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Fichu Hidjab, uniforme islamiste

Publié le 07 octobre 2016 par Polluxe

Dans la série Archives, voici une tribune de 2004, parue dans Libération, qui analyse bien le(s) sens de ce vêtement. 12 ans déjà ! Que de temps perdu par certains…

 » Cette nouvelle forme de voile, uniforme, un fichu, le hidjab, est apparu, dans l’actualité, à la rentrée scolaire de 1989, avec «l’affaire de Creil», qui concernait deux jeunes soeurs marocaines. Ceci est curieusement survenu au moment même où les jeunes filles de l’immigration maghrébine, nées en France après le «regroupement familial» de 1975, et alors d’âge scolaire, venaient à fréquenter l’école en nombre. Or, elles se trouvaient y remporter davantage de succès que leurs frères, si bien qu’elles trouvaient leur place dans la société française sans les problèmes que posaient plus souvent les garçons. Or, tout a semblé alors se passer comme si le port de ces fichus islamistes par quelques écolières musulmanes avait été opportunément encouragé par les propagandistes de mouvements islamistes, dans le cadre d’une nouvelle stratégie d’anti-intégration de ces jeunes filles, promues en modernes affiches des nouveaux signes d’un islamisme politique.
Car la plupart des mères de ces jeunes filles de l’immigration maghrébine ne se sont, elles, jamais voilées : c’est en effet le cas de la majorité d’entre elles, d’origine berbère, qui se sont toujours déplacées librement, et sans voiles, tant dans les milieux clos que dans l’espace extérieur de leurs villages. C’est aussi tout particulièrement le cas des femmes berbères de Kabylie, cette montagne algérienne d’où vient la plus ancienne et la plus grande partie de l’immigration algérienne en France. Seules s’y voilaient en effet les femmes des quelques lignages religieux, tandis que toutes les autres femmes kabyles, laïques, sortaient sans ces voiles que leurs hommes sont fiers de ne jamais leur avoir imposés. Ailleurs, dans les plaines et les villes maghrébines, les femmes arabes, au dehors, portaient, quant à elles, des voiles de couleurs et de formes variées, spécifiques à chaque région, qui les faisaient reconnaître selon leur origine locale, au contraire de ces uniformes islamistes.
De plus, non seulement ce nouveau fichu est très différent des divers voiles traditionnels de sorties féminines, mais il n’est pas non plus un voile coranique. Car, dans l’Arabie du VIIe siècle, celle du Coran, le voile était, sous le nom de djilbab, un vêtement complètement enveloppant, distinctif, prescrit aux premières musulmanes, dans l’intention de faire reconnaître leur qualité de femmes libres, pour les distinguer des femmes esclaves.
En revanche, ce récent fichu islamiste est, en réalité, un uniforme politico-religieux moderne, apparu à la suite de la révolution iranienne (donc depuis 1980), sous le nouveau nom hidjab, «ce qui cache» (sans doute «tenture» dans le Coran). Il a ensuite été diffusé à travers tout le monde musulman, où il est désormais prescrit aux femmes comme valeur de l’idéologie intégriste islamiste ; il est donc un signe d’adhésion à ces mêmes valeurs politico-religieuses. Ainsi défini, ce hidjab est, certes, porté pour distinguer les femmes sympathisantes des mouvements intégristes, mais il prend des sens différents selon le contexte où il est porté, entre autres, selon que l’on se trouve dans un pays à majorité, ou à minorité, musulmane.
Dans les sociétés majoritairement musulmanes, où l’islam est religion d’Etat (comme au Maghreb), et encore patriarcales, homogènes, l’usage et par suite, le sens, du voile, porté par nombre de femmes, peut être multiple. Il peut être revêtu par conviction, certes, mais aussi par commodité, ou par concession tactique, ou encore comme cache-misère. En revanche, dans les pays européens où l’islam est minoritaire, comme en France, il n’en est pas de même, car cet uniforme, porté par une petite partie seulement des femmes musulmanes, est très visible, montré à toutes les diverses personnes composant une société complexe, hétérogène, et, surtout, non familière des voiles féminins.
Sans doute, pour les jeunes femmes et filles qui le portent, ce hidjab, disent-elles, serait une obligation religieuse ; or, non seulement rien n’est moins sûr, mais, surtout, ce voile particulier a aujourd’hui pour but de distinguer les femmes adhérant aux valeurs communautaires islamistes, en marque uniforme d’adhésion à ces mouvements partisans. Ainsi, le port de ce fichu manifeste un différencialisme qui opère une fracture entre les femmes, en exposant la particularité dans laquelle les porteuses de fichu sont ainsi enfermées, ce qui peut les conduire à une sorte d’autoexclusion.
Par ailleurs, en France, le hidjab prend d’autres significations pour ceux devant lesquels il est affiché. D’abord aux yeux de toutes les autres filles de parents musulmans, les compagnes de classe : car cette exposition politico-religieuse les trouble et risque de réactiver leur remord de ne pas être assez fidèles à la religion de leurs parents. C’est en effet le message que leur adressent les porteuses de fichu qui prétendent leur faire la leçon, ainsi que le disent certaines d’entre elles. Quant à la plupart des Français, ils y voient le signe d’une opposition, puisque ce fichu est l’emblème d’une allégeance prioritaire à des prescriptions politico-religieuses qui peuvent aller jusqu’au refus des obligations légales et républicaines, dans le cas où les lois françaises apparaîtraient contraires à cette loi religieuse, ce qu’ont encore affirmé certaines de ces jeunes filles. Enfin, la plupart des Français sont aussi choqués par ce voile qu’ils considèrent comme le signe évident d’une oppression sexiste, du refus de l’égalité entre hommes et femmes.
À l’école, le moderne fichu va ainsi à l’encontre, tant de la Déclaration des droits de l’homme qui bannit toute distinction entre les hommes (et les femmes), que des principes de la laïcité. Car le fichu se définit comme une distinction d’allégeance à une communauté partisane, ce qui est le contraire de l’égalité. Il est aussi, avant tout, une expression militante et politique. Et ce n’est sans doute pas un hasard si ce voile significatif voudrait être imposé aux jeunes filles de l’immigration maghrébine, elles dont l’intégration est en meilleure voie, et alors même que la plupart de leurs mères et grands-mères n’ont même pas été voilées. Ce fichu islamiste semble bien une innovation récente faisant partie d’une stratégie anti-intégration à visée d’apartheid. »
Source : http://www.liberation.fr/tribune/2004/01/16/fichu-hidjab-uniforme-islamiste_465557


Tagged: femme, hidjab, islamisme, voile

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