La fin d'un quinquennat tourne forcément à vide. Hollande livre ses discours dans une indifférence polie. Le curseur médiatique se déplace à droite, un débat télévisé jeudi promet de belles formules. Pourtant, à droite, nous pouvions nous effrayer.
La "primaire de droite et du centre" ne déçoit pas.
Elle dégage cette odeur nauséabonde qui nous rappelle les déchirements des années 30 et 40. Elle expulse sur la voie publique les plus profonds des ressentis, des relents pestilentiels chez quelques ténors qui s'aimeraient présidents. Elle décroche une partie de cette droite dite de gouvernement de notre histoire républicaine. La rage de vaincre égare les candidats. Pour Sarkozy, la décrédibilisation de Hollande assurait une victoire certaine. Du coup, la primaire de droite est comme un obstacle de dernière minute détestable. Alors ils se lâchent, ils donnent tout, ils vomissent jusqu'à leurs intestins pour attirer le chaland, l'attention et les colères.
De surcroît, un tel exercice des primaires à droite est inédit en France. Donc personne n'est vraiment rôdé de ce côté-ci du paysage politique. Les primaires sont devenues une élection avant l'élection: après la polémique sur ces électeurs-de-gauche-qui-voteront-Juppé pour y éliminer Sarkozy, on fait mine de découvrir, sondages à l'appui, que Sarkozy pourrait bénéficier d'un formidable soutien des sympathisants frontistes. Sans ces derniers, Sarkozy serait même disqualifié du second tour. Sarkozy à l'inverse continuer de dépeindre son rival Juppé comme un dangereux social-démocrate. Comme souvent, l'attaque est frontale mais sans jamais nommer l'adversaire. Sarkozy a le courage alternatif: " quand on prétend représenter le 'juste milieu', on se prépare aux petits arrangements, à mélanger un peu de gauche avec un peu de droite. Au fond, on prépare l'alternance molle."
Et pour qui donc voteront les Mélenchonistes dans cette primaire de droite ?
A l'étranger, Sarkozy est notre "Trump national": un personnage dangereux, instable, ridicule, que la presse étrangère peine à croire comme un candidat sérieux. Et pourtant, il inquiète jusqu'aux services de renseignement tant son action passée, mue par un besoin de spectacle personnel davantage que par un souci d'efficacité, a été désastreuse.
L'ex-Président des riches cherche un second souffle. Il asphyxie le débat politique. Vendredi, le voici qui promet, en cas de victoire en 2017, d'organiser deux référendums en même temps que les élections législatives de juin prochain - l'un sur l'enfermement arbitraire de tous les fichés "S", l'autre sur la suspension du regroupement familial."Politiquement et juridiquement impossible" prévient aussitôt le rival Copé. Et effectivement, l'ancien monarque, paniqué à l'idée de voir le combat présidentiel lui échapper, joue va-tout sur va-tout en faisant fi du régime et des conditions politiques. En juin 2017, l'Assemblée nationale serait encore de gauche, et l'on peut supposer qu'elle voterait contre l'organisation de tels référendums. Patatras...
On a déjà vécu cette histoire: Sarkozy, acculé, perd tout sens commun. Son verbe s'égare dans des formules définitives qui clivent jusqu'à son propre camp. Sa rage l'emporte sur la raison.
Il est temps de l'évacuer une seconde fois, plus tôt que la première.
Mardi soir, cette droite qui pue les années trente s'est croisée à la fête du cinquantième anniversaire du nouveau Rivarol du 21ème siècle, l'horrible Valeurs Actuelles, l'un des rares journaux français, avec Minute et Rivarol, à avoir été condamné pour "provocation à la haine raciale" en France: Claude Guéant, Eric Zemmour ( celui-là même qui félicite les djihadistes pour leur courage à mourir pour leur foi...), Philippe de Villiers, Marine Le Pen (FN), Jean-François Copé (LR), Patrick Buisson, Pierre Lellouche (LR), David Rachline (FN), Eric Ciotti (LR, sarkozyste) se sont pressés pour trinquer. Et la blonde présidente du FN, à propos du journal qui l'invitait, de déclarer: "Sur les grands choix, on est du même côté du rivage."
Alain Juppé fait son show.
France 2 lui déroule le tapis rouge dans son " L'émission politique", inaugurée deux semaines plus tôt par le rival Sarkozy. Nous sommes en 2016, et certains experts ont pensé que confronter Juppé à l'intoxicateur Robert Ménard ou l'ex-trader Kerviel a encore quelque sens ou intérêt.
