Ty Dolla $ign « Campaign » [mixtape] @@@½
Sagittarius Laisser un commentaireIl y a les albums digitaux gratuits… et les mixtapes digitales payantes. Ce n’est pas un concept nouveau, la vente de mixtapes existe depuis sa création sur format K7 dans les années 80. Seulement, depuis que les pays industrialisés ont démocratisé Internet dans les foyers, le support physique a été naturellement supplanté, sans être voué à disparaître, parce cela nécessitait de copier des cassettes, presser des vinyles ou graver des CDs (investissement matériel et temporel), que ça prenait de la place pour stocker, etc… Pour les producteurs de mixtapes, que ce soient des DJs ou des rappeurs, simplement convertir ses oeuvres en mp3 sur un site ou une plateforme accessible à tous, que ce soit de téléchargement ou de streaming, c’est devenu tout bénef, d’autant plus que ce marché parallèle était à l’époque trop limité géographiquement, alors passer de l’échelle locale (ville) à partout sur la planète où l’on peut taper « www »…
De nombreux rêves allaient se concrétiser à condition de sortir de la mêlée, comme toujours dans le rap, car avec la dématérialisation de la musique conjugué à l’avènement du home-studio, n’importe qui peut techniquement faire parler de lui. Conséquence, le nombre de mixtapes a explosé exponentiellement sur le Net et le marché est devenu over-saturé. Pour sortir la tête de l’eau dans cet océan, il faut y croire et avoir un coup de main providentiel, par un autre rappeur confirmé, un producteur avisé, un blog/site spé… Dans le fond, rien n’a vraiment changé, chacun veut se battre pour devenir populaire par tous les moyens possibles, juste que les paramètres ont changé : plus de facilité et rapidité de création, mais une compétition proportionnellement plus féroce.
Dès lors que les artistes hip-hop/rap se sont mis à privilégier le format numérique pour faire connaître leur musique partout dans le monde, phénomène qui s’est généralisé vers la fin des années 2000, pour nous, les auditeurs accolés nos ordinateurs, iPod ou smartphones, confortablement habitué au téléchargement gratuit, c’était cadeau puisque ça ne coutait rien de découvrir de nouvelles choses. À vrai dire depuis Napster, Kazaa, Emule, Mediafire, Wetransfer et compagnie. Sauf qu’il y a quinze ans la première « génération digitale » était considérée comme de vilains pirates, traitée de voleurs par des gens trop vite doublés par la vitesse de cette musique numérique et incapable de s’y adapter. Le fait que des artistes en herbe, ou parfois même des poids lourds -qui entre nous faisait partie de cette génération de consommateurs hors-la-loi- ont saisi l’intérêt de faire parvenir des projets gratuits, que ce soit des mixtapes ou mieux, des albums (Dom Kennedy, Nipsey Hussle, 50 Cent et Run The Jewels restent de très bons exemples), quitte à ne savoir plus quoi écouter tellement c’est inondé, un verrou a comme sauté. Légal et pas besoin de voir débiter un compte en banque souvent dans le rouge à la fin du mois, et profitable pour l’artiste ou le groupe en terme de notoriété et de buzz.
2016, la norme est au streaming, vive la musique en libre accès. Mais si vous voulez vous procurer un album, ça ne change pas il faut sortir les $$$ et vous avez le choix entre iTunes & Cie, le CD, le vinyle… Pareil pour certaines catégories de mixtapes « haut de gamme », redevenues ‘payantes’. Et ça peut être agaçant, comme devoir payer une taxe après avoir profité d’une exonération. Nous revoilà a point de départ de ce petit laïus, c’était pour introduire cette nouvelle mixtape de Ty Dolla $ign, Campaign, qui arrive en plein affrontement entre Trump et Hillary Clinton, mais cette campagne-là n’a rien à voir avec la politique.
Ty Dolla $ign est un artiste rap qui bosse pour lui, bien qu’il soit crédité parmi les featurings les plus vendeurs actuellement grâce à ses saveurs r&b. Après avoir financé la campagne de libération de son frangin avec Free TC l’automne dernier, composé d’une liste de VIP venus trinquer avec lui, le voilà qu’il chercher à récolter de nouveaux fonds avec cette mixtape que l’on pourrait très bien confondre avec un vrai skeud car Campaign en possède toutes les qualités : des invités de marque, des producteurs incontournables et du caviar… au milieu de toast surgelés. Il est vrai qu’à première écoute, cette mixtape semble avoir réchauffé des leftovers de Free TC, surtout en début d’album. Après une ouverture intéressante (« $ »), c’est parti pour le quart d’heure trap, à commencer par « Campaign » avec un Future qui laisse sans avis avec son refrain à la « Jumpman« . DJ Spinz a ressorti les mêmes notes d’électro sur « ??? (Where) » que sur le banger « Blasé« , en ramenant les migos dans l’assistance. Le single « 3 Wayz » n’a rien de génial et Travi$ Scott y est transparent.
C’est passé la track 5 que les choses deviennent réellement intéressantes, à partir de « Juice« . Nous revoilà dans ce mellow de trap, rap westcoast et r&b qui sied à Ty Dolla $ign, capable de jongler entre autotune et vocodeur, comme de casquette de musicien qu’il retourne en producteur. On essaie toujours de comprendre ce qu’il mâche en chantonnant, ah cette manie d’avaler une consonne sur deux en chuintant. En tout cas la séquence jusqu’au très réussi « My Song » (feat 24hrs) est délicieuse. Le single « Zaddy » (‘bogoss’ en slang) est un des temps forts, de même que « R&B« , (produit par Zaytoven) qui s’inspire de « Take Away » de Missy Elliott et Ginuwine, ou encore clean.
Après il y a la ballade accompagnée à la guitare « Stealing » qui fait écho à « Solid« , toujours extrait de Free TC. « No Justice » refait appel au pénitencier où est incarcéré TC justement pour la bonne cause, encore un point commun avec le précédent album. « Pu$$y » (feat Trey Songz et Wiz Khalifa) n’éveillera pas plus d’intérêt, pas plus que « Watching » avec l’insupportable Meek Mill et le remix de « Campaign » signé Charlie Heat. C’est à se demander si ce projet est réellement une mixtape… Mais a priori le prochain album sera bien Beach House 3, sauf information contraire.