Alors que le robo-advisor français Yomoni fêtait récemment le premier anniversaire de son lancement public en révélant quelques données chiffrées sur son activité, l'annonce de ses 1 500 clients conquis suscitait un certain scepticisme dans la presse. Ces réactions sont-elles justifiées ou bien faut-il rester optimiste pour les disrupteurs ?
Un article paru dans Les Échos, en particulier, s'attarde sur la « confidentialité » du service, après avoir toutefois souligné la performance respectable de la jeune pousse. En filigrane, transparaissent les doutes de l'auteur sur la viabilité de son modèle et sa capacité à séduire les français. Or, si les éléments publiés reflètent objectivement des résultats modestes (et n'auraient peut-être pas dû être communiqués, afin d'éviter les confusions), ce ne sont pas eux qui fournissent les enseignements les plus intéressants.
En effet, il est totalement illusoire de croire que toutes les startups ont vocation à voir leurs compteurs d'utilisateurs exploser du jour au lendemain (à l'instar des plates-formes sociales, souvent éphémères). Alors, quand, de surcroît, il est question d'argent, ou, pire encore, d'investissement, il est certain que le décollage prendra du temps. Le temps d'éduquer les consommateurs à des produits considérés comme complexes, de les familiariser avec l'innovation dans ce domaine, puis, enfin, de leur inspirer la confiance suffisante pour qu'ils franchissent le pas et deviennent clients d'une nouvelle venue…
Contrairement aux doux rêveurs, les entrepreneurs sont parfaitement conscients de cette difficulté, qu'ils intègrent (heureusement !) dans leurs stratégies, notamment quand ils présentent leurs ambitions – mesurées – pour les prochaines années (10 000 clients en 2018 pour Yomoni, 20 000 en 2020 pour WeSave…). Il en est de même pour tous les acteurs de la FinTech en général. C'est ce qui rend leur aventure plus hasardeuse que certains ne l'imaginent mais qui n'empêche nullement de croire à leur succès, à terme.
En revanche, l'analyse des profils des premiers clients du robo-advisor est plus instructive, bien qu'elle réserve finalement peu de vraies surprises. Avec une moyenne de 4 000 euros d'encours et une préférence à (80%) pour des allocations d'actifs relativement risquées, ceux qui se lancent sont plutôt des jeunes de catégories socio-professionnelles supérieures. Autrement dit, ce sont des populations qui peuvent se permettre de mettre en jeu une partie de leur patrimoine, qui comprennent mieux les produits financiers et qui ont plus naturellement confiance en un acteur émergent.
Pour Yomoni, il s'agit probablement d'une bonne nouvelle, quoiqu'elle mette tout de même à mal son positionnement initial, qui visait à rendre accessible l'investissement au plus grand nombre (« la gestion de fortune à partir de 1 000 euros » !). Si elle maintient le cap, il lui sera assurément plus difficile (et encore plus long) de capter la clientèle des personnes qui ne connaissent, en matière d'épargne, que le livret A ou ses équivalents. Mais savoir s'adapter aux circonstances est une autre qualité des startups…