de l’expérience ? Est-elle seulement financière ou créatrice d’émulation réelle entre les spectateurs et les créateurs ?
Vincent Orst : Bonjour, et merci pour l’intérêt que vous avez manifesté, vous et votre équipe, pour ce projet. Le crowfunding a essentiellement permis de rassembler des fonds de par notre premier cercle (la famille, les amis…) puis quelques personnes inconnues se sont greffées aux nombreux donateurs et je dois admettre que c’était assez satisfaisant. Par ailleurs, la plupart de personnes ayant contribué ne sont pas fans des films de genre ou de morts-vivants, ce qui a attiré leur attention est sans conteste les lieux du tournage, à savoir les montagnes de l’arrière pays niçois, mais aussi et surtout le casting composé d’acteurs comiques qui allait promettre un ton plutôt décalé. Ce projet, qui aura pris deux années de ma vie aura été éprouvant par moment sur le tournage, jouissif en salle de montage et bien entendu rempli de moments de franches rigolades. Si le but est bien évidement de vendre ce film, c’est tout le côté humain qui ara été enrichissant, à bien des égards.
Une Graine dans un Pot : Pourriez-vous nous éclairer sur la genèse du projet ? Pourquoi avoir choisi un film de genre pour votre premier long-métrage ? Nous avons cru reconnaître, dans vos inspirations, quelques filiations avec des cinéastes reconnus, mais vous donnant la parole, nous aimerions savoir quels ont été vos influences ?
Vincent Orst : Tout simplement étant jeune j’adorais me faire peur et j’ai visionné en masse des films et séries qui mettaient en scène des monstres, des morts-vivants, des vampires… Après être sorti d’école de cinéma j’ai voulu composer une équipe, très jeune, pour se lancer sur un film de genre. Nous connaissions quelques endroits atypiques et parfois glauques qui s’y prêtaient bien, alors je me suis dit « on fonce ! ». Je savais aussi que pas mal de personnes seraient susceptibles de participer à la figuration. Pour ce qui est des influences, je suis très marqué par les années 70 tant sur le plan musical (je suis un inconditionnel de Pink Floyd, c’était d’ailleurs sur certaines compositions de Dario le Bars le fil directeur, entre sons psychédéliques et rock progressif) que filmique. J’aime forcément les classiques de Romero, du Terry Gilliam… Ceci étant dit, je voulais à tout prix que sur certains aspects (notamment celui de la comédie) Le Périple soit très français, à fin d’éviter un humour trop gras.
Une Graine dans un Pot : On a été bluffé par les maquillages et agréablement surpris par la mise en scène palliant aux restrictions budgétaires. Comment se débrouille-t-on avec un si petit budget ? Regrettez-vous de ne pas avoir pu bénéficier d’effets numériques ou êtes-vous de cette génération qui revient vers l’artisanal ?
Vincent Orst : Avec un budget restreint on est forcément obligé de faire des compromis. J’envisageais à la base bien plus de plans larges, finalement les plans serrés permettent de mieux retranscrire les émotions des personnages. Un mal pour un bien en somme. Nous voulions à tout pris revenir à des effets spéciaux artisanaux, pour cela plusieurs équipes de maquilleurs se sont relayées, donnant ainsi l’impression que les revenants ne réagissent pas tous de la même manière à la contamination. L’essentiel du budget, en dehors de la rémunération des comédiens et techniciens est donc passé dans le maquillage et la régie. Je pense que les effets numériques (même s’il y en a eu un petit peu) ne se prêtaient pas vraiment avec le ton du film. Ceci étant dit, en terminant un œuvre on se dit toujours que l’on aurait pu faire ça autrement, filmer telle réplique sous tel angle…
Une Graine dans un Pot : Le périple bénéficie d’un casting de premier choix pour un long-métrage indépendant. Comment avez-vous approchez les acteurs ?
Vincent Orst : Pour les rôles des personnages les plus jeunes j’avais organisé des castings. Concernant les autres j’avais des idées bien précises en tête et c’est en postant des annonces sur des sites spécialisés que je suis entré en contact avec Corinne et Jean-François Pastout (Les rois mages, Les trois frères). Ils ont trouvé le scénario orignal et étonnamment drôle, alors ils m’ont accordé leur confiance. Ce qu’il faut savoir, c’est que pour une raison évidente de budget restreint nous avons tourné le film sur deux étés (2014 et 2015), c’est à la fin de la première session que Corinne m’a dit « Tu sais qui je verrai bien dans ton film ? Eric Collado… ». Il se trouvait que je comptais lui proposer le rôle du méchant, depuis lors je crois au hasard des rencontres. Eric nous a rejoint, avec une pléiade d’autres acteurs comiques et c’est ainsi que le casting a été bouclé. Ils ont tous été adorables et ont accepté, petit budget oblige, de tourner au minimum syndical…
Une Graine dans un Pot : On imagine que vous ne pouviez multiplier les prises. Comment gérez-vous vos équipes ? Êtes-vous plutôt directif ou laissez-vous une place à l’improvisation ?