" J'en parlais avec les Corses. Les Corses ne sont pas des Gaulois" Alain Juppé.
Personne ne sera surpris du choc " libéral" que l'ancien premier ministre veut appliquer au pays: il poursuit, vers la droite, la voie empruntée par l'équipe Hollande: réductions budgétaires, dégressivités des allocations chômage ("25 % au bout d'un an et 25 % au bout de 18 mois", jusqu'à un plancher de 870 euros mensuels, en deçà du ... seuil de pauvreté), recul supplémentaire de l'âge de départ à la retraite, etc) et ajoute ces " petites" touches qui l'arrime plus fortement à son camp - comme le durcissement des conditions de regroupement familial (un phénomène pourtant marginal en France - à peine 10.000 personnes) ou d'accès à la AME.
Pire encore, le programme de Juppé subit la même grossière aberration économique si répandue à droite: en voulant abaisser massivement les impôts des plus riches, ceux-là même qui épargnent au lieu de consommer, il aggrave les inégalités, déséquilibre les comptes publics et sans relancer l'investissement ni la consommation. Il y a deux ans déjà, l'économiste Robert Reich expliquait le désastre dans un documentaire pédagogique, "inequality for all".
La surprise Juppé est ailleurs. Le favori des sondages terrifie ses rivaux du centre et de droite. Il est accusé par sa droite extrême d'être de gauche, et par sa gauche la plus proche d'être un dangereux libéral.
Une fraction de la gauche s'organise en primaire mais pour janvier prochain. Car il faut laisser au président sortant le temps de se décider, d'observer si cette fameuse courbe du chômage s'inverse enfin durablement dans les quelques mois qui nous restent. Jusqu'au bout, Hollande aura prié pour être la seule alternative possible de la gauche. La direction du PS envoie des textos à ses cadres pour les prévenir qu'un appel de soutien à la réélection de Hollande est proche. Mi-octobre paraît-il. Même le site de campagne est prêt.
Ce temps est révolu.
"Si le chômage ne recule pas d'ici à 2017, je n'ai aucune raison d'être candidat à un deuxième mandat" François Hollande, 18 avril 2014.
François Hollande est zappé de l'actualité politique. Dimanche, il fait un "pèlerinage littéraire" à la maison Zola, musée Dreyfus, à Medan. Lundi, il inaugure la "grande école du numérique". Jeudi, il livre un discours sur la réforme des institutions. Ses propositions sont anecdotiques face aux maux dont est frappé le pays. L'opération passe totalement inaperçue. Un vague bruit de fond, ignoré des journaux radiophoniques; à peine une brève dans la presse. Hollande est encore une fois zappé de l'actualité, il le mérite: comment penser qu'un régime incapable de nettoyer ses écuries - un ancien président convaincu de fraude aux dépenses électorales peut se représenter -, dominé par des mâles, blancs, bourgeois et âgés, et verrouillé par un mode de scrutin majoritaire qui a fini par désintéresser une majeure partie de la population ne mérite , comme l'explique Hollande, qu'un toilettage sur le cumul des mandats ou l'accélération de la procédure législative ?
Vendredi, il s'invite à l'Ecole nationale des Greffes pour parler justice.
L'ancien ministre Macron livre l'une des meilleures charges de la semaine. Il compense le vide absolu de son programme par une charge sans faille contre ses meilleurs rivaux, Fillon, Juppé, et Sarkozy: " Le retour en politique n'est pas un droit. Quand on a perdu, un minimum d'introspection est nécessaire. (...) Peut-on imaginer se présenter au suffrage des Français alors qu'on a délibérément dépassé le plafond des dépenses autorisées pour sa campagne". Cette charge fait déraper Sarkozy, et c'est déjà une satisfaction. Car l'ancien monarque ment effrontement et involontairement, quand il réplique le lendemain: "Je fais de la politique depuis trente-cinq ans je n'ai jamais été une seule fois condamné." Faux, monsieur Sarkozy. Le Conseil Constitutionnel vous a jugé coupable d'un premier dépassement du plafond des dépenses de campagne, avant que l'affaire Bygmalion n'éclate d'ailleurs.
Juppé, Hollande, Sarkozy, Macron...
La campagne présidentielle de 2017 démarre dans la boue, par une primaire à droite qui mérite un premier coup de Kärcher.
Ami citoyen, élimine.