Des millions de bouddhistes et de laïcs suivent son enseignement via ses livres, ses conférences ou ses retraites données chez lui, en France, au Village des Pruniers. Il a créé ce centre bouddhique en 1982, seize ans après avoir été contraint à l’exil par le gouvernement vietnamien.
La voix douce et ferme, il répond : « “Moi, moi”, il n’y a pas de soi séparé. » Rencontre rare avec un vrai sage.
Psychologies : Votre nouvel ouvrage porte sur l’enfant intérieur, une notion de psychologie. Comment la définissez-vous en tant que bouddhiste ?
Thich Nhat Hanh : Quand vous plantez une graine de maïs dans le sol, elle pousse et se transforme en plante. Alors, vous ne voyez plus la graine. Elle est pourtant toujours vivante. Lorsque vous regardez un adulte, l’enfant est bien là, même si vous ne pouvez pas le voir. Souvent, cet enfant a souffert et continue de souffrir. Pour le guérir, il faut commencer par le voir, reconnaître sa tristesse, puis lui parler en l’entourant de votre tendresse, en pleine conscience. Ainsi, vous l’apaiserez.
Vous considérez-vous comme un thérapeute?
T.N.H. : Dans notre tradition, on nomme le Bouddha « le roi des guérisseurs ». Car le dharma [l’enseignement du Bouddha,] a pour fonction de guérir les gens : la colère, le désespoir ou la jalousie sont leurs maladies. Le bouddhisme a, depuis l’origine, une approche psychologique. On y parle de la « conscience du tréfonds », qui correspond à l’« inconscient ». C’est là que résident les graines de ces « maladies », qui ne sont des maladies que si nous laissons leur énergie nous nuire sans utiliser la pleine conscience. Elle seule permet de se guérir, et de guérir les autres.
« Prendre soin de son enfant intérieur » n’est donc pas qu’une démarche individuelle...
T.N.H. : Non, car l’enfant intérieur est un enfant collectif. Il est une continuité des enfants intérieurs de votre père, de votre mère et de tous vos ancêtres. Si vous pouvez apaiser le vôtre, vous apaiserez aussi les leurs. Vous pratiquez non seulement pour vous, mais pour vos ancêtres.
Dans votre enseignement, ce matin, vous avez dit : « Si vous n’êtes pas heureux, c’est à cause de vous, parce que vous n’utilisez pas la pleine conscience. » Croyez-vous vraiment que cela soit suffisant?
T.N.H. : La marche méditative, la respiration consciente vous permettent d’être vraiment là. Et si vous êtes vraiment là, alors vous reconnaissez les conditions du bonheur que vous possédez. En profiter devient enfin possible. Tout de suite !
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