A mes yeux, l'œuvre de Perrine Rouillon correspond tout à fait à une BD, à savoir une suite de dessins qu'on parcourt à son rythme et dont la lecture complète fait ressortir le sens (même si parfois ce sens est l'absence de sens). Le choix de ne pas mettre de cases, de phylactères, n'en fait pas moins une BD. L'utilisation de l'espace de la page dans la narration n'en fait pas moins une BD. Et le format livre n'en fait pas moins une BD. Quant au sujet, peu importe, ce n'est pas lui qui va nous aider à trancher ce débat, puisque une œuvre artistique peut traiter de tout, qu'elle soit film, peinture, sculpture ou... BD ! Et penchons-nous donc sur le sujet, de quoi nous parle cette petite personne ? Sorte d'Eve créée par un démiurge en mal d'inspiration, la petite personne se cherche, partage ses questionnements avec l'auteur, tente de marquer son indépendance, développe sa volonté, et comme tout être humain lâché dans un monde vide de sens, elle veut – ou pas, selon les moments – trouver un sens à tout ça. En fait, cette petite personne pourrait être un reflet de l'humanité ramené à une ligne froissée. Une humanité qui aurait la possibilité d'échanger directement avec son créateur, enfin, sa créatrice dans ce cas, pour avoir les réponse à ses questions. Et le souci, d'où naît l'humour, c'est que les questions de la petite personne, ses exigences, bousculent sa créatrice jusqu'à ses derniers retranchements ! Imaginez que Dieu nous réponde et qu'il hésite, cherche ses mots, ne soit pas sûr d'avoir bien fait. En fait, imaginez que Dieu soit beaucoup plus humain que divin, et vous comprendrez les affres traversées par la Petite Personne ! Heureusement, la distanciation imposée par le style de Perrine Rouillon permet d'apporter cette dose d'humour, à la frontière de l'absurde, qui empêche ces histoires de basculer dans la philosophie sérieuse et prise de tête – passez-moi l'expression. En tant que lecteur, je ris, je m'interroge sur certaines histoires, parfois sans trouver de réponses ou de sens, je trouve des idées lumineuses de finesses, en fait, je pense en m'amusant. Ce qui aurait probablement déplu à Platon. Mais Platon n'est plus, alors que la Petite personne, elle, est bien vivante. Euh... Enfin, tout est relatif !
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