Vincent Orst : En 2014 nous avions tourné en grande majorité les scènes se déroulant en intérieur et nous avions le temps de faire plusieurs prises. Cette année là je n’avais pas vraiment été directif, à savoir qu’il y a une scène assez longue ou plusieurs personnages discutent autour d’une table, ce qui a permis à chacun d’entre eux de s’approprier le rôle. En 2015 en revanche, pour des extérieurs donc, j’ai dû faire tourner la machine parfois avec un rythme assez dur, sous une canicule intenable… Mais les impératifs horaires ou parfois météo ont fait qu’il était obligatoire de carburer. Et on y est arrivé.
Une Graine dans un Pot : Si l’on a reconnu la volonté de politiser un peu le discours, on a quand même eu l’impression que vous passiez à côté. Quelles étaient vos intentions premières ? Pourriez-vous développez le lien que vous faites entre catastrophe écologique et dérives autoritaires ?
Vincent Orst : Oui, on évoque le sujet de la contamination des eaux courantes d’une ville mais l’ensemble de l’histoire consiste à montrer, comme dans beaucoup de films de morts-vivants, comment les hommes se comportent, ceux qui d’un côté sombrent dans la folie et ceux qui choisissent de résister en étant solidaires. En apportant des nuances bien entendu. Vous aurez remarqué également et sans dévoiler, que l’homme est parfois placé dans la condition d’un animal. Si vous voulez, la science fiction à caractère satirique a pour point commun avec le surréalisme de tordre la réalité pour mieux pointer ce qui ne tourne pas rond. Pour ce qui est des paraboles, elles concernent les dérèglements que nous connaissons, les saloperies (pardonnez-moi l’expression) d’OGM, pesticides.. Et donc l’utilisation de l’eau pour ce qui est vital. Nous étions parfaitement conscients qu’il n’était pas possible de faire un film réellement engagé sur ce thème de morts-vivants, c’est d’ailleurs la raison pour la quelle il a été question d’accentuer l’aspect comique.
Une Graine dans un Pot : Ancrant l’action dans une région que vous connaissez bien, faisant vivre un cinéma local, souhaitiez-vous rendre un hommage à des lieux emblématiques ? Recherchiez-vous avant tout un côté esthétique ou l’affectif a-t-il pris le dessus ?
Vincent Orst : En revenant de quatre années passées à Paris pour les études, le soleil et le train de vie azuréen m’avaient vraiment manqué. Aussi à mon retour j’ai repris goût aux paysages du Mercantour, été comme hiver. Le choix s’est fait pour deux raisons, la première car tourner un film de genre en pleine montagne était assez atypique, la seconde car la famille d’un ami possède un vieux chalet sur quatre étages et ils ont accepté avec beaucoup de générosité que notre équipe y tourne une semaine. Nous avons enfin eu l’occasion de tourner dans les campagnes angevines, cet endroit a d’autant plus d’impact émotionnel car c’est la ville de ma famille maternelle.
Une Graine dans un Pot : Le périple vire rapidement à la comédie, parfois potache, parfois sensible et les situations d’horreur prennent parfois un tour comique. Faut-il y voir un hommage aux séries B de notre enfance ?
Vincent Orst : Oui très clairement et comme précédemment précisé , hommage également à quelques comédies françaises qui auront marqué les années 90, le casting y est pour beaucoup il faut dire ! Dans Le Périple les clins d’œil aux années 70 ne concernent pas que l’horreur mais aussi la comédie. L’idée n’était pas tant de faire peur, d’horrifier peut être sur deux trois plans car le style veut ça, mais plutôt de faire rire et offrir un bon moment au spectateur. Autant dire que nous sommes loin, très loin de Soleil vert !
Une Graine dans un Pot : Comment comptez-vous distribuer le film ? Quels sont vos futurs projets ? Allez-vous perdurez dans l’horreur ou explorez de nouveaux horizons ?
Vincent Orst : C’est bien là que le film est risqué… Auto produit et donc n’étant pas une commande, nous cherchons un acquéreur. Nous avons deux projections prévues, à Angers et Paris, nous espérons faire déplacer des professionnels ! Pour ce qui est de la suite, j’adorerais tourner une comédie (100% comédie cette fois), un film de potes qui partent en vacances. A voir ! De manière générale j’aime tester plusieurs choses, alors au risque de décevoir je vais reconnaître ne pas vouloir refaire un film avec des boyaux et hémoglobines. J’ai des projets en tête, l’un très science fiction, l’autre assez satirique.. J’espère pouvoir vous en parler d’ici quelques années😉
Entretien réalisé par Boeringer Rémy
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