Le concept du genre ou les rapports sociaux de sexe

Publié le 06 octobre 2016 par Micheltabanou
Après la polémique autour des manuels de Science de la Vie et de la Terre pour les classes de 1ère qui avait eu lieu en 2011, les lobbys conservateurs, issus de la " Manif pour tous ", mènent jusqu'à aujourd'hui depuis 2013 des constantes offensives contre ce qu'ils appellent " la théorie du genre " à l'école. La vision qu'ils veulent en donner est caricaturale et mensongère, laissant entendre qu'on mettrait dans la tête de nos élèves l'idée qu'ils pourraient choisir leur sexe une fois adultes !!
Et le pape François n'a pas hésité une seule seconde pour mettre ses mules papales dans le plat mal mitonné par ces réactionnaires.
Pour une énième fois il nous faut poser cette question: qu'est-ce que les études sur le genre ?
Il s'agit en fait, non pas d'une théorie, encore moins d'une idéologie, mais d'un concept, un domaine de recherche pluridisciplinaire, né il y a une trentaine d'années aux États Unis faisant référence aux rôles, aux responsabilités assignés traditionnellement aux hommes et aux femmes dans une société donnée. En France, on a longtemps employé, et on emploie encore, surtout les expressions " rapports de sexe " ou " rapports sociaux de sexe ".
Le genre est parfois défini comme le " sexe social ", différencié du sexe biologique. Il s'agit d'une construction sociale de la différence des sexes, telle que Simone de Beauvoir l'écrivait en 1949 : " On ne naît pas femme, on le devient ", expression tout aussi symétriquement applicable aux hommes. Cette différenciation des sexes fonde une hiérarchie au profit du masculin qui varie en fonction des lieux, des époques et du contexte socioculturel. Le genre est la construction sociale de l'oppression des femmes. Il stipule que l'infériorisation universelle des femmes n'est pas naturelle mais socialement construite. Des chercheurs et chercheuses insistent sur le fait que le genre est le système qui produit la bipartition hiérarchisée entre les hommes et les femmes, la hiérarchie des sexes et des sexualités. Le cadre normatif du système de genre se révèle très étroit, générant sexisme homophobie et lesbophobie, et enfermant les individu-es, en grande majorité les femmes, dans des rôles dans lesquels ils et elles ne se reconnaissent pas forcément, réduisant la liberté de tou-te-s, entravant l'égalité réelle des droits entre les femmes et les hommes .
Être sensibilisé-e aux études de genre, c'est donc faire la part du culturel et des stéréotypes pesant sur les individu-es en fonction de leur sexe et avoir conscience des rapports sociaux inégalitaires entre les sexes. Pour simplifier c'est comprendre et accepter que le chromosome Y n'est pas incompatible avec les tâches ménagères et que le destin des femmes n'est pas exclusivement d'être mères! Les différences biologiques, diversement appréciées selon les chercheuses et chercheurs, ne doivent pas engendrer des inégalités dont les femmes font les frais.
Ces études se heurtent à de puissants discours qui rapportent les différences perçues et la hiérarchie entre les hommes et les femmes à un substrat biologique, à un invariant naturel voire à une " loi divine " pour certain-es. Leurs détracteurs défendent une vision essentialiste et glorifient la prétendue " complémentarité des sexes " ; ils ont fabriqué l'épouvantail de la " théorie du genre " pour contrer le mouvement d'émancipation des femmes et discréditer l'éducation à l'égalité à l'école. C'est tout le sens réel de ces manifestations de la manif pour tous.
Il faut pour répondre à ces manipulateurs bien affirmer que la théorie du genre ou gender n'existe pas ! Qu'il existe en revanche des recherches sur le genre qui est défini comme un outil d'analyse et un système de hiérarchisation entre les sexes. Il faut très clairement affirmer cette réalité qu'à l'école il ne s'agit pas de faire la promotion d'une orientation sexuelle mais essentiellement d'éduquer à l'égalité filles-garçons. Et qu'il n'est pas question d'enseigner les études sur le genre à l'école mais qu'il est nécessaire que l'école les prenne en compte aussi bien dans son enseignement que dans sa gestion des relations entre enfants. A l'école, ces rapports sociaux de sexe ont cours et sont maintenant bien connus. Le système éducatif les reproduit par ses hiérarchies entre professionnel-les, l'orientation scolaire et professionnelle des élèves et étudiant-es, les pratiques de classe et les interactions enseignant-e/élèves, l'image des disciplines, l'évaluation des élèves, les manuels scolaires, la littérature de jeunesse, l'occupation de l'espace dans la cour de récréation et la présence symbolique dans la classe. Les violences contre les filles s'invitent aussi à l'école.
Il faut veiller à ne pas enfermer less élèves dans des schémas étriqués. Il faut leur laisser ouvert, afin de permettre leur épanouissement le champ de tous les possibles : choix d'orientation scolaire et professionnelle, choix de loisirs. Il s'agit en priorité de lutter contre les stéréotypes, contre les violences et de promouvoir la diversité. Cela se pratique au quotidien, dans les attitudes et les réactions des pédagogues et peut être initié et pratiqué lors d'activités pédagogiques spécifiques.
Lutter contre les discriminations et les stéréotypes véhiculés sur les filles et les garçons est précisément un des objectifs de l'école : depuis 2000, la Convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif avec une nouvelle version signée en février 2013 entend sensibiliser les élèves et les personnels à l'égalité filles/garçons. Que cela soit clair et surtout que le Vatican s'occupe de ses affaires et qu'il laisse la France et les français libres de leur choix et hors de toute assimilation à leur millénaire et funeste idéologie inégalitaire. Inégalitaire surtout pour les femmes.