Quatre années après sa première exposition personnelle à la Galerie Particulière, la sculptrice britannique Kate MccGwire revient à Paris présenter un ensemble d’œuvres récentes, de plus petits formats qu’à l’accoutumée.
Toujours à partir de plumes de pigeons, corbeaux, pies, colombes patiemment récoltées, nettoyées et assemblées, elle crée toute une faune inédite de formes mêlées, entrelacées, animées de mouvements, d’ondulations qui semblent douées de vie et d’expansion. Ce bestiaire abstrait, auquel on ne saurait trouver ni commencement ni fin, réussit l’exploit de nous ramener à des temps obscures, primaires et incertains tout en nous semblant d’une incroyable familiarité.
Et c’est bien dans ce phénomène surprenant que se dévoilent les axes principaux du travail de Kate MccGwire : en jouant tout à la fois sur l’emploi de matériaux communs et facilement identifiables mais inusités, Kate MccGwire reprend en partie le concept freudien d’«Unheimlich» (l’étrange, ou littéralement, l’inhospitalier), c’est à dire l’idée d’un espace où le familier peut en quelque sorte susciter la peur. En s’appuyant sur l’imaginaire collectif, les associations d’idées et les oppositions conscientes ou inconscientes, Kate MccGwire cherche également à questionner la notion même de Beauté (un sentiment du beau indépendant de tout principe d’esthétisme, une beauté qui serait problématique, complexe, et même repoussante), et à rendre beau ce qui, à priori, ne l’est pas. L’artiste joue sans cesse avec nos perceptions jusqu’à sacraliser ces « curiosités » par la préciosité des vitrines antiques. Face à ces œuvres indéfinissables, nous sommes comme aimantés, et que nous aimions, ou au contraire que nous rejetions ce qui nous est donné à voir, nous sommes englobés par l’œuvre dont le souvenir restera longtemps ancré en nous.
VUES DE L’INSTALLATION A LA GALERIE PARTICULIÈRE
Kate MccGwire place aussi au centre de son questionnement la relation de l’œuvre au spectateur : dès les premiers croquis au crayon, les formes circulaires ou en spirales, récurrentes créent une sorte de « champ d’attraction », qui incitent le spectateur à se rapprocher au plus prêt de l’œuvre, à casser la distance naturelle que l’on observe avec une chose nouvelle. A la Galerie Particulière, le visiteur peut interagir pour la première fois avec une sculpture sous laquelle il faut glisser sa main afin de faire se mouvoir des rangées de calamus (la tige rigide qui termine la plume) en un ballet intriguant.
Dans l’atelier mobile de l’artiste, abrité sur une péniche hollandaise amarrée à Paris pour quelques semaines, j’ai pu découvrir tant la genèse que le prolongement en deux dimensions de ces sculptures. Là accroché à la fenêtre, ici posé sur le bureau, des croquis préparatoire au fusain viennent poser les bases de pièces à venir (ou en l’occurrence déjà réalisées et exposées). Suspendues aux mur, des rangées de petites plumes de pie nous remémorent les subtiles irisations bleuté déjà vues dans des pièces de grand format telles que ‘SPILL’ (2015), exposée à l’entrée de la galerie. Les plumes, matière première précieuse et organique, employées par Kate pour réaliser ses pièces sont, elles, soigneusement entreposées dans des boites en plastiques dont l’empilage laisse présager du travail chronophage réalisé en amont pour tout classer par type, taille, qualité. Au fil de la discussion, j’apprends aussi que la plupart des pièces monumentales de l’artiste ont été réalisées ici-même, sur ce bateau à l’espace pourtant restreint. Un environnement déroutant et accueillant, à l’image de Kate-même et par extension des pièces fantastiques qu’elle réalise.
VUES DE L’ATELIER DE KATE MCCGWIRE
Photos © FG / Roughdreams.fr
Kate MccGwire – Scissure
Jusqu’au 15 octobre 2016
à la Galerie Particulière
16, rue du Perche
75003 Paris